Son histoire
par Henri Wallon
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La chronique d'Antonio Morosini
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e toutes les Chroniques que les pays étrangers à la querelle anglo-française
nous ont transmises sur la Libératrice, voici certainement la
plus intéressante. La première par ordre de date, elle est écrite au
cours même des événements, au fur et à mesure qu'ils s'accomplissent.
Elle a une forme à part, puisqu'elle consiste en une correspondance,
due principalement à un noble Vénitien mandant à son père les événements
qui se passaient en France, d'un lieu particulièrement bien
situé pour être bien renseigné. A tous ces titres, la Chronique Morosini, inédite jusqu'ici et presque inconnue, doit trouver place dans les histoires de la Pucelle, non seulement comme la première des Chroniques étrangères, mais aussi comme celle qui nous fait saisir sur le fait même l'impression produite dans la chrétienté entière par la céleste apparition.
...Faire connaître le concours de circonstances qui ont amené le précieux document entre ses mains, c'est justice, parce que ce sera faire connaître ceux qui ont provoqué et secondé ses recherches Une revue française, dont il a oublié le nom, parla en 1893 d'un
ouvrage publié à Trieste sous ce titre : Di Giovanna d'Arco ressuscitata
degli stude storici. L'auteur, Mme Adèle Butti, affirmait que la Chronique
inédite de Morosini, dont une copie était à Venise et l'original à Vienne,
renfermait de longues et intéressantes pages sur la Libératrice française.
Le R. P. Rivière signala cette indication à l'auteur de la Vraie Jeanne d'Arc qui, occupé alors à l'édition du volume précédent, n'y prêta qu'une demi-attention et se contenta de parler à son éditeur de la voie par laquelle il pourrait se procurer le volume de Mme Butti. Il n'y avait eu aucune démarche effective, lorsqu'une lettre de Venise sur un sujet différent réveilla ses souvenirs et son attention. Il demanda qu'on lui fît faire une transcription des pages consacrées à la Pucelle ; il y eut des difficultés. Il s'adressa à Vienne et ne fut pas plus heureux. C'est alors qu'il s'adressa à M. Léopold Delisle, administrateur général de la Bibliothèque nationale à Paris. Il le savait aussi complaisant que savant, et connu du monde érudit dans l'Europe entière. Un mot de sa part, espérait-il, lui ouvrirait des portes jusqu'alors fermées. Son attente ne fut pas trompée. M. Castellani, bibliothécaire de la Marcienne à Venise, fit le meilleur accueil à la demande de son collègue de Paris, et confia la transcription du document demandé à M. Vittorio Baroncelli, son sous-bibliothécaire. Quelques jours après, il arrivait transcrit avec le meilleur goût. M. Baroncelli avertissait que ce n'était qu'une partie des pages consacrées par Morosini à la Pucelle. Elles ne prenaient pas assez haut, ne se prolongeaient pas assez loin. On s'empressa de demander le tout. La découverte était beaucoup plus précieuse qu'on ne l'avait imaginé, non seulement pour l'histoire de l'Héroïne, mais aussi pour celle de la France et de la chrétienté à la fin du XIVe siècle et au commencement du XVe. C'est ce qui résulte de l'inspection de la Chronique, et aussi d'une notice publiée en 1843 dans l'Archivio storico-italiano (t. V, p. 334), notice que découvrit M. Delisle, et dont il voulut bien, avant de la traduire dans le Journal des Savants, donner connaissance à celui qui avait attiré son attention sur le manuscrit si longtemps oublié.
La Chronique Morosini est une histoire de Venise à partir de la fondation de la ville. Les cinquante premiers feuillets faisant défaut, l'histoire dont nous sommes en possession ne commence en réalité qu'à l'année de l'élection du doge Dandolo (1192). Pour une raison semblable, il est impossible de fixer jusqu'où l'auteur l'avait conduite ; elle est fruste à la fin, et finit à l'année 1433.
Le manuscrit de Vienne est du XVe siècle. Il fut donné par le signor Annibale degli abati Olivieri di Pesaro à Marco Foscarini, mort dans la suite doge de Venise en 1763. Les manuscrits de Marco Foscarini ayant été achetés par le gouvernement autrichien, la Chronique Morosini fut transférée à Vienne en 1801 ; et elle y a pris place parmi les manuscrits de l'Etat, sous les numéros 6586-6587. La ville de Venise en a fait depuis tirer une copie, certifiée exacte par le commandeur Bartolomeo Cecchetti.
Cette copie est cotée MMXLVIII, à la bibliothèque Saint-Marc.
