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par Henri Wallon

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La chronique du Bourgeois de Paris
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De toutes les chroniques, voici la plus haineuse à l'endroit de la Pucelle, et celle où, jusqu'à notre siècle, les historiens ont puisé le plus largement, lorsqu'ils ont eu à parler de la tentative contre Paris et de la fin de la Martyre. Elle était connue sous le titre de Journal d'un Bourgeois de Paris.
  Les laborieuses et sagaces recherches de l'éditeur, M. Tuetey, sont parvenues à lever le voile de l'anonyme. L'auteur du Journal n'est pas un bourgeois, mais un ecclésiastique universitaire de l'époque, Jean Chuffart. Les inductions de M. Tuetey semblent concluantes. Elles sont tirées du Journal même et de ce que par ailleurs diverses archives ont fait connaître sur Jean Chuffart. Voici un résumé des indications de M. Tuetey, complété par quelques recherches particulières.
  Né à Tournay, Chuffart ne partagea pas les sentiments français de sa ville natale. Aussi, ayant voulu s'y rendre en novembre 1429, y fut-il mis en prison comme anglo-bourguignon; il en coûta 500 couronnes d'or à son père pour le faire rendre à la liberté. A cette date, Jean Chuffart était un des premiers personnages du monde ecclésiastique de Paris, où très vraisemblablement il était venu d abord pour ses études. Son lieu d'origine l'attachait à la nation de Picardie, et il était de la faculté des décrets, c'est-à-dire de la nation et de la faculté les plus dévouées au Bourguignon. Maître ès arts, il avait eu en 1421 son quartier de rectorat. Licencié ès lois, chanoine de Notre-Dame, il obtint après Gerson le titre de chancelier du chapitre, ce qui le faisait en même temps chancelier de l'Université, charge éminente, « sur laquelle, écrivait Machet le confesseur du roi, repose le poids des bonnes études de l'Université tout entière ». Chuffart était si inférieur à sa charge que Machet le pressa très vivement de la résigner. Chuffart avait promis, mais il ne se hâta pas de remplir sa promesse, si tant est qu'il n'ait pas différé jusqu'à la mort.
  Cela nous donne droit de supposer que la politique, plus que le mérite, aura porté Chuffart à cette haute dignité. Il en fut investi le 29 août 1429, après la mort de Gerson. Il a dû en exercer les fonctions longtemps avant, car, depuis le concile de Constance, Gerson, abhorré de ses confrères de Paris, n'aurait pas pu sans péril rentrer dans la capitale. Chuffart exerçait une autre chancellerie ; il était chancelier de la reine Isabeau de Bavière. Il semble avoir été un de ses conseillers les plus écoutés, puisque l'odieuse reine l'institua un des exécuteurs actifs et non seulement honorifiques de ses volontés testamentaires.
  Parlant des Armagnacs, Jean Chuffart nous dit qu'ils revenaient de leurs excursions troussés de biens comme un hérisson de pommes. On peut lui retourner la comparaison, et dire qu'il fut troussé de bénéfices ecclésiastiques comme un hérisson de pommes : chancelier de Notre-Dame, chanoine et même doyen de Saint-Germain-l'Auxerrois, chanoine de Sainte Opportune, chanoine et doyen de Saint-Marcel, curé de Saint-Laurent, curé de Sainte-Opportune. Sans doute que des prêtres à portion congrue remplissaient les fonctions du titulaire, qui se réservait le gros des revenus. C'était un des révoltants abus de l'époque.
  Cela ne suffit pas à son ambition, puisque, après la rentrée de Charles VII, en 1437, il parvint à se faire nommer conseiller clerc au parlement. L'on ne s'étonne pas de trouver souvent dans les registres du chapitre le nom d'un personnage de telle amplitude.

  Chuffart tenait son Journal. Il commence à l'année 1408 et ne se ferme qu'en 1449. C'est le « journal de Paris » durant toute cette période. Les événements qui se passent au dehors n'y sont mentionnés qu'à cause de leur contrecoup sur la capitale; rien ne nous fait mieux connaître la physionomie de la ville à cette époque. En un style sans prétention, parfois énergique et pittoresque, plus souvent trivial, bas jusqu'à la grossièreté, la gazette mentionne en quelques mots les événements politiques et religieux, le prix des denrées, les épidémies, la température, les récoltes, les phénomènes extraordinaires, les indicibles souffrances de la multitude. Il faut rendre cette justice à Jean Chuffart; il ressent les calamités des peuples et en a une réelle compassion. C'est, ce semble, ce sentiment qui a déterminé le parti politique auquel le chroniqueur est resté attaché toute sa vie. Il est cabochien, démocrate, jusqu'à pallier les excès les plus violents de la démagogie, tels que les massacres de 1418 : il ne perd pas une occasion de faire ressortir le commun, c'est-à-dire le parti populaire.
  Cabochien, il est comme son parti dévoué à Jean sans Peur, et pour venger sa mort il embrasse le parti de l'Anglais. Ses sympathies pour le duc Philippe sont moins vives que celles qu'il a éprouvées pour son père ; elles existent cependant, quoiqu'il s'en plaigne et le blâme dans certaines circonstances. Plus Bourguignon qu'Anglais il fait de la domination des insulaires un résumé qui témoigne que, s'il lui fut d'abord attaché, il en était pleinement désaffectionné lorsque Paris redevint Français.
  Oncques les Juifs, dit-il, qui furent menés en Chaldée en captivité ne furent pis menés que le pauvre peuple de Paris. Les Anglais furent moult longtemps gouverneurs de Paris, mais j'estime en ma conscience que nul ne fit semer ni blé, ni avoine, ni faire une cheminée, si ce n'est le régent, lequel faisait toujours maçonner... Les Anglais de leur droite nature veulent toujours guerroyer leurs voisins sans cause; par quoi ils meurent mauvaisement, car alors (en 1436), il en était mort en France plus de soixante-seize mille.
  Ceux que Chuffart déteste du fond de l'âme, ce sont les Arminags et leur chef, Charles de Valois. Sa haine est vivace et perce alors qu'il cherche à la dissimuler. Les Armagnacs en devenant maîtres de Paris sont devenus les Français, et le Dauphin viennois s'appelle Charles VII. Le ton du chroniqueur change, pas assez cependant pour dissimuler le démocrate qui se trahit pour quiconque sait lire. Charles VII ne lui est guère plus sympathique que Charles de Valois. Ne pouvant pas décemment s'en prendre au roi, il s'en prend à ceux qui le tiennent « comme on fait un enfant en tutelle ». Même le recouvrement de Rouen ne le fait pas sortir de ces dispositions de mal content.
  Chuffart est tout dévoué à l'Université dans laquelle il tient un rang si élevé. A ses yeux c'est la grande autorité doctrinale. Quoiqu'il ne semble pas qu'il se soit engagé dans les funestes discussions dogmatiques par lesquelles l'Université de Paris détruisait ladivine constitution de l'Église, l'on ne peut pas douter qu'il n'ait partagé les sentiments de ses collègues.
  Ces dispositions de Chuffart étaient dans toute leur véhémence lorsque la Pucelle vint ramener la victoire dans les rangs de ces Armagnacs dont Chuffart avait décrit avec une si manifeste complaisance la défaite à la journée des Harengs. Chuffard, comme l'Université entière, était incapable de voir le miracle de Dieu. La Vierge est celle qu'aux bords de la Loire l'on appelle la Pucelle. C'est une créature en forme de femme qui est, Dieu le sait. Les merveilles qui ont marqué son enfance et sa jeunesse se racontent à Paris. Privé de tout moyen de contrôle, Chuffart n'en écrit pas moins que tout cela est controuvé. Il tait les exploits de l'héroïne au point de ne pas même mentionner le sacre de Reims. Ce sur quoi il s'étend, c'est l'échec contre Paris, ce sont les crimes imputés à la Martyre par l'inique tribunal.

  Chuffart est un témoin précieux de la haine des Parisiens, et surtout de l'Université, à l'encontre de la Libératrice.

     

chapitres :
- 503 (1429)
- 504
- 505
- 506
- 510-511
- 512
- 513
- 514
- 515 à 518
- 519
- 520
- 521
- 522
- 523
- 524
- 525 (1430)
- 527
- 528
- 529
- 531
- 533
- 536
- 546
- 547
- 548
- 572 (1431)
- 573
- 574-75-76
- 577-78
- 579-80
- 789-90

                                         

tem, en celui temps avoit une Pucelle, comme on disoit, sur la rivière de Loire, qui se disoit prophete, et disoit : « Telle chose advendra pour vray ». Et estoit du tout contraire au regent de France et à ses aidans (1). Et disoit on que maugré tous ceulx qui tenoient le siege devant Orleans, elle entra en la cité à tout grant foison d'Arminalx et grant quantité de vivres, que oncques ceulx de l'ost ne s'en meurent ; et si les veoient passer à ung traict ou deux d'arc pres de eulx, et si avoient si grant neccessité de vivres que ung homme eust bien mengé pour III blans de pain à son disner. Et plusieurs autres choses de elle racontoient ceulx qui mieulx amoient les Arminalx que les Bourguignons ne que le regent de France ; ilz affermoient, que quant elle estoit bien petite, qu'elle gardoit les brebis, que les oiseaulx des bois et des champs, quant elle les appelloit, ilz venoient menger son pain en son giron comme privez. In veritate appocrisium est.

    

Item (avril 1429). — Il y avait en ce temps une Pucelle, ainsi qu'on parlait sur les bords de la Loire, qui se disait prophète ; elle disait : « Telle chose adviendra pour vrai ». Elle était entièrement opposée au régent de France et à ses adhérents. L'on disait que malgré tous ceux qui tenaient le siège d'Orléans, elle était entrée dans la cité avec grand nombre d'Armagnacs, et grande quantité de vivres, sans que ceux de l'armée s'en fussent émus, quoiqu'ils les vissent passer près d'eux à la distance d'un ou deux traits d'arc. Il y avait si grande nécessité de vivres dans Orléans qu'un homme eût bien mangé pour trois blancs de pain à son dîner. Plusieurs autres choses racontaient de la Pucelle ceux qui aimaient les Armagnacs plus que les Bourguignons et que le régent de France. Ils affirmaient que, lorsqu'elle était bien petite et qu'elle gardait les brebis, les oiseaux des bois et des champs à son appel venaient manger son pain dans son giron, comme s'ils avaient été apprivoisés. En vérité, c'est controuvé.


                                         

tem, en celui temps leverent le siege les Arminalx et firent partir les Angloys par force de devant Orleans, mais ilz allerent devant Vendosme et la prindrent, comme on disoit. Et partout alloit celle Pucelle armée avec les Arminalx et portoit son estandart, où estoit [tant] seullement [en] escript Jhesus, et disoit on qu'elle avoit dit à ung cappitaine angloys (2) qu'il se departist du siege avec sa compaignie, ou mal leur vendroit et honte à tretous, lequel la diffama moult de langaige, comme clamer ribaulde et putain ; et elle lui dist que maugré eulx tous ilz partiroient bien bref, mais il ne le verroit jà, et si seroient grant partie de sa gent tuez. Et ainsi en advint il, car il se noia le jour devant que l'occision fut faicte, et depuis fut pesché et [fut] despecé [par quartiers, et boullu et enbosmé, et apporté] à Sainct-Merry, et fut VIII ou X jours en la chapelle devant le cellier, et nuyt et jour ardoient devant son corps un sierges ou torches, et après fut emporté en son païs pour enterrer.