La notice publiée par l'Archivio storico-italiano est celle que l'un des possesseurs a mise en tête du manuscrit. On y lit que la Chronique, succincte d'abord, s'étend au fur et à mesure qu'elle se rapproche des temps où l'auteur a commencé à écrire. C'est de 1374 à 1380. Dès lors ce n'est pas tant une histoire qu'un journal. L'auteur y consigne tout ce qui se passe à Venise : guerres, alliances, ambassades, délibérations des divers corps de la Sérénissime République, navires en partance, leur chargement, leur retour ou leur capture, les joutes, les réjouissances publiques ; tout y est signalé avec la date de l'année, du mois et du jour. Morosini ne se contente pas de rapporter ce qui se passe dans la République; il inscrit les nouvelles qui lui arrivent du monde connu, tant par lettres que par récits oraux. Or Venise était alors la reine des mers; il n'y avait pas de meilleur centre d'informations. Les trois mille cinq cents vaisseaux de Venise cinglaient vers la mer Noire et vers la Baltique, touchaient à Trébizonde et à Lübeck. C'était surtout par Venise que les États chrétiens échangeaient leurs produits, que le Levant et le monde musulman et même indien communiquaient avec l'Occident. Les galères vénitiennes portèrent souvent les croisés ; et c'est à Venise surtout que s'embarquaient les pèlerins de Terre-Sainte. Venise avait partout des comptoirs et des agents. On trouvera dans les lettres qui vont suivre la mention de la Scarcella, mot dont la traduction littérale est malle, dans le sens où nous disons la malle des Indes, la malle du Japon.
Morosini n'enregistrant pas seulement les événements qui regardaient Venise : sa Chronique, ou mieux son Journal, intéresse aussi les autres États. Ainsi l'a pensé la Société de l'Histoire de France ; elle a confié à M. Germain Lefèvre-Pontalis le soin d'extraire du manuscrit ce qui intéresse nos Annales. La Société de l'Histoire de France et M. Germain Lefèvre-Pontalis ont des relations et un crédit auxquels ne saurait prétendre un simple religieux. Ils ont obtenu ce que, d'après des renseignements précédents, j'aurais inutilement sollicité, le dépôt pour quelque temps, à la Bibliothèque nationale de Paris, du manuscrit original de Vienne. M. Lefèvre-Pontalis a bien voulu permettre que la copie vénitienne, œuvre de M. Baroncelli, fut collationnée avec le texte primitif. Un paléographe de mérite, M. Vaesens, a fait ce travail: il n'a relevé que peu de variantes altérant le sens.
Ce sens n'est pas toujours facile à saisir. Encore aujourd'hui le vénitien diffère de l'italien, mais au XVe siècle nombreux étaient les dialectes de la langue de Dante, et comme toutes les langues vivantes, l'italien a subi dans l'espace de cinq siècles de nombreux changements. On peut comprendre le français actuel, et être souvent arrêté dans la lecture de Froissard ou de Joinville. Morosini usait-il de la main d'un scribe ou était-il à lui-même son propre secrétaire ? Il y a certainement des incorrections dans le texte. On peut les constater parfois en voyant dans la même lettre sur le même fait des assertions peu concordantes; elles sont manifestes dans les lettres VII et VIII par la comparaison avec le texte de ces mêmes documents empruntés à une autre collection, et publiés dans la Scintilla des 17 et 24 février 1895. Aussi des Italiens de naissance, mis en présence du texte de Morosini, se sont-ils déclarés incompétents, ou n'ont donné que des traductions qui n'en étaient pas. J'ai profité du bon vouloir de l'un de mes frères, qui avait passé plusieurs années en Italie, pour essayer, dans les Études Religieuses, une traduction que j'eusse voulu meilleure. Je promettais de continuer les efforts. M. Baroncelli a bien voulu me venir encore en aide ; et m'a envoyé une traduction en italien moderne. Non seulement M. le sous-bibliothécaire comprend notre langue; il l'écrit ; il a bien voulu corriger les épreuves du texte que l'on trouvera aux Pièces justificatives. Je suis heureux de lui en exprimer ici toute ma gratitude.
Les passages de Morosini sur la Pucelle sont au nombre de vingt-trois. Onze se composent de lettres écrites par Pancrace Justiniani à son père. Elles sont souvent fort longues et fort intéressantes; c'est la partie vive de la Chronique en ce qui regarde la Pucelle. La plupart des autres n'ont guère de valeur que comme expression du sentiment que la Pucelle produisait dans la chrétienté, et de ce que la renommée publiait sur son compte. Les Annales de Venise sont pleines des noms des Justiniani et des Morosini. Des études postérieures feront, il faut l'espérer, découvrir ce que fut l'auteur de la Chronique qui se révèle au folio 520. Il nous apprend qu'il s'appelle Antonio Morosini, et au folio 566, il nous dit avoir un frère nommé Giusto, en 1431 commissaire de la galée de Corone. Elles révéleront aussi ce que fut Pancrace Justiniani. Il est certain qu'en résidant à Bruges il était en situation de savoir, mieux que partout ailleurs, ce qui se passait en France. Capitale de la Flandre et des États septentrionaux du duc de Bourgogne, Bruges était souvent le lieu de séjour du duc ; elle était en communication constante par le commerce avec les villes déjà si industrielles de ce qui forme aujourd'hui les Pays-Bas. Justiniani est très sympathique au parti français ; il se réjouit des défaites des Anglais. Il observe, il prête l'oreille à ce qui se dit; il ne rapporte que ce qui lui semble avoir quelque fondement, et attend souvent de l'avenir la confirmation ou le démenti des nouvelles qu'il transmet sous réserve. Il mérite de prendre rang parmi les témoins de la Vénérable.
Quelques remarques critiques accompagneront chacune des lettres reproduites. Pour faciliter la confrontation avec les autres documents, des divisions par chapitres avec des sommaires ont été introduites dans la traduction.
Chapitres :
- Première lettre
- Deuxième lettre
- Troisième lettre
- Quatrième lettre
- Cinquième lettre
- Sixième lettre
- Septième lettre
- Huitième lettre
- Neuvième lettre
- Dixième lettre
- Onzième lettre
- Douzième lettre
- Treizième lettre
- Quatorzième lettre
-
Quinzième lettre
-
Seizième lettre
- Dix-septième lettre
- Dix-huitième lettre
- Dix-neuvième lettre
- Vingtième lettre
- Vingt-et-unième lettre
- Vingt-deuxième lettre
- Vingt-troisième lettre

Au cours de 1429, à Venise.
Copie d'une lettre de noble sire Pancrace Justiniani en date de
Bruges, le 10 mai 1429 à son père Messire Marc Justiniani, reçue à
Venise le 18 juin. Elle est ainsi conçue :
« Messire, je vous ai écrit le 4 de ce mois (1). Je vous faisais savoir combien
était fort le siège que les Anglais ont mis devant Orléans depuis un an
et demi (2). Je vous écrivais en même temps comment un coup de bombarde avait emporté le comte de Salisbury, leur général. A la suite de cette
perte, les Anglais, sans épargner ni l'argent ni les hommes, se sont
efforcés de tout leur pouvoir de resserrer le siège, tant pour venger la
mort de ce seigneur, que pour rester victorieux. En réalité, s'ils avaient
pris Orléans, ils pouvaient facilement se rendre maîtres de la France, et
envoyer le Dauphin vivre à l'hôpital. Les Anglais donc fortifiaient de
jour en jour leurs positions; ils avaient élevé treize bastilles, si fortes
qu'elles étaient comme inexpugnables.
Cela détermina les Orléanais à députer vers le duc de Bourgogne pour
se recommander à lui, et lui offrir de remettre spontanément leur ville
entre ses mains. Le duc leur donna de bonnes paroles, et leur promit
qu'à son pouvoir, il leur obtiendrait du régent de France, son beau-frère,
de bonnes conditions, non seulement pour eux, mais aussi pour son
cousin, le duc d'Orléans, prisonnier en Angleterre.
Ledit seigneur se trouvant à Paris, sur la fin de l'autre mois, en pour-
parlers avec le régent, voulut en obtenir qu'il levât le siège d'Orléans
aux conditions suivantes : lui duc de Bourgogne désignerait au nom de
son cousin d'Orléans les gouverneurs de la ville ; la moitié des revenus
serait au roi d'Angleterre, et l'autre moitié au duc d'Orléans pour son
entretien. La ville serait à leurs ordres pour leur permettre à leur plaisir
entrée et sortie. En outre, la commune d'Orléans serait tenue de payer
chaque année au régent la somme de dix mille écus, destinés à soutenir
la continuation de sa guerre.
Le régent en conclut qu'il déplaisait au duc de Bourgogne qu'Orléans
vînt entre ses mains. Persuadé que le siège était assez avancé pour qu'il
en fût le maître dans peu de temps, il répondit qu'il ne souffrirait en
aucune manière que les terres qui étaient de la couronne de France
vinssent en d'autres mains que celles du roi ; qu'il était fort étonné que
pareilles propositions fussent faites par le duc de Bourgogne qui, plus
que tout autre, devait être jaloux qu'il en fût ainsi, qu'il paraissait que
c'était tout le contraire ; qu'il recherchait les intérêts du Dauphin plus
que ceux du roi et que son propre intérêt personnel. D'après ce que je
crois, il y eut de part et d'autre de hautes et vives paroles. Ce que l'on
sait bien, c'est que le duc de Bourgogne partit de Paris mal disposé.
A environ dix jours de là, loin de Paris, il parla à l'ambassade d'Orléans,
exposa comment les choses s'étaient passées, et finit par dire que le
Dauphin et son parti en seraient bien attristés...
Le comte seigneur de Bourgogne est venu ici ; il y est encore aujour-
d'hui ; c'est, je pense, pour gagner du temps, etc.