  Item. — En ce temps, les Armagnacs firent lever le siège d'Orléans, et en firent de force partir les Anglais. Cette Pucelle allait partout avec eux, armée, portant son étendard, où il n'y a d'écrit que le mot : Jhesus. On rapportait qu'elle avait dit à un capitaine anglais de partir du siège avec ses gens, ou que mal leur en prendrait et honte à tous. Celui-ci l'injuria beaucoup de paroles, clamant qu'elle était une ribaude et une putain. Elle lui répondit que bien malgré eux ils partiraient tous dans bien peu, mais qu'il ne le verrait pas, et que là serait tuée une grande partie de sa gent. Ainsi il en advint, car il se noya avant que le massacre eût lieu. Depuis, ce capitaine fut pêché et dépecé par quartiers, bouilli, embaumé et porté à Saint-Merry, déposé durant huit ou dix jours en la chapelle de devant le cellier, et nuit et jour quatre cierges ou torches brûlaient devant son corps, et après il fut emporté dans son pays pour y être enterré.


                                         

tem, en ce temps s'en alla frere Richart, et le dimenche devant qu'il s'en devoit aller, fut dit parmy Paris qu'il devoir prescher au lieu ou bien pres où monseigneur sainct Denis avoit esté descollé et maint autre martir. Si y alla plus de VIm personnes de Paris, et parti la plus grant partie le sabmedi au soir à grans tourbes, pour avoir meilleure place le dimenche au matin, et coucherent aux champs en vieilles masures et où ilz porent mieulx, mais son fait fut empesché, comment ce fu, atant m'en tais, mais il ne prescha point, dont les bonnes gens furent moult troublez, ne plus ne prescha pour celle saison à Paris, et lui convint partir.


  Item. — En ce temps, partit le Frère Richard. Le dimanche qui précéda le jour où il devait partir, il fut dit dans Paris qu'il devait prêcher au lieu, ou tout près, où Mgr saint Denis fut décollé avec maints autres martyrs (3). Il y alla plus de six mille personnes de Paris ; la plupart partirent de Paris le samedi au soir par nombreuses bandes, pour avoir meilleure place le dimanche au matin; elles couchèrent aux champs, dans de vieilles masures, le mieux qu'elles purent; mais son fait fut empêché. Comment ? de cela je m'en tais; mais il ne prêcha point ; ce dont les bonnes gens de Paris furent fort émus. Il ne prêcha plus de cette saison à Paris, d'où il dut partir.


                                         

Item, en celui temps tenoient les Arminalx les champs, qui tout destruisoient, si y furent commis Angloys environ huit mille. Mais quant ce vint au jour que les Angloys trouvèrent les Arminalx, ilz n'estoient pas plus de six mil, et les Arminalx estoient X mil. Si coururent sus aux Angloys moult asprement et les Angloys ne les refusèrent mie ; là ot grant desconfiture d'un lez et d'autre, mais en la fin ne le porent les Angloys souffrir, car les Arminalx, qui plus estoient de la moitié que n'estoient les Angloys, les encloyrent de toutes pars. Là furent Angloys desconfis, et furent bien, comme on disoit, trouvez mors des Angloys IIIIm ou plus, des autres ne sot on le nombre à Paris (4).


  Item. —En ce temps les Armagnacs tenaient les champs, et y détruisaient tout. Environ huit mille Anglais furent commis entre eux, mais quand vint le jour que les Anglais rencontrèrent les Armagnacs ils n'étaient pas plus de six mille et les Armagnacs étaient dix mille. Aussi coururent-ils sus aux Anglais très âprement, et les Anglais ne refusèrent pas le combat. Il y eut de part et d'autre grand carnage ; mais à la fin les Anglais ne purent soutenir plus longtemps les coups des Armagnacs, qui étaient plus du double des Anglais et les enveloppèrent de toutes parts. Les Anglais furent défaits, et, à ce qu'on disait, il y eut bien quatre mille morts et plus. On ne sait pas à Paris le nombre des morts parmi leurs ennemis.


                                         

tem, le mardy devant la Sainct Jehan (5), fut grant esmeute que les Arminalx devoient entrer celle nuyt à Paris, mais il n'en fut rien.

511. Item, depuis, sans cesser jour ne nuyt, ceulx de Paris enforcerent le guet et firent fortifier les murs, et y mirent foison cannons et autre artillerie; et changerent le prevost des marchans et les eschevins, [et firent ung nommé Guillaume Sanguin prevost des marchans. Et les eschevins] furent, c'est assavoir, Ymbert des Champs, mercier et tapissier, Colin de Neufville, poissonnier, Jehan de Dampierre, mercier, Remon Marc, drapier, et furent faiz et instituez la premiere sepmaine de juillet.


  Item. —Le mardi qui précéda la Saint-Jean (21 juin), il y eut grande émotion, parce que, disait-on, les Armagnacs devaient cette nuit entrera Paris ; mais il n'en fut rien.

  Depuis, sans cesser ni jour ni nuit, ceux de Paris renforcèrent le guet et firent fortifier les murs. Ils y mirentgrand nombre de canons et d'autre artillerie; ils changèrent le prévôt des marchands et les échevins; ils firent un nommé Guillaume Sanguin, prévôt des marchands ; les échevins furent Imbert des Champs, mercier et tapissier, Collin de Neufville, poissonnier, Jean de Dampierre, mercier, Remond Marc, drapier. Ils furent nommés et institués la première semaine de juillet.



                                         

t le dixiesme jour dudit moys vint le duc de Bourgongne à Paris, à ung jour de dimenche, environ six heures après disner, et n'y demoura que cinq jours, esquelx cinq jours y ot moult grant conseil; et fut faicte procession generalle, et fut fait ung moult bel sermon à Nostre-Dame de Paris. Et au Palays fut publiée la chartre ou lettre comment les Arminalx traicterent jadis la paix en la main du legat du pappe, et en oultre que tout estoit pardonné d'un costé et d'autre, et comment ilz firent les grans sermens, c'est assavoir, le dalphin et le duc de Bourgongne, et comment ilz receurent le precieulx corps Nostre Seigneur ensemble, et le nombre de chevaliers [de nom] d'un lez et d'autre. En ladicte lettre ou chartre mirent tous leurs signés et seaulx, et après comme le duc de Bourgongne voulant et desirant la paix dudit royaume, et voullant acomplir la promesse qu'il avoit faicte, se submist à aller en quelque lieu que le dalphin et son conseil vouldroient ordonner; si fut ordonné par ledit dalphin ou ses complices la place, en laquelle place le duc de Bourgongne se comparu, lui dixiesme des plus privez chevalliers qu'il eust, lequel duc de Bourgongne, lui estant à genoulx devant le dalphin, fut ainsi traiteusement murdry, comme chascun scet. Après la conclusion de ladicte lettre, grant murmure commença, et telz avoient grant aliance aux Arminalx qui les prindrent en tres grant haine. Après la murmure, le regent de France et duc de Bedfort fist faire silence, et le duc de Bourgongne se plaint de la paix ainsi enfrainte, et en après de la mort de son pere, et adoncques on fist lever les mains au peuple que tous seroient bons et loyaux au regent et au duc de Bourgongne (6). Et lesdiz signeurs leur promissent par leurs foys garder la bonne ville de Paris.


  Le dixième jour du même mois, le duc de Bourgogne vint à Paris, un dimanche environ six heures après dîner. Il n'y demeura que cinq jours durant lesquels il y eu très grand conseil. On fit une procession générale et un très beau sermon à Notre-Dame de Paris. Au palais on donna lecture de la charte ou lettre d'après laquelle les Armagnacs avaient jadis conclu la paix en la main du légat du Pape, et en outre l'on dit comment tout était pardonné de l'un et de l'autre côté, comment le Dauphin et le duc de Bourgogne firent les grands serments et reçurent en semble le précieux corps de Notre-Seigneur, le nombre de chevaliers de nom des deux partis qui s'y trouvaient ; tous mirent leurs signatures et leurs sceaux en ladite lettre ou charte ; l'on dit ensuite comment le duc de Bourgogne, voulant et désirant la paix du royaume, et voulant accomplir la promesse qu'il avait faite, se soumit à aller au lieu que le Dauphin et son conseil voudraient ordonner, qu'ainsi fut fixée par le Dauphin et ses complices la place en laquelle le duc de Bourgogne comparut, lui le dixième de ses chevaliers les plus intimes; comment, étant à genoux devant le Dauphin, il fut traîtreusement assassiné, ainsi que chacun sait. Après la conclusion de cette lettre, un grand murmure s'éleva. Tels étaient très attachés aux Armagnacs, qui les prirent en très grande haine. Après cette émotion, le régent de France, duc de Bedford, fit faire silence ; le duc de Bourgogne se plaignit de la paix ainsi enfreinte, et ensuite de la mort de son père, et à la suite il fit lever les mains au peuple que tous seraient bons et loyaux au régent et au duc de Bourgogne. Les seigneurs promirent par leur foi de garder la ville de Paris.


                                         

t le sabmedi ensuivant le duc de Bourgongne se parti de Paris et emmena sa seur la femme du regent avec luy, [et le regent s'en alla d'autre part à Pontoise (7), lui] et ses gens, et fut ordonné cappitaine de Paris le signeur de l'Isle-Adam. Et les Arminalx entrerent celle sepmaine en la cité d'Ausserre, et puis vindrent à Troyes (8), et entrerent dedens, sans ce que on leur deffendist. Et quant ceulx des villaiges de Paris à l'entour sceurent comment ilz conquestoient ainsi païs, ilz laisserent leurs maisons et apporterent leurs biens es bonnes villes, et soierent leurs blez avant qu'ilz fussent meurs et apporterent à la bonne ville de Paris. Après tantost apres, entrerent en Compigne et gaignerent les chastelleries d'entour sans nulle deffense, et entour Paris prindrent ilz Lusarches et Dampmartin « plusieurs autres fortes villes (9). Et ceulx de Paris moult avoient grant paour, car nul signeur n'y avoit, mais le jour Sainct Jaques, en juillet, furent ung pou resconfortez, car ce jour vint à Paris le cardinal de Vicestre et le regent de France, et avoient en leur compaignie foison de gens d'armes et archiers (10), bien environ IIII mil, et le sire de l'Isle-Adam, qui en avoit de Picars bien environ VII cens, sans la commune de Paris.


  Le samedi suivant le duc de Bourgogne partit de Paris, emmenant avec lui sa soeur, la femme du régent ; le régent s'en alla d'autre part avec ses gens à Pontoise, et le seigneur Villiers de l'Isle-Adam fut élu capitaine de Paris. Les Armagnacs entrèrent, cette semaine, dans la cité d'Auxerre ; ils vinrent à Troyes, et y entrèrent sans trouver de résistance. Quand ceux des villages d'alentour Paris surent que les Armagnacs conquéraient ainsi le pays, ils emportèrent leurs biens et leurs meubles, coupèrent leurs blés avant qu'ils fussent mûrs, et les apportèrent dans la ville de Paris.   Quelque temps après, les Armagnacs entrèrent à Compiègne et gagnèrent les châtellenies d'alentour privées de toute défense. Les habitants de Paris avaient grand'peur, car il n'y avait pas de seigneur dans la ville ; mais le jour de Saint-Jacques, en juillet, ils furent un peu réconfortés ; ce jour vinrent à Paris le cardinal de Winchester et le régent de France ; ils avaient en leur compagnie foison de gens d'armes et d'archers, bien environ quatre mille hommes; le sire de l'Isle-Adam avait environ sept cents Picards, sans compter la commune de Paris.


                                         

tem, pour vray, le cordelier qui prescha aux Innocens, qui tant assembloit de peuple à son sermon, comme devant est dit, pour vray chevaulchoit avec eulx, et aussitost que ceulx de Paris furent certains qu'il chevaulchoit ainsi et que par son langaige il faisoit ainsi tourner les cités qui avoient faiz les seremens au regent de France ou à ses commis, ilz le maudisoient de Dieu et de ses sains (11); et qui pis est, les jeus, comme des tables, des boules, [des] dés, brief, tous autres jeus (12) qu'il avoit deffenduz, recommancerent en despit de luy, et mesmes ung meriau d'estain où estoit empreint le nom de Jhesus, qu'il leur avoit fait prendre, laisserent ilz, et prindrent tretous la croix Sainct Andry.