Depuis, sont arrivées des nouvelles de Paris, par des lettres, par des courriers, par des marchands et par de nombreuses voies. Nous savons
qu'il est très vrai qu'à la date du 4 de ce mois toutes les forces dont
peut disposer le Dauphin, évaluées à douze mille bons cavaliers, com-
mandées par le comte de Bourbon, fils du duc, s'étaient présentées depuis
déjà longtemps, et étaient en ce moment réunies.
Le comte a pour femme la fille du duc d'Orléans (3)
. Nous savons encore qu'un bâtard du duc d'Orléans est dans l'armée, et que, par le moyen de
guerriers d'élite, il a fait entrer dans la ville une très grande quantité
de vivres. Chaque jour, il multipliait ses sorties et ses escarmouches.
Depuis, le 7 de ce mois, sur le midi, il s'est emparé d'une bastille très
forte, qui était sur la rivière du côté de la rive opposée à la ville. Elle
ne pouvait pas être secourue par les autres bastilles. Encore que l'attaque
n'ait pas été très vive, au moyen de feux lancés avec art, les assaillants
ont pu s'en rendre maîtres, en sorte qu'elle a été entièrement brûlée, et
tous les Anglais qui s'y trouvaient ont été consumés par les flammes. Ils
étaient plus de six cents, la fleur de l'armée. Restaient les autres bastilles
au nombre de douze; toutes furent prises. Leurs, défenseurs, à l'exception de cent cinquante (4) Français et Anglais, qui se sont échappés, ont
été tous tués ; il n'y a eu qu'un petit nombre de prisonniers. Parmi les
capitaines, l'on ne parle pas d'un seul mort; parmi les prisonniers, on
cite le comte de Suffolk, le comte de Talbot, le sire de Scales, beaucoup
d'autres seigneurs, hommes à riche rançon et de grand renom, des
artilleurs, des arbalétriers, des écuyers et d'autres hommes nobles, riches
et honorables.
Comme je vous l'ai dit, de toutes les troupes d'un siège qui a duré la
moitié d'une année, remarquez, ainsi que vous pourrez l'apprendre,
qu'environ quinze cents hommes seulement se sont retirés dans une place
forte à sept lieues d'Orléans, ou, comme d'autres disent, loin de ceux
qu'assiégeaient les gens du Dauphin, et voici ce qui se dit et doit être
vrai ; depuis seize ans que dure la guerre, les Anglais n'eurent jamais
journée si funeste.
Dieu seul sait si dans tout ce pays on est heureux de semblables nou-
velles ; et si l'on me le demandait en secret, ma conviction est que celui
qui n'en est pas moins joyeux que les autres, c'est le duc qui est ici. La
raison c'est qu'il lui plaît de voir un peu battus ces Anglais trop puissants, et qu'il voyait avec regret la partie adverse s'épuiser par la guerre.
Que Dieu qui peut tout pense et pourvoie au bien des chrétiens. Je vous
dis seulement que si Bourgogne voulait favoriser l'autre partie, ne fût-ce
que par la parole, d'ici à la Saint-Jean il n'y aurait pas en France un
seul Anglais à combattre.
Avant ces nouvelles, il y a quinze jours, et depuis, on a constamment
parlé de plusieurs prophéties trouvées à Paris et d'autres choses concer-
nant le Dauphin, comme quoi il devait grandement prospérer. En vérité,
j'étais d'accord sur cela avec un Italien d'honorable condition, cependant
sans en faire grande manifestation. Beaucoup en faisaient les plus belles
moqueries du monde, surtout d'une Pucelle gardeuse de brebis, origi-
naire de vers la Lorraine. Il y a un mois et demi qu'elle alla vers le
Dauphin, et refusa de s'ouvrir à tout autre qu'à lui personnellement.
En résumé, elle lui dit que Dieu l'envoyait vers lui; qu'elle pouvait
lui affirmer avec certitude qu'avant la Saint-Jean de juin prochain il
entrerait à Paris ; qu'il livrerait bataille aux Anglais, serait indubitable-
ment vainqueur, et [ainsi] entrerait à Paris, et qu'il serait couronné ;
qu'en conséquence il devait réunir des gens de guerre pour ravitailler
Orléans et en venir aux mains avec les Anglais ; que la victoire était
certaine, et qu'il les contraindrait de lever le siège à leur grande confusion. Je pourrais encore vous rapporter des faits bien étonnants ; je pourrais vous dire que par le moyen de cette Pucelle le Dauphin a eu une vision ; ce qui nous tient en suspens moi et tous les autres.
Je me trouve avoir des lettres de marchands qui font le négoce en
Bourgogne et qui à la date du 16 janvier parlaient de ces événements et
de cette demoiselle ; le souvenir en a été rafraîchi par une autre lettre du
28 (avril ?) par laquelle on annonçait qu'au dire de cette même demoiselle, dans peu de jours, des hommes de renom feraient lever le siège
d'Orléans.