  Item. — Pour vrai le Cordelier qui prêcha aux Innocents et assemblait tant de peuple à son sermon, comme il a été dit, pour vrai il chevauchait avec les Armagnacs. Aussitôt que ceux de Paris furent certains qu'il chevauchait ainsi, et que par ses discours il faisait ainsi tourner les cités qui avaient fait serment au régent de France ou à ses délégués, ils le maudissaient de Dieu et de ses saints, et qui pis est, par dépit de lui, ils recommencèrent les jeux de tables, de boules, dés, bref tous ceux qu'il avait défendus; ils laissèrent même une médaille d'étain sur laquelle était empreint le nom de Jésus qu'il leur avait fait prendre, et prirent tous la croix de Saint-André.


                                         

tem, environ la fin, se rendit aux Arminalx la cité de Beauvays et la cité de Senlis (13).

516. Item, le XXVe jour d'aoust, fut prinse par eulx la ville de Sainct-Denis, et le lendemain couraient jusques aux portes de Paris, et n'osoit homme yssir pour vendenger vigne ou verjus, ne aller aux marays riens cuillir, dont tout encheryt bientost.

517. Item, la vigille Sainct Laurens, fut fermée la porte Sainct-Martin, et fut crié que nul ne fust si osé d'aller à Sainct-Laurens par devocion (14) ne pour nulle marchandise, sur la hart, aussi ne fist on ; et la feste Sainct Laurens fut en la grant court Sainct-Martin, et là fut grant foison de peuple, mais nulle marchandise ne s'i vendoit, se non des fromaiges et œufs, et de fruict de toutes manieres, selon la saison.

518. Item, la premiere sepmaine de septembre l'an mil IIIIe XXIX, les quarteniers, chascun en son endroit, commencerent à fortifier Paris, aux portes de boulevars, es maisons qui estoient sur les murs affuster canons et queues plaines de pierres sur les murs (15), redrecer les fossez dehors la ville [et faire barrieres dehors la ville] et dedens. Et en icellui temps les Arminalx firent escripre lettres scellées du seel du conte d'Alençon, et les lettres disoient : « A vous, prevost de Paris et prevost des marchans et eschevins », et les nommoient par leurs noms, et leur mandoient des salus par bel langaige largement pour cuider esmouvoir le peuple l'un contre l'autre et contre eulx, mais on apperçut bien leur malice, et leur fut mandé que plus ne gestassent leur papier pour ce faire, et n'en tint oncques compte.


  Item, environ la fin (d'août), se rendirent aux Armagnacs la cité de Beauvais et la cité de Senlis.

  Item. — Le XXVe jour d'août, ils prirent la cité de Saint-Denis, et le lendemain ils couraient jusqu'aux portes de Paris. Pas un homme n'osait sortir pour cueillir un fruit à sa vigne, ou du verjus, ni aller aux marais rien ramasser. Par suite tout enchérit.

  Item, la vigile de Saint-Laurent la porte Saint-Martin fut fermée. Il fut crié que nul ne fût si osé que d'aller à Saint-Laurent par dévotion, ni pour nulle marchandise, sous peine de la corde. Aussi personne n'y vint-il, et la fête de Saint-Laurent fut en la grande cour Saint-Martin...

  Item, la première semaine de septembre de l'an mil IIIIc XXIX (1429) les quarteniers, chacun en son quartier, commencèrent à fortifier Paris, aux portes par des boulevards ; aux maisons qui étaient sur les murs en y faisant disposer des canons, et sur les murs des tonneaux pleins de pierres; en faisant redresser les fossés en dehors de la ville; en faisant dresser des barrières au dehors et au dedans. En ce temps, les Armagnacs firent écrire des lettres scellées du sceau du comte d'Alençon. Les lettres portaient : « A vous, prévôt de Paris, prévôt des marchands et échevins ». Ils étaient nommés par leurs noms. On leur mandait des salutations par beau langage, longuement, dans la pensée de diviser le peuple et de l'exciter contre eux ; mais on aperçut bien leur malice, et on leur manda de ne plus jeter de papier pour cela, et l'on n'en tint nul compte.



                                         

tem, la vigille de la Nativité Nostre-Dame en septembre, vindrent assaillir aux murs de Paris les Arminalx et le cuidoient prendre d'assault, mais pou y conquesterent, se ne fu douleur, honte et meschef, car plusieurs d'eulx furent navrez pour toute leur vie, qui par avant l'astault estoient tous sains, mais fol ne croit jà tant qu'il prent, pour eulx le dy, qui estoient plains de si grant mal eur et de si malle créance que pour le dict d'une creature qui estoit en forme de femme avec eulx, que on nommoit la Pucelle, qui c'estoit, Dieu le scet, le jour de la Saincte Nativité Nostre-Dame firent conjuration, tous d'un accord, de cellui jour assaillir Paris (16). Et s'assemblèrent bien XII mil ou plus, et vindrent [environ] heure de grant messe, entre XI et XII, leur Pucelle avec eulx et tres grant foison chariots, charettes et chevaulx, tous chargez de grans bourées à trois hars pour emplir les fossez de Paris ; et commencerent à assaillir entre la porte Sainct-Honoré et la porte Sainct-Denis, et fut l'assault tres cruel, et en assaillant disoient moult de villeines parolles à ceulx de Paris. Et là estoit leur Pucelle, à tout son estandart sur le condos des fossez, qui disoit à ceulx de Paris : « Rendez-vous, de par Jhe-sus, à nous tost, car se vous ne vous rendez avant qu'il soit [la] nuyt, nous y entrerons par force, vueillez ou non, et tous serez mis à mort sans mercy. » « Voyre, dist ung, paillarde, ribaulde ! » Et traict de son arbaleste droit à elle et lui perce la jambe tout oultre, et elle de s'enfouir, ung autre persa le pié tout oultre à cellui qui portoit son estandart; quant il se senti navré, il leva sa visiere pour veoir à oster le vireton de son pié, et ung autre lui traict, et le saigne entre les II yeulx et le navre à mort, dont la Pucelle et le duc d'Allençon jurerent depuis que mieulx ilz aymassent avoir perdu XL des meilleurs hommes d'armes de leur compaignie. L'assault fut moult cruel d'une part et d'autre, et dura bien jusques à quatre heures après disner, sans que on sceust qui eut le meilleur. Ung pou après IIII heures ceulx de Paris prin-drent cuer en eulx, et tellement les verserent de cannons et d'aure traict qui leur convint par force reculler et laisser, leur assault, et eulx en aller ; qui mieulx s'en povoit aller estoit le plus eureux, car ceulx de Paris avoient de grans cannons qui gectoient de la porte Sainct-Denis jusques par delà Sainct-Ladre largement, qui leur gectoient au dos, dont moult furent espovantez ; ainsi furent mis à la fuite, mais homme n'yssi de Paris pour les suivir, pour paour de leurs embusches. En eulx en allant ilz bouterent le feu en la granche des Mathurins, emprès les Pocherons, et mirent de leurs gens qui mors estoient à l'assault, qu'ilz avoient troussez sur leurs chevaulx, dedens cellui feu à grant foison, comme fai-soient les païens à Romme jadis. Et maudisoient moult leur Pucelle, qui leur avoit promis que sans nulle faulte ilz gaigneroient à cellui assault la ville de Paris par force, et qu'elle y ger-roit celle nuyt, et eulx tous, et qu'ilz seroient tous enrichiz des biens de la cité, et que tous seroient mis, qui y mettroient aucune deffence, à l'espée ou ars en sa maison ; mais Dieu qui mua la grant entreprinse d'Olofernes par une femme nommée Judihe ordonna par sa pitié autrement qu'ilz ne pansoient. Car l'endemain (17) y vindrent querir par sauf conduit leurs mors, et le herault qui vint avec eulx fut sarmenté du cappitaine de Paris combien il y avoit eu de navrez de leurs gens, lequel jura qu'ilz estoient bien quinze cens, dont bien Vc ou plus estoient mors ou navrez à mort. Et vray est que en cellui assault n'avoit aussi comme nulz hommes d'armes que environ XL ou L Anglois qui moult y firent bien leur devoir ; car la plus grant partie de leur charroy, en quoy ilz avoient admené leurs bourrées, ceulx de Paris leur osterent, car bien ne leur devoit pas venir de voulloir faire telle occision le jour de la Saincte Nativité Nostre-Dame.

  

  Item. — La vigile de la Nativité de Notre-Dame, en septembre, les Armagnacs vinrent assaillir les murs de Paris qu'ils croyaient emporter d'assaut ; mais ils y gagnèrent peu, si ce n'est de la douleur, de la honte et du malheur ; car plusieurs d'entre eux en emportèrent blessures pour toute leur vie, qui auparavant étaient entièrement sains ; mais fou ne croit que lorsqu'il en tient. Je le dis pour eux, qui étaient si mal inspirés, étaient pleins d'une si folle créance, que sur la parole d'une créature en forme de femme qui était avec eux et qu'on nommait la Pucelle, — ce que c'était, Dieu le sait — le jour de la Nativité de Notre-Dame ils formèrent la résolution, tous d'un accord, d'assaillir Paris à pareil jour. Ils s'assemblèrent bien douze mille ou plus; ils vinrent sur l'heure de la grand'messe, entre XI et XII heures, leur Pucelle avec eux, menant très grand nombre de chariots, de charrettes, de chevaux, tous chargés de grandes bourrées à trois liens, pour combler les fossés de Paris. Ils commencèrent l'assaut entre la porte Saint-Honoré et la porte Saint-Denis. L'assaut fut très cruel. En assaillant, ils disaient beaucoup de vilaines paroles à ceux de Paris. Là était leur Pucelle, avec son étendard, sur le dos d'âne des fossés. Elle disait à ceux de Paris : « Rendez-vous à nous promptement de par Jésus; car si vous ne vous rendez pas avant la nuit, nous entrerons par force, que vous le veuillez ou non, et vous serez tous mis à mort sans merci. » — « Vraiment, dit quelqu'un, paillarde, ribaude ! » Et il lui envoie droit un trait de son arbalète qui lui perce la jambe d'outre en outre, et elle dut s'enfuir. Un autre perça d'outre en outre le pied de celui qui portait son étendard. Quand celui-ci se sentit blessé, il leva sa visière pour voir à ôter le vireton, et un autre le vise, le saigne entre les deux yeux, et le blesse à mort ; ce dont la Pucelle et le duc d'Alençon jurèrent depuis qu'ils auraient aimé mieux perdre quarante des meilleurs hommes d'armes de leur compagnie. L'assaut fut très cruel de part et d'autre ; il dura bien jusques à quatre heures après dîner, sans que l'on sût qui avait l'avantage. Un peu après quatre heures, ceux de Paris prirent coeur en eux-mêmes; ils firent contre les assaillants de telles décharges de canons et d'autres machines de trait, que force leur fut de reculer, d'abandonner leur attaque, et de se retirer. Celui qui pouvait le mieux s'en aller était le plus heureux. Ceux de Paris avaient de grands canons qui largement atteignaient de la porte Saint Denis jusqu'au delà de Saint-Lazare; ils leur tiraient au dos, ce dont ils furent très épouvantés. Ils furent ainsi mis en fuite; mais personne ne sortit de Paris pour les suivre par peur de leurs embûches. En s'en allant ils mirent le teu à la grange des Mathurins, près des Porcherons. Ils jetèrent dans les flammes, ainsi que jadis le faisaient les païens à Rome, ceux de leurs gens morts à l'assaut, qu'ils avaient troussés en très grand nombre sur leurs chevaux. Ils maudissaient beaucoup leur Pucelle qui leur avait promis que sans faute ils gagneraient de force à cet assaut la ville de Paris ; qu'elle y coucherait cette nuit ; qu'eux tous aussi ; que tous seraient enrichis des biens de la cité ; que l'on mettrait à l'épée ou que l'on brûlerait dans les maisons tous ceux qui y mettraient quelque opposition ; mais Dieu, qui par une femme nommée Judith changea la grande entreprise d'Holopherne, disposa dans sa miséricorde qu'il en fût autrement qu'ils ne pensaient. Le lendemain ils vinrent sous sauf-conduit quérir leurs morts. Le héraut qui vint avec eux fut par le capitaine de Paris sommé de dire sous la foi du serment combien il y avait de blessés parmi leurs gens. Il jura qu'il y en avait bien quinze cents, dont bien cinq cents ou plus étaient morts ou blessés à mort. Il est vrai qu'en cet assaut, il n'y avait presque nul homme d'armes, si ce n'est quarante ou cinquante Anglais, qui y firent fort bien leur devoir. Ceux de Paris enlevèrent aux Armagnacs la plus grande partie de leurs charrois avec lesquels ils avaient amené leurs bourrées. Bien ne pouvait leur en prendre de vouloir faire pareille occision le jour de la sainte Nativité de Notre-Dame.


                                         

tem, environ III ou IIII jours après, vint le regent à Paris (18) et envoya de ses gens à Sainct-Denis, mais les Arminalx s'en estoient partis sans riens paier de leurs despens, car ilz promet-toient à ceulx de Sainct-Denis de les paier des biens de Paris, quant ilz seraient entrez dedens, mais ilz faillirent à leur intencion, pour quoy ilz tromperent leurs hostes de Sainct-Denis et d'ailleurs. Et qui pis fut pour eulx, le regent et les prevost de Paris et des marchans et eschevins de Paris les orent en grant indignacion, pour ce que sitost se randirent aux Arminalx sans cop ferir, et en furent condampnez en tres grans amendes, comme vous orez cy après declairer pour vray.

                       


  Item. —Environ trois ou quatre jours après, le régent vint à Paris, et envoya de ses gens à Saint-Denis. Les Armagnacs en étaient partis sans rien payer de leurs dépenses, ayant promis à ceux de Saint-Denis de les payer avec le butin de Paris quand ils y seraient entrés ; mais ils faillirent à leur intention. C'est pourquoi ils trompèrent leurs hôtes de Saint-Denis et d'ailleurs. Et ce qu'il y eut de pis pour ces derniers, c'est qu'ils encoururent la grande indignation du régent, du prévôt de Paris et des échevins, parce que, sans coup férir, ils s'étaient rendus aux Armagnacs, et ils en furent condamnés à de très grosses amendes.


                                         

tem, le vendredy derrain jour de septembre l'an mil IIIIC XXIX, vint à Paris le duc de Bourgongne, à moult belle compaignie (19) et tant grant qu'il convint que on les logeast es maisons des mesnaigiers et en maisons vuydes, dont moult avoit à Paris, et avec porcs et vaches couchoient leurs chevaulx. Et vint par la porte Sainct-Martin et amena avec lui sa seur, femme du duc de Bedfort, regent de France, qui avec lui estoit, et avoit devant lui dix heraux, tous vestus de costes d'armes du signeur à qui chascun estoit, et autant de trompettes; et en celle pompe ou vaine gloire allerent par la rue Maubué à madame Saincte-Avoye (20) faire leurs oblacions, et de là allerent à Sainct-Paul.


  Item. — Le vendredi, dernier jour de septembre de l'an mil IIIIc XXIX, le duc de Bourgogne vint à Paris avec une très belle compagnie, si nombreuse qu'il fallut les loger dans les ménages, dans les maisons vides en très grand nombre à Paris, et leurs chevaux couchaient avec les porcs et les vaches. Il vint par la porte Saint-Martin et amena avec lui sa soeur, femme du duc de Bedford, régent de France ; il avait devant lui dix hérauts tous vêtus des cottes d'armes du seigneur à qui chacun appartenait, il avait autant de trompettes; et en cette pompe ou vaine gloire, ils allèrent par la rue Maubuée à Madame sainte Avoye faire leurs oblations, et de là ils allèrent à Saint-Paul.


                                         

nviron huit jours [après], vint le cardinal de Vincestre à belle compaignie (21) et puis firent plusieurs conseilz, tant que enfin, à la requeste de l'Université, de Parlement et de la bourgoisie de Paris, fut ordonné que le duc anglois de Bedfort serait gouverneur de Normendie, et que le duc de Bourgongne serait regent de France (22). Ainsi fut fait, mais, moult laissoit envis le duc de Bedfort ledit gouvernement, si faisoit sa femme, mais à faire leur convint (23). Et quant les Anglois furent partiz, qui partirent à ung sabmedi au soir, et allerent à Sainct-Denis, faisant du mal assez, le duc de Bourgongne se parti après, et print trefves aux Arminalx jusques à Nouel ensuivant, c'est assavoir, pour la ville de Paris et pour les faulxbourgs d'autour tant seullement ; et tous les villaiges d'entour Paris estoient apatiz aux Arminalx, ne homme de Paris n'osoit mettre le pié hors des faulxbourgs qui ne fust mort, ou perdu, ou rançonné de plus qu'il n'avoit vaillant, ne si osoit revancher ; et si ne venoit rien à Paris pour vie de corps d'homme, qui ne fust rançonné II ou III foys plus qu'elle ne valloit. Le cent de petis costeretz valloit XXIIII solz parisis; le molle, VII solz ou VIII solz; II œufs, IIII deniers parisis; ung petit fromaige tout nouvel fait, IIII blans; le boessel de poys, XIIII ou XV blans ; et si couroit tres forte monnoye, ne il n'estoit nouvelle, ne pour Toussains ne pour autre feste en cellui temps, de haren froys, ne de quelque marée à Paris.

    


  Environ huit jours après, vint le cardinal de Winchester avec belle compagnie ; ils tinrent plusieurs conseils, si bien qu'à la fin, à la requête de l'Université, du parlement et de la bourgeoisie de Paris, il fut ordonné que le duc de Bedford serait gouverneur de Normandie, et que le duc de Bourgogne serait régent de France. Ainsi il fut fait. C'est avec très grand regret que le duc de Bedford laissait son gouvernement, regret ressenti par sa femme ; mais il fallut ainsi faire. Les Anglais partirent un samedi soir et allèrent à Saint-Denis, non sans faire passablement de mal. Le duc de Bourgogne ne partit pas avec eux ; il conclut des trêves avec les Armagnacs pour la ville de Paris et les faubourgs seulement. Les villages d'alentour payaient contribution aux Armagnacs ; pas homme de Paris n'osait mettre le pied hors des faubourgs sans encourir la mort, la captivité, ou être rançonné plus qu'il n'avait vaillant ; et il n'osait rendre la pareille. Il ne venait rien à Paris, propre à nourrir vie d'homme, qui n'eût été rançonné deux ou trois fois au-delà de sa valeur...etc...


                                         

tem, le duc de Bourgongne, quant il ot esté environ quinze jours à Paris, il se departy la vigille Sainct-Luc et emmena avec lui ses Picquars qu'il avoit amenez, environ VI xx (24), aussi fors larrons qu'il avoit entré à Paris, puis que la maleureuse guerre estoit commencée, et comme il paru bien en toutes les maisons où ilz furent logez. Et aussitost qu'ilz furent partiz hors des portes de Paris, ilz n'encontroient homme qu'ilz ne desrobassent ou batissent. Quant l'avangarde fut partie, le duc de Bourgongne fist crier, comme une maniere d'apaiser gens simples, que se on veoit que les Arminalx venoient assaillir Paris, que on soy deffendist le mieulx qu'on pouroit, et laissa sans garnison ainsi la ville de Paris. Veez là tout le bien qu'il y fist pour la ville ; or n'estoient point les Angtois noz amis, pour ce que on les mist hors du gouvernement.


                                         

tem, avant que Nouel fust et que les trefves faillissent, firent tant de maulx les Arminalx entour Paris, que oncques les tirans de Romme, ne larrons de bois, ne murdriers, ne firent oncques plus grans tyrannies souffrir à chrestiens qu'ilz faisoient, et avec la tyrannie prenoient quanque avoient ceulx qui cheoient en leurs mains, jusques à vendre femme et enfans, qui les eust peu vendre : et personne nulle ne leur contredisoit, car le regent de France, duc de Bedfort, n'avoit cause de s'en mesler, pour ce que on avoit fait le duc de Bourgongne regent, lequel ot en icellui termine grant tribulacion. Car, comme il ot fait tout bien et bel ordonner et appareiller tout quanque puet et doit appartenir à nopces de si grant prince, et comme tout fut apresté, qu'il n'atendoit de jour en jour que la dame qu'il devoit prendre à femme, qui estoit fille du roy de Portugal (25) (26), laquelle s'estoit mise en mer, et quant elle fuyt et sa mesniée pres de l'Escluse, aussi comme à une veue, et que on commançoit ja la feste de sa venue, il vint ung vent qui lui fut si contraire que elle fu eslongnée en pou de heure en ung loingtain païs, qu'il fut plus de XL jours avant que on sceust la certeneté en quel païs elle estoit arivée, et lui convint par force en la terre son pere ariver en Arragon, et après fut elle ramenée au duc de Bourgongne saine et sauve. Et ce estoit la cause pourquoy il entrelaissa ainsi Paris cellui temps.


                                         

t par celle faulte [et] que nul gouverneur n'avoit à Paris, ne qui obviast à l'encontre des ennemis, et que rien ne venoit à Paris qui ne fust rançonné deux ou trois foys et qu'il le convenoit vendre, quant il estoit arivé, si cher que povres gens n'en povoient avoir, si en advint une grant douleur, car grant foison de povres mesnaigiers, dont les aucuns avoient femmes et enfens, les autres non, s'en yssirent grant foison de Paris, comme par maniere d'aler esbatre ou gaigner, et se desespererent pour la grant pouvreté qu'ilz souffroient, et s'acompaignerent avec autres qu'ilz trouverent, et commencerent par l'ennortement de l'ennemi à faire tous les maulx que pevent faire chrestiens, dont il convint par force que on s'assemblast pour les prendre. Et en print on à la première fois IIII xx XVII, et ung pou de jours après on en pandit XII au gibet de Paris le IIe jour de janvier, et le Xe ensuivant on en mena XI es halles de Paris, et leur coppa on les testes à tous dix. Le unziesme estoit ung tres bel jeune filx d'environ XXIIII ans, il fut despoullié et prest pour bander ses yeulx, quant une jeune fille née des Halles le vint hardiement demander et tant fist par son bon pourchas qu'il fut remené ou Chastellet, et depuis furent espousez ensemble !


... rien ne venait à Paris qui ne fût rançonné deux ou trois fois ; et quand c'était arrivé, il fallait le vendre si cher que les pauvres gens n'en pouvaient avoir. Il en advint une grande douleur. Beaucoup de pauvres ménagers, dont quelques-uns avaient femme et enfants et les autres non, sortirent en grand nombre de Paris, comme par manière d'aller promener ou gagner leur vie ; la grande pauvreté dont ils souffraient les jeta dans le désespoir; ils s'attroupèrent avec d'autres qu'ils trouvèrent, et à la suggestion du diable, ils commencèrent à faire tous les maux que chrétiens peuvent faire. Il fut nécessaire de s'assembler pour les prendre de force. A la première fois on en prit quatre-vingt-dix-sept, et peu de jours après on en pendit douze au gibet de Paris, le 2 janvier; et le 10 on en conduisit onze aux Halles, et on coupa la tête à dix. Le onzième était un très beau jeune homme d'environ vingt-quatre ans ; il était déshabillé et l'on se préparait à lui bander les yeux, quand une jeune fille des halles vint hardiment le demander, et fit tant par son insistance qu'il fut ramené au Châtelet, et à la suite ils se marièrent ! (27)


                                         

tem, le XXIeme jour de mars, vindrent les Arminalx proier gens et bestial, et firent cellui jour moult de maulx. Si le vint on dire à Paris au Sire de Saveuze (28), lequel s'arma lui et sa gent, et avec lui, plusieurs de Paris, avecques lesquelx avoit [ung quartenier], ung eschevin de Paris et receveur des aides nommé Colinet de Neuville, le bastart de Sainct-Paul (29), le bastart de Saveuze, tout fut prins, [lesquelx] aussitost qu'ilz furent aux champs, se desréerent sans eulx tenir ensemble, et tous furent prins en mains d'une heure, dont les Arminalx orent tres grant finance.