Ce que je viens d'écrire est tiré point par point de lettres reçues. Ce
qu'elles annonçaient s'est réalisé jusqu'à ce jour. Et on dit que celui qui
écrit est un Anglais, nommé Lorenzo, bien connu de Maria, homme de
bien et discret. Ce qu'il mande à ce sujet, ce que je lis dans les lettres de
tant de personnes honorables, dignes de foi, me fait devenir fou. Il dit,
entre autres choses, pour l'avoir vu, qu'il est bien clair que beaucoup de
barons marchent à la suite de ladite demoiselle, et que bien des gens du
peuple se rangent autour d'elle. Il ajoute que plusieurs, pour avoir voulu
la tourner en dérision, sont certainement morts par mauvaise mort. Les
lettres se terminent par ce que je vous ai raconté. Ce que l'on voit bien
clairement, c'est qu'elle raisonne sans jamais se contredire ; elle discute
avec des maîtres en théologie si bien que l'on croirait que c'est une autre sainte Catherine venue sur la terre ; aussi beaucoup de chevaliers,
l'entendant raisonner et exposer de telles merveilles, ne font chaque jour
que trouver le miracle plus grand, au fur et à mesure qu'ils l'entendent
s'expliquer sur de si étranges choses.
Avant que les Français fussent venus à Orléans, comme je l'ai dit, je
ne savais que dire, ni ce que je devais croire, sauf que la puissance de
Dieu est grande. N'étaient les lettres que j'ai reçues à ce sujet de Bour-
gogne, je ne vous en aurais rien dit, parce que tels récits passent aux
oreilles des auditeurs pour des fables plutôt que pour toute autre chose.
Enfin, tel que je l'ai acheté, tel je vous le vends.
Le mariage de Bourgogne avec la fille du roi de Portugal est conclu ;
il sera facile à la dame d'arriver par des vaisseaux et des galères. Je
crois, d'après les bruits qui courent, que ce seigneur fera une fête magni-
fique.
Il a été dit depuis que ladite demoiselle doit accomplir deux autres
grands faits, après quoi elle doit mourir. Que Dieu lui donne aide, et,
comme on le dit universellement, qu'elle ne se démente pas durant une
vie longue et pleine de bonheur. Amen.
Le 18 juin il a été dit que Messire le Dauphin a envoyé une lettre au
Pape de Rome.
I (pages 969-975, f° 501-5021).
Copia de una letera manda el nobel homo ser Pangrati Zustignan ady x de marzo da Bruzia a so pare miser Marcho Zustignan, rezevuda ady xviij de zugno: dixe in questa forma.
"Miser, ady iiij de questo v'ò scrito, e per le mie ve ho avixado, e dadove a saver l'asiedio di nemixi fortisimo eser stado da torno d'Oriens, zia per ano uno e mezo. Al qual luogo per simel ve scrisi fo morto d'una bombarda el conte de Sanlinbem chapetanio ioro, da può la morte del qual sempre i diti ingelexi, fato so poder chon dener e con zente, plu forte l'asiedio loro faxeva, e sy per vendegar la morte del dito signor, chomo eziandio per otegnir la pugna loro, che al vero se i diti avese prexo Horiens, se podeva de lizier al tuto farse signory de Franza, e mandar el dolfin per pan a l'ospedal, di qual ingelexi è dito ala ziornada i se feva plu forti al dito asiedio, e aveva fato xiij bastie fortisime, e quasi inespugnabele; per la qual cosa quely d'Oriens manda al ducha de Borgogna a rechomandarse, a quelo voiandoli dar la tera liberamente, del qual signor i dè de bone parole, e diseli al so poder i otegneria con el rezente de Franza so chugnado boni pati per loro, e anchora per so cuxin el ducha de Oriens, ch'è prixion in Engletera, e trovandose lo dito signor a Paris circha la fin de l'altro mexe a parlamento chon i rezenti, voiando hotegnir da luy che l'asiedio se levese da Horiens chon questa chondicion, che luy per nome de so cuxin d'Oriens voleva meter governadory, e che la mitade de l'intrada fose del re d'Ingletera, e de l'altra mitade fose del ducha d'Oriens per so viver, e che la tera fose senpre al comando loro de intrar e insir al so piaxer. E oltra questo, che quele comune fose tegnude de dar hogni ano x milia schudi al dito riziente per ainplir ai servixij dela so vera, de che in choncluxive parando al reziente che Borgogna li desplaxeva la dita tera dovese vegnir in le suò man, e crezando averla asediada per muodo che in brieve loro credeva averla, respoxe el ducha de Borgogna che in algun muodo queli non intendeva che le tere che aspeta ala corona de Franza dovese capitar in man d'altry cha del re, agrevandose d'amiracion, conprendendo che Borgogna uxase tal parole, conziò sia che'l deveria eser coluy che plu fervente fose a tal caxion cha algun altro, anzi i pareva el contrario, e che plu tosto el cerchase al bendel delfino, ch'a quelo del re d'Ingletera e suò, e segundo sento fra una parte con l'altra de fo de grande e asè parole, ma tanto se sa che de Borgogna quelo se parti da Paris non ben desposto, e circha di x da Paris largo de la parla a l'anbasada d'Oriens e diseli, chomo la cosa iera pasada, choncludendo, che lo dito delfin chon tuta l'altra parte seria ben tristi e da puocho si non se valer; e meio darli baldeza, e darli a intender che in alguna cosa i non sende inpazeria. El conte signor de Borgogna è vegnudo qui, e anchora in questo dy eser, crezo, per dilatar tenpo e cetera.