                                         

tem, quand les Arminalx virent que leurs choses de toutes pars leurs venoient si bien à point, si s'enhardirent et vindrent le vendredy ensuivant XXIIIeme jour de mars, environ mynuit, à tout eschelles devant Sainct-Denis, et l'eschellerent et entrerent dedens, y tuerent les bonnes gens qui faisoient celle nuit le guet sans mercy, et après allerent parmy la ville tuant et occiant quanque ilz encontroient, et pillerent celle nuyt la ville et tuerent grant foison des Piquars qui y estoient en garnison, et emmenerent presque tous leurs chevaulx, et quand ilz furent bien troussez, ilz laisserent la ville et s'en allerent à tout leur pillaige qui moult grant estoit et trop.


                                         

tem, en celluy temps furent aucuns des grans de Paris, comme de Parlement et du Chastellet, et des marchands et gens de mestier, qui firent ensemble conjuracion de mettre les Arminalx dedens Paris, à quelques dommaige que ce fust, et devoient estre signez de certains signes quand les Arminalx entreroient à Paris, et qui n'auroit ce signe estoit en peril de mort. Et y avoit ung carme nommé frere Pierre d'Allée, qui estoit porteur et rapporteur des lettres de ung lès et d'autre, mais Dieu ne voult pas souffrir que si grant homicide fust faict en la bonne cité de Paris, car le carme fut prins, qui moult en encusa par gehenne qu'on lui fist. Et vray fut que la semaine de la Passion, entre Pasque fleurie et le dimenche devant, on en print plus de CL, et la vigille de Pasques flouries (30), on en coppa à VI la teste es Halles (31); on en noya, aucuns moururent par force de gehenne, aucuns finerent par chevance, aucuns s'enfouirent sans revenir. Quant les Arminalx virent qu'ilz orent failli à leur entreprinse, ilz furent tous desesperez, et n'eparnoient ne femme ne enfent qu'ilz ne prinssent, [et] venoient jusques aux portes de Paris sans contredit de nully, mais on attendoit de jour en jour le Duc de Bourgongne, qui n'alla ne vint, passa janvier, fevrier, mars et avril.


Item - En ce temps, quelques uns des grands de Paris, du Parlement, du Châtelet, des marchands et des gens de métier, firent ensemble la conjuration de mettre les Armagnacs dans Paris, quelque qui put leur en arriver. Ils devaient être marqués de certain signe quand les Armagnacs entreraient dans Paris, et qui n'aurait pas ce signe était en danger de mort. Un carme nommé Frère Pierre d'Allée, était porteur des lettres d'un côté à l'autre. Dieu ne voulut pas souffiri que si grant homicide fut fait en la bonne ville de Paris; le carme fut pris et il en accusa beaucoup à la suite de la torture à laquelle on le soumit. Il est vrai que dans la semaine de la Passion, entre Pâques fleuries et le dimanche qui précède, on en prit plus de cent cinquante, et la veille de Pâques fleuries, l'on coupa la tête à six aux Halles, on en noya, quelques uns moururent par la violence de la torture, quelques autres s'en tirèrent par finance, il y en eut qui s'enfuirent et ne revinrent pas. Quand les Armagnacs virent qu'ils avaient failli à leur entreprise, ils furent tous désespérés, ils n'épargnèrent ni femmes, ni enfants qu'il prenaient et vinrent jusqu'aux portes de Paris sans être empêchés, mais on attendait de jour en jour la venue du Duc de Bourgogne, qui n'arriva pas, passa janvier, février, mars et avril.


                                         

tem, le XXVeme jour dudit moys, l'endemain de Saint-Marc, firent tant les Armignalx, par leur force ou par leur traïson, qu'ilz gagnerent l'abbaye de Saict-Mor-des-Fossez; et partout leur venoit bien, ne oncques puis que le conte de Salcebry fut tué devant Orleans, ne furent les Angloys en face dont ilz ne leur convint partir à tres grant damage ou à tres grant honte pour eulx.


                                         

tem, le XXVIeme jour dudit moys (32), l'an mil IIIIc XXX, firent faire les gouverneurs de Paris [grans] feux, comme on fait à la Sainct-Jehan d'esté (33), pour ce que le peuple s'esbahissoit de ce que les Arminalx avoient partout le meilleur où ilz venoient, et firent entendre au peuple que c'estoit pour le jeune roy Henry qui se tenoit roi de France et d'Angleterre, qui estoit arrivé à Boullongne, lui et grant foison de souldoiers, pour combatre les Arminalx, dont il n'estoit rien, ne du duc de Bourgongne nouvelle nulle n'estoit. Si estoit le monde aussi comme au desespoir de ce que on ne gaingnoit rien, et que les gouverneurs leur faisoient ainsi entendant que brief ilz auroient secours, dont quelque signeur ne faisoit nul semblant de secours, ne d'aucun traicté, pour quoy [moult] des mesnaigers de Paris se departoient, de quoy Paris affeblioit moult.


                                         

tem, le XXIIIeme jour de may, fut prinse devant Compigne, dame Jehanne, la Pucelle aux Arminalx, par messire Jehan de Luxembourc et ses gens, et bien mil Anglois qu'ilz venoient à Paris, et furent bien IIIIc des hommes à la Pucelle que tuez, que noyez. Après ce, le dimenche ensuivant, vindrent les mil Angloys à Paris et allerent asseger les Arminalx qui estoient dedens l'abbaïe de Sainct-Mor-[des-Fossez], si ne se tindrent point et rendirent ladicte abbaïe, sauve leur vie, sans rien emporter que ung baston à leur poing, et estoient bien C ; et ce fut le IIeme jour de juing mil IIIIc XXX.


Item - le 23ème jour de mai, dame Jeanne, la Pucelle aux Armagnacs, fut prise devant Compiègne, par Messire Jean de Luxembourg et ses gens, et par bien mille Anglais qui venaient à Paris ; et des hommes à la Pucelle, il y en eut bien quatre cents tant tués que noyés...etc.


                                         

tem, le IIIeme jour de septembre, à ung dimenche, furent preschées au parvis Nostre-Dame deux femmes, qui environ demy an devant avoient esté prinses à Corbeil et admenées à Paris, dont la plus aisnée Pierronne (34) et estoit de Bretagne bretonnant ; elle disoit et vray propos avoit que Dame Jehanne, qui se armoit avec les Arminalx, estoit bonne, et ce qu'elle faisoit estoit bien fait et selon Dieu.


Item - le 3ème jour de septembre, un dimanche, deux femmes furent prêchées au parvis Notre-Dame. Il y avait environ la moitié d'une année qu'elles avaient été prises à Corbeil et amenées à Paris. La plus âgée, Pierronne, qui était de Bretagne bretonnante, disait et soutenait que Dame Jeanne, qui s'armait avec les Armagnacs était bonne, que ce qu'elle faisait était bien fait et selon Dieu.


                                         

tem, elle recognut avoir deux fois receu le precieux corps Nostre-Seigneur en ung jour.


Item - elle reconnut avoir reçu deux fois en un jour le précieux corps de notre Seigneur.


                                         


tem, elle affermoit et juroit que Dieu s'apparoit souvant à elle en humanité, et parloit à elle comme amy fait à autre, et que la darraine foys qu'elle l'avoit veu, il estoit long vestu de robe blanche, et avoit une hucque vermeille par dessoubz, qui est aussi comme blaspheme. Si ne s'en volt oncques, revocquer de l'affermer, en son propos qu'elle veoit Dieu souvent [vestu] ainsi, par quoy cedit jour elle fut jugee à estre arce, et le fut, et mourut en ce propos cedit jour de dimenche, et l'autre fut delivree pour celle heure.


Item - elle affirmait et jurait que Dieu lui apparaissait souvent en son humanité, et lui parlait comme un ami à son ami, que la dernière fois qu'elle l'avait vu, il était revêtu d'une longue robe blanche, et avait par dessous une huque vermeille ; ce qui est comme un blaspheme. Elle ne voulout jamais rétracter l'affirmation de ce propos qu'elle voyait souvent Dieu sous cette forme ; sur quoi ce même jour, elle fut condamnée à être brûlée, et elle le fut, et elle mourut en son dire ce même dimanche ; l'autre fut délivrée pour cette heure.


                                         

tem, la vigille du Sainct Sacrement en celluy an, qui fut le XXXe jour de may oudit an XXXI, dame Jehanne qui avoit esté prinse devant Compigne, que on nommoit la Pucelle, icellui jour fut faict ung preschement à Rouen, elle estant en ung eschauffaut que chacun la povoit veoir bien clerement, vestue en habit de homme, et là lui fut desmontré les grans maulx doloreux qui par elle estoit advenus en Chrestienté, especialement ou royaulme de France, comme chascun scet, et comment le jour de la saincte Nativité Nostre-Dame, elle estoit venue assaillir la ville de Paris à feu et à sang, et plusieurs grans pechez enormes qu'elle avoit fait et fait faire, et comment à Senliz et ailleurs elle avoit fait ydolatrer le simple peuple, car par sa faulce ypocrisie ilz la suivoient comme saincte pucelle, car elle leur donnoit à entendre que le glorieux archange Sainct Michel, Saincte Catherine et Saincte Marguerite et plusieurs autres sains et sainctes se apparoient à lui souvent et parloient [à lui] souvent, comme amy fait à l'autre et non pas comme à Dieu faict aucunes fois à ses amis, par revelacions, mais corporelment et bouche à bouche ou amy à autre.


                                   

  Item - en cet an la veille du Saint-Sacrement, qui fut le 30 mai, au dit an 1431, dame Jeanne qui avait été prise devant Compiègne et qu'on nommait la Pucelle, fut en ce jour soumise à Rouen à une prédication, alors qu'elle était sur un échaffaud, où chacun pouvait la voir bien clairement, vêtue en habit d'homme. Là lui furent démontrés les grands maux et les grandes douleurs, qui par elle étaient advenus en la chrétienté et spécialement au royaume de France, comme chacun sait; comment le jour de la Nativité de Notre-Dame, elle était venue assaillir la vielle de Paris à feu et à sang, et plusieurs grands et énormes péchés qu'elle avait faits et fait faire; comment à Senlis et ailleurs, elle avait fait idolâtrer le simple peuple, étant cause par sa fausse hypocrisie, qu'ils la suivaient comme une sainte Pucelle; car elle leur donnait à entendre que le glorieux archange Saint Michel, sainte Catherine et Sainte Marguerite, plusieurs autres saints et saintes lui apparaissaient souvent, lui parlaient comme un ami parle à un ami et non pas par revelacions comme Dieu fait quelquesfois à ses amis; mais corporellement, bouche à bouche, en ami avec un autre lui-même.


                                         

tem, vray est qu'elle disoit estre aagée environ de xvii ans, sans avoir honte que maugré pere et mère et parens et amis, que souvent alloit à une belle fontaine ou pais de Louraine, laquelle elle nommoit Bonne Fontaine aux Fées Nostre-Seigneur, et en cellui lieu tous ceulx du pais, quant ilz avoient fievres, ilz alloient pour recouvrer garison. Et là alloit souvent ladicte Jehanne la Pucelle soubz ung grant arbre qui la fontaine ombreoit, et s'apparurent à lui saincte Katherine et saincte Marguerite, qui lui dirent qu'elle allast à ung cappitaine que ilz lui nommerent, laquelle y alla sans prendre congié à pere ne à mere; lequel cappitaine la vesti en guise de homme, et l'arma et lui sainct l'espée, et lui bailla ung escuier et un varletz, et en ce point fut montée sur ung bon cheval. Et en ce point vint au roy de France et lui dist que du commendement de Dieu estoit venue à lui, et qu'elle le feroit estre le plus grant signeur du monde, et qu'il fust ordonné que tretous ceulx qui lui desobeiroient fussent occis sans mercy, et que sainct Michel et plusieurs anges lui avoient baillé une coronne moult riche pour lui, et si avoit une espée en terre aussi pour lui, mais elle ne lui baudroit tant que sa guerre fust faillie. Et tous les jours chevautchoit avec le roy, à grant foison de gens d'armes, sans aucune femme, vestue, atachée et armée en guise de homme, ung gros baston en sa main, et quant aucun de ses gens mesprenoit, elle frappoit dessus de son baston grans coulz, en maniere de femme tres cruelle.


Item - Il est vrai qu'elle disait être âgée d'environ dix-sept ans ; elle disait sans éprouver de honte que, malgré père, mère, parents et amis, elle allait souvent, au pays de Lorraine, à une fontaine qu'elle appelait bonne fontaine aux fées Notre-Seigneur, lieu où tous ceux du pays, quand ils avaient les fièvres, allaient pour recouvrer la santé. Ladite Jeanne la Pucelle y allait souvent sous un arbre qui ombrageait la fontaine ; et là lui apparurent sainte Catherine et sainte Marguerite, qui lui ordonnèrent d'aller vers un capitaine qu'elles lui nommèrent, et elle y alla sans prendre congé ni de père ni de mère. Ce capitaine la vêtit à la manière des hommes, l'arma, lui ceignit l'épée, lui donna un écuyer et trois valets, et en cet état elle fut montée sur un bon cheval. En cet état elle vint au roi de France, et elle lui dit qu'elle était venue vers lui du commandement de Dieu, qu'elle le ferait être le plus grand seigneur du monde ; qu'il fût ordonné que tous ceux qui lui désobéiraient fussent mis à mort sans merci; que saint Michel et plusieurs anges lui avaient donné une très riche couronne pour lui, et qu'il y avait en terre une épée pour lui, mais elle ne lui vaudroit tant que sa guerre fust faillie. Tous les jours elle chevauchait avec le roi, avec grande foison de gens d'armes, sans aucune femme, vêtue, chaussée et armée à la guise des hommes, un gros bâton dans sa main, et quand un de ses gens se trompait, elle l'en frappait à grands coups, en femme très cruelle.


                                         

tem, dist que elle est certaine de estre [en] paradis en la fin de ses jours.

575 - Item, dist que elle est toute certaine que ce est sainct Michel et saincte Katherine et saincte Marguerite qui à lui parlent souvent, et quant elle veult, et que bien souvent les a veuz avec couronnes d'or en leurs testes, et que tout ce qu'elle fait est du commandement de Dieu, et, plus fort, dit qu'elle scet grant partie des choses à advenir.

576 - Item, plusieurs foys a prins le precieux sacrement de l'autel toute armée, vestue en guise de homme, les cheveulx rondiz, chapperon deschicqueté, gippon, chausses vermeilles atachées à foison aguillettes, dont aucuns grans signeurs et dames lui disoient en la reprenant de la derision de sa vesture, que ce estoit pou priser Nostre Seigneur de le recevoir en tel habit, femme qu'elle estoit, laquelle leur respondit promptement, car pour rien n'en ferait autrement et que mieulx aimerait mourir que laisser l'abit de homme pour nulle defense, et que, se elle vouloit, elle ferait tonner et autres merveilles, et que une foys on (volt) lui faire [de son corps] desplaisir, mais elle sailly d'une haulte tour en bas sans soy blecier aucunement (35).

                                       

574 - Item. — Elle dit être certaine d'entrer en paradis à la fin de ses jours.

575 - Item. — Elle dit être toute certaine que ce sont saint Michel, sainte Catherine, et sainte Marguerite qui lui parlent souvent, et quand elle veut; que bien souvent elle les a vus avec des couronnes d'or en tête, que tout ce qu'elle a fait est du commandement de Dieu, et ce qui est plus fort, elle dit savoir une grande partie des choses à venir.

576 - Item. — Plusieurs fois elle a pris le précieux Sacrement de l'Autel, tout armée, vêtue en guise d'homme, les cheveux arrondis, chaperon déchiqueté, gippon, chausses vermeilles attachées avec foison d'aiguillettes. Certains grands seigneurs et dames, la reprenant de son vêtement de dérision, lui disaient que c'était peu priser Notre-Seigneur que de le recevoir en tel habit, vu qu'elle était une femme, elle leur répondit promptement que pour rien elle ne ferait autrement, qu'elle aimerait mieux mourir que laisser son vêtement d'homme, pour défense qui lui en serait faite; que si elle voulait, elle ferait tonner, et ferait d'autres merveilles; qu'une fois on voulut lui faire déplaisir de son corps et qu'elle saillit d'une haute tour en bas, sans se blesser aucunement.



                                         

tem, en plusieurs lieux elle fist tuer hommes et femmes tant en bataille comme de vengence voluntaire, car qui n'obeissoit aux lettres qu'elle faisoit elle faisoit tantost mourir sans pitié quant elle en avoit povoir, et disoit et affermoit que elle ne faisoit nulle rien que par le commandement que Dieu lui mandoit tres souvent par l'archange sainct Michel, saincte Katherine et saincte Marguerite, lesquelx lui faisoient ce faire, et non pas comme Nostre Seigneur faisoit à Moyse au mont de Synai, mais, proprement lui disoient des choses secretes à advenir, et qu'ilz lui avoient ordonné et ordonnoient toutes les choses qu'elle faisoit, fust en son habit ou autrement.

578 - Telles faulces erreurs et pires avoit assez dame Jehanne, et lesquelles lui furent toutes declairées devant [tout] le peuple, dont ilz orent moult grant orreur quant ilz ouirent raconter les grans erreurs qu'elle avoit eues contre nostre foy et avoit encore, car pour chose que on lui demonstrast ses grans malefices et erreurs, elle ne s'en effroioyt ne esbahissoit, ains respondoit hardiement aux articles que on lui proposoit devant elle, comme celle qui estoit toute plaine de l'ennemy d'enfer; et bien y paru, car elle veoit les clercs de l'Université de Paris (36) qui si humblement la prioient qu'elle se repentist et revocast de celle malle erreur, et que tout luy serait pardonné par penitance, ou, se non, elle serait devant tout le peuple arse et son ame dampnée ou fons d'enfer, et lui fut monstré l'ordonnance et la place où le feu devoit estre fait pour l'ardoir bientost, se elle ne se revocquoit. Quant elle vit que c'estoit à certes, elle cria mercy et soy revocqua de bouche, et fut sa robe ostée et vestue en habit de femme, mais aussitost qu'elle se vit en tel estat, elle recommença son erreur comme devant, demandant son habit de homme. Et tantost elle fut de tous jugée à mourir, et fut liée à une estache qui estoit sur l'eschaffaut qui estoit fait de piastre, et le feu sus lui, et là fut bientost estainte et sa robbe toute arse, et puis fut le feu tiré ariere, et fut veue de tout le peuple toute nue et tous les secrez qui pevent estre ou doyvent [estre] en femme, pour oster les doubtes du peuple. Et quant ilz orent assez et à leur gré veue toute morte liée à l'estache, le bourel remist le feu grant sur sa pouvre charongne qui tantost fut toute comburée, et os et char mise en cendre. Assez avoit là et ailleurs qui disoient [qu'elle estoit martire et pour son droit signeur, autres disoient] que non et que mal avoit fait qui l'avoit tant gardée. Ainsi disoit le peuple (37), mais quelle mauvestie ou bonté qu'elle eust faicte, elle fut arse celui jour.


577 - En plusieurs lieux elle fit tuer hommes et femmes, soit dans le combat, soit par esprit de vengeance, car qui n'obéissait pas aux lettres qu'elle envoyait, elle les faisait mourir sans pitié, aussitôt qu'elle en avait le pouvoir ; et elle disait et affirmait ne rien faire que par le commandement que Dieu lui transmettait très souvent par l'archange saint Michel, sainte Catherine et sainte Marguerite, qui lui faisaient ce faire ; et non pas comme Notre-Seigneur faisait au mont Sinaï, mais qu'ils lui disaient en propres termes des secrets de l'avenir, et qu'ils lui avaient ordonné, et lui ordonnaient toutes les choses qu'elles faisait, soit pour son habit, soit autrement.

578 - Telles fausses erreurs et pires encore dame Jeanne en avait quantité. Elles lui furent toutes déclarées devant le peuple ; tous éprouvèrent une très grande horreur quand ils ouïrent raconter les grandes erreurs contre la foi qu'elle avait eues et conservait encore, car on avait beau lui démontrer ses grands maléfices et ses égarements, elle ne s'en effrayait pas, elle ne s'en ébahissait pas ; au contraire elle répondait hardiment aux articles qu'on proposait contre elle, en femme toute remplie de l'ennemi d'enfer. Il y parut bien, alors qu'elle voyait les clercs de l'Université de Paris la prier bien humblement de se repentir, et de rétracter de si mauvaises erreurs, et que tout lui serait pardonné, à cause de sa pénitence ; que sinon elle serait brûlée devant tout le peuple, et son âme damnée au fond des enfers, et qu'on lui montrait les préparatifs et le lieu du bûcher qui devait la brûler bientôt, si elle ne se rétractait pas. Quand elle vit que c'était tout de bon, elle cria merci, et se rétracta de bouche ; son vêtement d'homme lui fut enlevé, et elle prit un habit de femme ; mais sitôt qu'elle se vit en cet état, elle revint à son erreur précédente, et demanda son habit d'homme. Elle fut aussitôt par tous condamnée à mourir. Elle fut liée à un poteau sur un échafaud fait de plâtre, et le feu fut mis par-dessous. Elle fut bientôt morte et son vêtement tout brûlé. Le feu fut ensuite retiré ; tout le peuple la vit toute nue avec tout ce qui peut et doit caractériser une femme, pour lui enlever toute incertitude. Quand ils l'eurent contemplée à leur gré, bien morte, attachée au poteau, le bourreau ralluma un grand feu sur sa pauvre charogne, qui fut promptement comburée, et ses os et sa chair réduits en cendres. Il n'en manquait pas là et ailleurs qui disaient qu'elle était martyre, et cela pour son droit seigneur ; les autres disaient que non, et que l'on avait mal fait de la garder si longtemps. Ainsi parlait le peuple. Mais, quoi qu'il en soit de sa méchanceté ou de sa bonté, elle fut brûlée ce jour-là.



                                         

t celle sepmaine fut prins le plus mauvais et le plus tirant et le mains piteux de tous les cappitaines qui fussent de tous les Arminalx, et estoit nommé pour sa mauvestie La Hire; et fut prins par povres compaignons et fut mis ou chastel de Dourdan.