Da può se a novela vene da Paris e per letere e per mesy e per marchadanty e per
plu vie, e avemo son verisime, como a iiij. di de questo mexe, tuto el sforzo che pote far el dolfin, che se raxionava eser xij. M. boni chavali, di qual è chapetanio Carlo de
Valon fio del ducha. E aprexentase zià gran tenpo, e anchora de la son, e questi a per muier la fia del ducha d'Oriens, e anchora uno hastardo del ducha d'0riens con la dita giente, per persone sfiorade, meso aver asaisima vituaria dentro la tera, e ogni ziorno moltiplicava del meter in el canpo scharamusando, e da può ady vij. del prexente a mezo di si ave una altra grosa bastia fortisima, che iera dala riviera verso l'altra cirnera, la qual dale altre bastie non se podeva aver secorso, e bem che de niente i l'asaltase e de gitar fuogo artificiado dentro, fo intro tuti una per muodo che la fo tuta arsa, e tuti i gelexi che iera dentro se bruxia, siando stady plu de vj. c. de tuta la fior. Tute le altre bastie restava, che iera xij., tute fo prexe, e che per tute, se i omeni non fose schanpadi da CL, tra i qual franzeschi e ingelexi, tuti iera morti, e alguny puochi prexi, e di suò capetani alguno non se sa che sia morto, e de prexi, fra di qual è el conte de Salsalfoz e el conte de Taborz, el sire de Schales, e molti altry signory, homeny de prexio e de molta fama, e de bonbarde e balestre e pavexary chon molty altry signory stady e d'onor.
Como vien dito, da tuto l'asiedio del mezo ano stado, notove chomo poderè saver,
nome che circha MV de queli se raxiona eser retrati a uno castelo he circha lige vjj. largo d'Oriens, e chi dixe largo da quele asediade da quele del dolfin, e a hora fe vostro conto el se dixe, e chusy eser la verilade, zià durada la vera per ani xvj. non n'ave chusi cativa ziornada, e Dio sa se tuto questo paixe golde de tal novela, e chi me domandase in secretis, non crezo men piaxer de altry ne senta el signor ducha chè qua. E questo perchè per luy fa che questi ingelexi sia arquanto batudi, che ly son potenti, e ly altry verizando se vada chonsumando con grando afano, e Dio che può tuto, sia e priega al bem di Cristiani, ma tanto ve digo che se Borgogna volese solamente pur de parole favoriziar l'altra parte de gente, no vargeria tra qui e sem Zane, ch'el no se troverave in Franza uno ingelexe ala ziornada s'aprexentase.
Davanti da questa nuova a ziorni XV. e anchora da può, senpre s'a dito molte cose de molte profecie eser trovade qua a Parixi e altre cose che confano al dolfin, quelo dever grandemente prosperar, e in veritade me refaceva, e insenbre de opinion con uno italiano de tal condicion, e per molty se ne feva de plu bele befe del mondo, e masimamente de una procela vardaresa de piegore nasuda de verso la Rena, andada quela per mexe uno e mezo in verso el dolfino, e altry propio, e non ad altra persona quela aver voiudo favelar. E in concluxion li propoxe che Dio a luy la mandava e che de certo li dixe, che tra de qua a sem Zane del mexe de zugno lo intreria in Paris, e dar bataia a ingelexi, e che de certo Lu seria venzedor, e intrerave in Paris, e serave incoronado, e apreso ch'el devese far so sforzo de giente e portar vituaria a Horiens, e dar bataia a ingelexi, e che de certo el seria venzedor, e l'asiedio leverave con gran confuxion, e claramente da l'altra parte de gran fati ve poria mentoar quelo, per quela ve poria mentoar, aver abudo per queta vixion e feme star mi con tuti i altry sospesi, e io me truovo aver letere de marchadanty de marchadantia, ch'è in Borgogna, de xvj. de zener, l'è contra de questi fati e de questa damixela, e ady xxviij l'a refrescha la dita nuova per una altra letera, e dixe che la dita dixe, da zente de fama a puochi ziorni serà levado l'asiedio, e cetera.