580 - Item, le jour Sainct Martin le Boullant fut faicte une procession generalle à Sainct-Martin-des-Champs, et fist on une predicacion, et la fist ung frere de l'ordre sainct Dominique qui estoit inquisiteur de la foy (38), maistre en theologie, et prononça de rechief tous les fais de Jehanne la Pucelle. Et disoit qu'elle avoit dit qu'elle estoit fille de tres pouvres gens, et que environ l'aage de XIIII ans elle s'estoit ainsi maintenue en guise de homme, et que son pere et sa mere l'eussent voulentiers faicte des lors mourir, s'ilz eussent peu sans blecer conscience, et pour ce se departy de eulx acompaignée de l'ennemy d'enfer, et depuis vesqui homicide de chrestienté, plaine de feu et de sanc, jusques à tant qu'elle fut arse; et disoit qu'elle se fust revocquée, et que on lui ot baillé penitance, c'est assavoir, IIII ans en prinson à pain et à eaue, dont elle ne fist oncques jour, mais se faisoit servir en la prinson comme une dame, et l'ennemy s'apparu à lui lui III°, c'est assavoir, sainct Michel, saincte Katherine et saincte Marguerite, comme elle disoit, qui moult avoit [grant] paour qui ne la perdist, c'est assavoir, iceulx ennemy ou ennemiz en la fourme de ces III sains, et lui dist : « Meschante creature, qui pour paour de la mort as laissé ton habit, n'aies paour, nous te garderons moult bien de tous. » Par quoy sans attendre se despouilla et se revestit de toutes ses robbes qu'elle vestoit quant elle chevauchoit, que boutées avoit ou feurre de son lict, et se fia en l'ennemy tellement qu'elle dist qu'elle se repantoit de ce que oncques avoit laissé son habit. Quant l'Université ou ceulx de par elle virent ce et qu'elle estoit ainsi obstinée, si fut livrée à la justice laie pour mourir. Quant elle se vit en ce point, elle appella les ennemys qui se apparoient à lui en guise de sains, mais oncques, puis qu'elle fut jugée, nul ne s'apparut à elle pour invocacion qu'elle sceust faire, adong s'avisa, mais ce fut trop tart. Encore dist il en son sermon qu'ilz estoient IIII, dont les III avoient esté prinses, c'est assavoir, ceste Pucelle, et Peronne et sa compaigne, et une qui est avec les Arminalx, nommée Katherine de la Rochelle (39), laquelle dit, que quant on sacre le precieulx corps Nostre Seigneur, que elle veoit merveilles du hault secret de Nostre Seigneur Dieu; et disoit que toutes ces quatre pouvres femmes frère Richart le cordelier, qui après lui avoit si grant suyte quant il prescha à Paris aux Inno-cens et ailleurs, les avoit toutes ainsi gouvernées, car il estoit leur beau pere, et que le jour de Noël en la ville de Jarguiau il bailla à ceste dame Jehanne la Pucelle trois foys le corps Nostre Seigneur, dont il estoit moult à reprandre, et l'avoit baillé à Peronne celui jour deux foys, par le tesmoing de leur confession et d'aucuns qui presens furent aux heures qu'il leur bailla le précieux sacrement.


580 - Le jour de Saint-Martin-le-Bouillant (40), une procession générale fut faite à Saint-Martin-des-Champs ; une prédication y eut lieu, par un frère de l'ordre de Saint-Dominique, inquisiteur de la foi, maître en théologie. Il repassa de nouveau tous les faits de Jeanne la Pucelle. Il disait qu'elle avait avoué être fille de très pauvres gens ; que depuis l'âge de treize ans, elle s'était maintenue en manière d'homme ; et que dès lors son père et sa mère l'eussent volontiers fait mourir, s'ils l'avaient pu sans blesser la conscience; que pour ce motif elle les quitta possédée par l'ennemi d'enfer, et que depuis lors elle avait vécu en homicide de la chrétienté, respirant le feu et le sang, jusqu'au jour où elle fut brûlée. Il disait que si elle se fût rétractée, on lui eût donné une pénitence, quatre ans de prison au pain et à l'eau, pénitence dont elle ne fit jamais un jour, se faisant servir en sa prison comme une dame. L'ennemi lui apparaissait sous trois formes, à savoir, ainsi qu'elle le disait, sous la forme de saint Michel, de sainte Catherine et de sainte Marguerite ; il avait grand'peur de la perdre ; il faut entendre l'ennemi ou les ennemis sous la forme de ces trois saints ; il lui dit : « Méchante créature, qui par peur du feu as laissé ton habit, n'aie pas peur, nous te garderons fort bien contre tous ». Par quoi, sans attendre, elle se dépouilla de ses vêtements de femme, et se revêtit des habits qu'elle portait quand elle chevauchait, habits qu'elle avait mis dans la paille de son lit; elle se fia tellement en l'ennemi qu'elle dit se repentir d'avoir laissé son vêtement. Quand l'Université ou ceux qui la représentaient virent qu'elle était ainsi obstinée, elle fut livrée à la justice laïque pour la mort. Quand elle se vit en ce point, elle appela les ennemis qui lui apparaissaient sous la figure de saints, mais jamais, depuis qu'elle fut condamnée, aucun ne lui apparut, quelque invocation qu'elle sût leur adresser ; et alors elle se ravisa, mais ce fut trop tard. Dans son sermon, le prédicateur disait encore quelles étaient quatre ces femmes, et que trois avaient été prises, à savoir cette Pucelle, Pierronne et sa compagne. La quatrième, nommée Catherine de La Rochelle, est avec les Armagnacs ; elle dit que lorsqu'on consacre le précieux corps de Notre-Seigneur, elle voit merveilles du haut mystère de Notre-Seigneur Dieu. Toutes les quatre pauvres femmes ont été ainsi gouvernées par le Cordelier, Frère Richard, celui qui attira après lui si grande multitude, quand il prêcha à Paris, aux Innocents et ailleurs. Il était leur beau Père. Le jour de Noël, à Jargeau, il donna trois fois le corps de Notre-Seigneur à cette dame Jeanne la Pucelle ; ce dont il est fort à reprendre. Ce même jour, il l'aurait donné deux fois à Pierronne, d'après le témoin des aveux de ces femmes et d'après quelques-uns qui furent présents aux heures où il leur donna ainsi le précieux sacrement.


                                         

tem, en ce temps estoit tres grant nouvelle de la Pucelle, dont devant a esté faicte mencion, laquelle fut arce à Rouen par ses demerites; et y avoit adong maintes personnes qui estoient moult abusez d'elle, qui creoient fermement que par sa saincteté elle se fust eschapée du feu et que on eust arce une autre, cuidant que ce fust elle; mais elle fut bien veritablement arce et toute la cendre de son corps fut pour vray gectée en la riviere pour les sorceries qui s'en fussent peu ensuivre.

790 - Item, en cellui temps, en admenerent les gens d'armes une (41), laquelle fut à Orleans tres honnorablement receue, et quant elle fut pres de Paris, la grant erreur recommença de croire fermement que c'estoit la Pucelle; et pour celle cause l'Université et le Parlement la firent venir à Paris bon gré mal gré, et fut monstrée au peuple au Pallays sur la pierre de marbre en la grant court, et là fut preschée et traictée sa vie et tout son estat, et dit qu'elle n'estoit pas pucelle, et qu'elle avoit esté mariée à ung chevalier dont elle avoit eu deux filx. Et avecque ce disoit qu'elle avoit fait aucune chose, dont il convint qu'elle allast au Sainct Pere, comme de main mise sur pere [ou] mere, prebstre ou clerc, violentement, et que pour garder son honneur; car, comme elle disoit, elle avoit frappée sa mere par mesaventure, comme elle cuidoit ferir une autre, et pour ce qu'elle eust bien eschevée sa mere, se n'eust esté la grant ire où elle estoit, car sa mère la tenoit pour ce qu'elle voulloit batre une sienne commere. Et pour celle cause lui convenoit aller à Romme; et pour ce elle y alla vestue comme ung homme, et fu comme souldoier en la guerre du Sainct-Pere Eugene, et [fist] homicide en ladicte guerre par deux foys, et quant elle fut à Paris, encore retourna en la guerre, et fut en garnison et puis s'en alla.


                                     


Source :
- Introduction de J.B.J. Ayroles, "la vraie Jeanne d'Arc", t.III, p.513 à 530.
- Mise en Français plus moderne : J.B.J. Ayroles, ib.

Texte original et notes d'érudition : "Journal d'un bourgeois de Paris" - Alexandre Tuetey - 1881.

Notes :
1 Ms. de Paris : gens.

2 William Glasdale, lieutenant du comte de Salisbury au pays de Mâconnais en 1424, «moult renommé en fait d'armes», qui fut chargé de la conduite du siège d'Orléans après la mort de Salisbury, se noya avec plusieurs centaines d'Anglais le jour de l'assaut donné à la bastille des Tourelles, au moment de la chute du pont de bois qui réunissait cette bastille au boulevard des Tourelles; pont incendié par les Orléanais (Voy. le Journal du siège, apud Quicherat, Procès de Jeanne d'Arc, t. IV, p. 150).

3 Montmartre, au lieu où se trouve la chapelle des Dames Auxiliatrices, au bas des escaliers conduisant à la basilique du Voeu national. (Ayroles).

4 Notre chroniqueur fait allusion à la victoire de Patay remportée par la Pucelle le 18 juin 1429, où les Anglais perdirent plus de 2000 des leurs restés sur le champ de bataille, sans compter les prisonniers, au nombre desquels se trouvèrent leurs principaux chefs, tels que Talbot, Scales. Dans ses Chroniques d'Engleterre, Wavrin évalue la force numérique de l'armée française à 12 ou 13.000 hommes, mais ce calcul est empreint d'exagération.

5 ndlr : Encore ce fameux jour de la Saint-Jean ! (voir chronique de Morosini à ce sujet).

6 Le serment d'observer le traité de Troyes, prêté lors de la cérémonie du 14 juillet par nombre d'habitants de Paris, fut aussi exigé des personnages ecclésiastiques dans la séance du Parlement tenue le 26 août ; le lendemain et jours suivants, Philippe de Rully, trésorier de la Sainte-Chapelle, et Marc de Foras, archidiacre de Thiérache, se transportèrent dans les églises et couvents et recueillirent les serments du clergé tant séculier que régulier.

7 C'est le 4 août que partit le duc de Bedford, se dirigeant du côté de Corbeil et de Melun ; le vendredi 5, l'évêque de Paris célébra une messe à Notre-Dame en son honneur.

8 Les troupes françaises ne firent que passer devant Auxerre le 29 juin et prirent possession de Troyes le 11 juillet.

9 Charles VII passa près de Crépy en Valois et de Dammartin le 14 août et fit son entrée à Compiégne le 18.

10 Le cardinal de Winchester, accompagné de son neveu le régent et de cinq mille hommes d'armes et archers, fit son entrée à Paris le lundi 25 juillet et s'en retourna à Rouen le 3 août avec ses seuls familiers, laissant au duc de Bedford le contingent qu'il avait amené d'Angleterre pour combattre les « Boemiens » et autres hérétiques, lequel servit à renforcer l'armée anglaise.

11 Dans ses lettres du 7 août 1419 au roi Charles VII, le duc de Bedford traite le cordelier Richard de « frere mendiant, appostat et sedicieux » (Monstrelet, t. IV, p. 341).

12 A cette époque, la population parisienne s'adonnait aux jeux de hasard avec une telle passion que le clergé lui-même cédait parfois à l'entraînement général, témoin l'enquête ordonnée le 16 mai 1431 par le chapitre de Notre-Dame au sujet d'un chanoine de Saint-Merry qui ne se contentait pas de jouer publiquement aux dés, mais tenait encore un jeu dans sa propre maison (Arch. nat., LL 215, fol. 5a5).

13 Senlis te rendit « au roy par traictié » et en reçut des lettres d'abolition datées du 22 août 1429.

14 La procession qui se taisait traditionnellement à Saint-Laurent le jour de la fête de ce saint eut lieu cette année à l'église du Sépulcre (rue Saint-Denis), à cause des Incursions ennemies.