Le qual letere per ora ve o dito davanti, de ponto in ponto, chomo son sta scrite
che la dixeva, e chusy eser seguido de fina sto ziorno, e dixese che colory el scrive è
uno ingelexe che se clama Lorenzo ***, che Marin bem cognose, persona da bem, e
discreta in muodo che lu scrive de tal cosa; vedando quel se dixe in le letere de tanti
onorady homeny de gran fede fame deventar mato, fra le qual cose dixe de vezuda
per simel caxion eser sy patente molty baroni la tegnia, e par che altre persone
comune sia vezudo in fina qua, epuò dixe molti averla voiudo gabar, che seguramente
son morti de mala morte, hor in el fine, i dixe, che io diro v'ò contado, ma tanto se
vede claro la vituoria senza contrario e desputacion chon maistry in tolegia, che la par che la sia una altra santa Catarina che sia vegnuda in tera, in però che molty chavaliery, holdando raxionar e dir tante mirabel cose, e da nuovo hogno dy apar eser gran miracolo, abiandola aldida raxionar de tante notabel cose de quela.
Avanti per i franzeschi a Horiens vegnudo chomo de la s'à dito, si che non so quelo
me diga, nè debia creder, salvo la posanza de Dio eser granda, e s'el non fose la letera
ch'io ò rezevuda de tal caxion de Borgogna, niente ve ne diria, perche a l'orechie di auditori
pluy tosto le par favole, che altre cose sia, e como le ò conprade cusy ve le
vendo.
El maridazo de Borgogna in la fia del re de Portogalo è fato, e cusi seria de lizier
cosa la dona vegnise chon le nave o galie; credo, segundo se dixe, questo signor
vignerà, farà magnificha festa, e tiense el sera in questa festa.
Fo dito da può, die far la dita damixela do altry gran fati, e quela da può die morir ;
Dio i'npresta aiudo, e como vien dito per tuty, e nuy non desmentega per longa vita
e bona con alegreza. Amen.
E ady xviij zugno è dito, miser lo dolfin de manda una
letera al papa de Roma.

Au cours de l'année 1429.
Le samedi d'après, au matin, le jour de l'apparition de saint Marc,
nous avons eu des nouvelles de Bruges, en date du 4 juin, par une
lettre de sire Pancrace à son père Messire Marc Justiniani. Cette lettre
parle de la déroute infligée par Messire le Dauphin aux Anglais qui
auraient eu plus de quinze cents à deux mille des leurs tués ou faits
prisonniers, d'une place très forte qui leur aurait été enlevée. Elle
ajoute que les nouvelles données précédemment sont vraies, et que les
faits ont eu lieu dans l'ordre indiqué... Les exploits de la demoiselle
sont toujours de plus en plus heureux.
Cette lettre écrite à Bruges
le 4 juin, a été reçue ici le 26 du même mois.
Nous avons appris que messire le Dauphin avait envoyé de Paris une
lettre au seigneur Pape Martin XI (V) à Rome. L'on n'en connaît pas
encore la teneur; mais il a été dit qu'on pourrait en avoir copie par
Messieurs de la cour de Mgr Paul Correrio. Quand elle me sera arrivée,
je la mettrai à sa place dans ce livre, sans qu'il soit nécessaire de
l'indiquer autrement; le texte montrera de quoi il s'agit.
II (pages 977-978, f° 502).
Corando M°CCCCXXVIIII°.
Dapuo, sabado dy [xxv°] del mexe de zugno da madina, in lo de de la aparezion de San Marcho, avesemo da Broza per letera rezevuda miser Marcho Zustignan de so fio ser Prangati, de dy IIII° de zugno, e scrive de la rota dada per miser lo Dolfim a Ingelexi e de loro prexi e morty da plu de M V ° in II°, e apreso quelo aver abudo uno altro fortisimo castelo d'Ingelexi, sozionzando la novela per ordene avanti dita eser vera ; e apreso como el ducha de Borgogna aver abudo una grandisima malatia, e quelo eser liberado de mal de postiema, per la rechia reta, e varido de quela; e dy faty de la damixela, andar pros perando molto meio. Fata la so letera in Broza ady IIII° zugno, e de qua rezevuda a dy XXVI° de quelo mexe.
Apreso avesemo una letera aver scrito miser lo Dolfin da Paris a miser lo papa Martin XI° (sic) da Roma; el ténor de quela non se a anchora sapudo, ma la copia s'a dito per miser Polo Gorer da i suo da corte la puô aver abuda, e notificharola per ordene in questo libro. — E dapuoy avila per letera, laquai no[n] è de mestier notificarla, per caxion la se contien sovra uno ténor.

Au cours de l'année 1429.
Au nom du Tout-Puissant Seigneur Dieu Éternel. Le 14 juillet, plusieurs lettres écrites d'Avignon par très noble personne Messire Jean de Molins nous ont appris comment Messire le Dauphin, toujours appuyé par
la demoiselle, qui de son nom s'appelle Jeanne, demoiselle illuminée par
le Saint-Esprit et inspirée de Dieu, est entré à Rouen le 23 juin. La ville
s'est rendue d'elle-même, les Anglais en sont sortis et se sont enfuis
miraculeusement. Ledit seigneur et roi a pardonné à tous, et la paix s'est
faite.