15 Au moment de l'attaque de Paris par la Pucelle, les tailleurs de pierres pour canons furent mandés par l'échevinage afin de « besogner » de leur métier ; un certain Hilaire Caillet fit pour sa part onze cent soixante-seize boules de canon qu'il livra aux portes en présence des dizeniers, cinquanteniers et échevins; mais lorsqu'il s'agit du paiement, une contestation s'éleva entre Hilaire Caillet et le prévôt des marchands, représentant l'administration municipale, le tailleur de pierres réclamant quatre livres par centaine de projectiles, l'un dans l'autre, tandis que l'échevinage ne voulait allouer que deux francs (Arch. nat., Xia 4796, fol. 239-241).

16 Voir la relation faire par le chapitre de Notre-Dame.

17 Le lendemain de l'assaut donné à Paris, des reliques égarées on ne sait par quel hasard furent trouvées dans les champs et offertes au chapitre de Notre-Dame par un garçon de la confrérie de S. Crépin et S. Crépinien ; le 9 décembre 1429, par décision des chanoines, ces reliques durent être soumises à l'examen de l'official.

18 La présence du régent à Paris est signalée le dimanche 18 septembre; ce jour-la il vint faire ses dévotions à Notre-Dame assez tard ayant diner, et déposa sur le grand autel une pièce d'or en témoignage de munificence.

19 Jean de Lancastre, accompagné des gens du conseil royal, du prévôt des marchands, des écheyins, se porta a la rencontre de son beau-frère, le duc de Bourgogne, et se joignit à son cortège.

20 Sainte-Avoye, communauté de pauvres femmes fondée en 1188 par J. Séquence, chevecier de Saint-Merry, dans la rue Sainte-Avoye à son point d'intersection avec la rue Rambuteau ; ce couvent, auquel étaient annexés une chapelle et un hôpital, a été démoli lors du percement de la rue Rambuteau.

21 C'est le jeudi six octobre que « vint et entra à Paris le cardinal d'Excestre, auquel fu au devant le duc de Bourgongne à grant compaignie » (Arch. nat.).

22 Des lettres données le 13 octobre 1429 a la relation du grand conseil tenu par le régent, assisté du cardinal d'Angleterre, du duc de Bourgogne, du sire de Scales, de Jean Falstaff, confièrent le gouvernement de Paris et des bailliages limitrophes ainsi que la lieutenance à Philippe le Bon qui s'était assuré l'adhésion du duc de Bedford, « occupé, disait-on, au gouvernement du royaume, mesmement du duchié de Normandie ». Les lettres du 13 octobre furent publiées le même jour au Palais, dans la grande salle sur la Seine, au milieu d'un concours empressé de population, en présence du duc de Bourgogne qui fit également promulguer la trêve conclue avec Charles VII (Arch. nat.).

23 Le duc de Bedford et sa femme quittèrent Paris le lundi 17 octobre, en compagnie du duc de Bourgogne qui « les convoya jusques à Saint-Denis où ilz demourerent tous au giste, et le mardi ensuivant parti le duc de Bourgongne pour aler en son païs de Flandres pour attendre et recevoir sa fiancée fille du roy de Portugal (Arch. nat.).

24 6 x 20 = 120 hommes.

25 C'est à tort que le ms. de Rome qualifie cette princesse de « fille du roy d'Aragon », le ms. de Paris la désigne comme fille du roi de Portugal.

26 Isabelle, fille de Jean Ier roi de Portugal et de Philippe de Lancastre, que le duc de Bourgogne épousa à Bruges le 10 janvier 1430, était arrivée en vue du port de l'Écluse, lorsqu'une violente tempête jeta le navire qui la portait sur les côtes d'Angleterre, ainsi qu'en fait foi l'ordre de payement délivré le 6 décembre 1429 à Guillaume Aleyn, clerc de l'hôtel du roi d'Angleterre, pour les dépenses de la fille du roi de Portugal récemment débarquée dans le pays et allant en Flandre (Rymer, Acta publica,). Isabelle de Portugal n'eut donc pas à retourner dans les états de son père.

27 Le cas n'est pas sans analogues et l'on pourrait citer plus d'un condamné que sa bonne mine préserva d'une mort ignominieuse, témoin ce malheureux sur le point d'être pendu à Verneuil et sauvé du gibet par une jeune fille de quinze ans qui le demanda pour mari (Arch. nat.).

28 Probablement Philippe de Saveuses, seigneur de Saveuse après la mort de son frère Hector vers 1426.

29 Jean de Luxembourg, seigneur de Montmorency, reçut des Anglais en 1429 le commandement de la forteresse de Meaux et fut créé chevalier de la main même du Duc de Bedford lors de l'expédition de ce prince sous les murs de Senlis; le batard de St-Pol était du nombre des personnages qui assistèrent aux noces de Philippe le Bon célébrées à Bruges le 10 janvier 1430; le jeune roi d'Angleterre l'attacha à sa personne comme grand maître de son hôtel; c'est en cette qualité qu'on le vit figurer au festin donné au Palais après le sacre de Henri VI, au mois de décembre 1431 (Monstrelet). Jean de Luxembourg prit part en 1452 à la campagne contre les Gantois et y arma chevalier le comte d'Étampes. (Chastellain).

30 Le dimanche des Rameaux.

31 Le 8 avril, on exécuta aux Halles les conjurés dont Fauquembergues donne les noms :
- Jean de La Chapelle, clerc des comptes, l'âme de la conspiration, fut décapité et écartelé. Grands et petits se disputèrent ses dépouilles : Jean Bourdin, geôlier des prisons du Châtelet, revendiqua la robe longue de viollet fourré que portait Jean de la Chapelle lorsqu'il fut amené au Châtelet, Jean de Villiers, sire de L'Isle-Adam, se fit adjuger ses biens confisqués et soutint au parlement un procès contre la veuve et les enfants mineurs du condamné lesquels réclamaient 60 livres de rente.
- Renaud Savin et Pierre Morant, procureurs au Châtelet furent décapités.
- Guillaume Perdriau et Jean Le François dit Baudrain, décapités, le second écartelé.
- Jean Le Rigueux, boulanger, décapité.
- Un autre adhérent dont ne parle point Fauquembergues, mais cité dans la rémission de Jean de Calais, est ce Jacquet Guillaume, demeurant à l'Ours, à la porte Baudoyer, déjà connu par les lettres de rémission qu'il obtint en janvier 1424; il subit également la peine capitale, sa femme Jeannette fut bannie du royaume et ses biens confisqués.
- Jacques Perdriel, qui parvint à s'échapper, ses biens saisis, entre autres un hôtel sis rue de la verrerie, furent donnés à Jean Stenlawe, trésorier de l'hôtel du Duc de Bedford.

32 Avril 1430.

33 Le jeudi 28 avril 1430, vint la nouvelle à Paris que le jeune roi d'Angleterre venait de débarquer à Calais. Pour célébrer son heureuse arrivée, le chancelier fit chanter un Te Deum à Notre-Dame et allumer des feux de joie dans les rues de Paris ; le lendemain il y eut processions générales à Notre-Dame à Sainte-Geneviève (Arch.nat.).

34 Pierronne la Bretonne ou Perinaïk, ainsi que la nomme M. de la Villemarqué, était l'une des pénitentes du frère Richard ; elle suivit Jeanne d'Arc à la sortie de Sully, fut prise à Corbeil par les anglo-bourguignons, jugée à Paris en cour d'église, et périt comme la Pucelle sur le bûcher (Vallet de Viriville).

35 Allusion à la chute que fit Jeanne d'Arc en essayent de s'échapper du château de Beaurevoir en Cambresis, où elle avait été enfermée par Jean de Luxembourg; mais cette tentative d'évasion ne se rattache nullement aux obsessions dont l'héroïne aurait été l'objet durant sa captivité de la part d'un écuyer de Jean de Luxembourg, Aymon de Macy.

36 Les clercs de l'Université de Paris dont veut parler l'auteur du Journal sont vraisemblablement Girard Feuillet, Jacques de Touraine, Nicolas Midy, Maurice du Quesnoy et Guillaume le Boucher, tous docteurs et professeurs en la faculté de théologie de Paris, qui dans la séance du 18 avril adjurèrent Jeanne d'Arc de renoncer à ses erreurs et de se soumettre à l'Eglise (Quicherat, Procèt de Jeanne d'Arc, t. I, p. 375).

37 Tout ce qui est de nature à nous éclairer sur les manifestations de l'opinion publique au moment où Jeanne d'Arc remplissait sa sublime mission mérite de fixer l'attention des érudits; aussi lira-t-on avec intérêt, croyons-nous, les propos tenus à Abbeville sur la Pucelle l'année même de sa mort, tels que nous les trouvons rapportés dans des lettres de rémission du 6 Juillet 1432, lettres dont personne à notre connaissance n'a tiré parti,
« Après que nos ennemis et adversaires, estant en leur compaignie la femme vulgaument nommée la Pucelle, furent venus en nostre ville de Paris, un certain jour, lesd. supplians (deux habitants d'Abbeville) estans en la compaignie d'un nommé Colin Broyart devant et assez pres de l'ostel d'un mareschal nommé Guillaume du Pont en nostre ville d'Abbeville, entendirent que aucuns parloient des faiz et abusions de ladicte nommée vulgaument la Pucele, et par especial un herault, auquel herault ledit Petit eust dit : Bran ! bran ! et que chose que dist ne fist icele femme n'estoit que abusion, et pareillement le dirent ledit Colin et autres dessus-diz, et que à icele femme l'en ne devait adjouster foy, et que ceulx qui en icele avaient créance estoient folz et sentoient la persinée, ou paroles semblables en substance. » (Arch. nat., JJ 175, n° 125.)

38 Jean Graverent, dominicain, docteur et professeur en théologie, succéda dans l'office de grand inquisiteur de France à Jacques Suzay, que cite du Boulay à l'année 1422; il s'abstint de prendre part au procès de Jeanne d'Arc et délégua ses pouvoirs à Jean Lemaitre. Ce Jean Graverent était l'un des partisans déclarés de la cause anglaise A Paris, comme en témoigne la prestation de serment qu'il fit devant le Parlement le vendredi 26 août 1429, en qualité de prieur des Jacobins; il ne doit pas être confondu avec son homonyme, Jean Graverent, qui remplit les fonctions curiales dans l'église Saint-Christophe de la Cité, de 1437 à 1453, lequel n'était lors de son installation que maître ès-arts et bachelier en théologie.

39 Catherine de la Rochelle s'était rencontrée avec Jeanne d'Arc à Jargeau et à Montfaucon en Berry vers le mois de décembre 1429; après la prise de l'illustre héroïne, cette aventurière vint à Paris, y fut arrêtée et traduite devant l'official qui lui fit subir un interrogatoire; elle déposa contre Jeanne d'Arc, donnant à entendre qu'elle sortirait de prison par le secours du diable, si l'on ne faisait bonne garde. L'autorité ecclésiastique relâcha sa prisonnière, car au mois de juillet 1431 Catherine de la Rochelle se trouvait de nouveau dans les rangs des Armagnacs.

40 Le 5 juillet, fête de la translation des reliques de St-Martin. (Ayroles).

41 Il s'agit de la fausse pucelle Claude, qui se faisait appeler Jeanne du Lys ; cette aventurière, mariée en novembre 1436 à un chevalier lorrain du nom de Robert des Armoises, dont elle eut deux fils, mena une existence pleine de péripéties de tout genre. Au début de sa carrière, Claude des Armoises eut, comme l'on sait, maille à partir avec l'Inquisition de Cologne, et ne parvint à s'échapper que grâce à la protection du comte Ulrich de Wurtemberg. Rentrée en France, la fausse pucelle fut mêlée aux événements militaires dont le Poitou était le théâtre en 1439, et vint à Orléans vers les mois de juillet et septembre de la même année. Après l'examen judiciaire dont cette intrigante fut l'objet à Paris au mois d'août 1440, elle disparaît complètement de la scène historique.
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