Et depuis le 23, en la fête du Bienheureux Jean-Baptiste le Gracieux
(Graziozo ?), le roi est arrivé à Paris. Tous les Anglais avec le duc de
Bourgogne sont sortis à sa rencontre pacifiquement. Tous ensemble, mettant au milieu la demoiselle et le Dauphin avec ses barons et ses chevaliers, sont entrés à Paris, en se félicitant et s'encourageant. Le Dauphin a été proclamé suzerain de toutes les terres, châteaux et villes de France.
De très grandes fêtes ont été célébrées; on s'est réjoui, la demoiselle était
des fêtes. Pardon du passé pour tous ; il ne sera plus souvenir des torts
qu'Anglais et Français se sont faits ; tous sont venus à contrition et à
pénitence; pour conclusion bonne et parfaite paix.
La demoiselle a opéré la paix de la manière suivante : pendant un ou
deux ans les Anglais et les Français et leurs rois devront se revêtir de
draps gris brun avec une croix par-dessus ; ils jeûneront toute l'année,
et le vendredi de chaque semaine au pain et à l'eau; ils ne connaîtront
que leurs femmes légitimes, et ils promettront devant Dieu de ne vouloir
à partir de ce jour ne se donner jamais en quelque manière que ce soit
sujet de discorde.
On raconte encore que ladite demoiselle a dit à Messire le Dauphin
qu'elle voulait le conduire à Rome pour le faire couronner roi de toute
la France. Nous savons que tout ce qui a été dit de cette demoiselle s'est
réalisé. Elle s'est trouvée toujours constante dans ses affirmations ; elle
est venue pour faire de magnifiques choses en ce monde. Amen.
III (page 981, f° 503).
Con el nome de l'onipotente Signor eterno Dio, ady xiiij.
del mexe de luio, e per molte letere vegnude, e scrito si a da Vignon a Veniexia, como ady xxiij. del mexe de zugno de l'ano de MCCCCXXVIIII, per uno nobel homo miser Zian da Molin, miser lo dolfin insenbre chon la damixela clamada per name Zanis, inluminada del Spirito Sancto, da Dio inspirada, ady xxiij. zugno intrase in Roan e aver d'acordo la citade, e ingelexi fugise e insise de quela per muodo miracoloxamente, e
per lo dito signor e re perdonase a tuti, e pacifichase con lor, e da può a xxiij. in el
mexe de zugno in la festa del biado san Zane Batista gracioxo, à zionto lo dito in
Paris; tuti ingelexi insembre el ducha de Borgogna insido di fuora pacifichamente ;
insembre può la damixela e miser lo dolfin chon meso i suo baroni e cavaliery in
Paris prosperando e confortandose clamado fo mazior signor per tute le tere e chastele
e vile de Franza ; fato fose notabelisime feste confortandose con la donzela, e quelo
perdonando a tute giente, non se arechordando plu de l'inzurie di engelexi con i
franzeschi aver rezevude, e tornady tuti a contricion de penetencia in direta choncluxion,
bona e perfeta paxe, la dita donzela fexe questa rechonciliacion in questo
muodo, che per uno, over in do ani, i franzeschi e ingelexi con el Signor dovese vestir
de pano beretin con la croxieta suxo cuxida, e de dover dezunar per tuto quelo ano,
el venere di dela setemana pan e aqua per ogni domada, e de star tuti insembre in
colegacion con le suò muier, e de non dormir plu carnalmente con altre done fuor
del suo patremonio, prometando in Dio, da questo tenpo in avanti de non voler nè
uxar descordia alguna de vera per nisuno muodo.
E da può questa damixela aver dito a miser lo dolfin voler andar a Roma per farlo
incoronar dela so corona de tuta Franza, e avemo in futo l'a dito eser seguido dela
dita damixela trovade senpre invardada in so fermeza, vegnuda per verificar magnifiche
cose in questo mondo. Amen.

Au cours de l'année 1429.
Copie d'une lettre envoyée d'Avignon par noble personne Messire Jean de Molins, en date du 30 juin. En voici la teneur, ainsi que nous en avertissons par avance.
«Je veux vous parler d'une gentille demoiselle des contrées de France ;
je dirais mieux d'un bel ange venu et envoyé de par Dieu pour relever
le bon pays de France qui était perdu sans ce secours. La demoiselle a
nom Jeanne. Elle a été dans une infinité de lieux qui se sont soulevés
contre les Anglais.
Elle a été ensuite dans une contrée qui s'appelle Baugency ; et elle a
signifié au capitaine Talbot, un seigneur anglais, d'avoir à l'en mettre en
possession, ce qu'il n'a pas voulu [d'abord] ; toutefois Suffolk, autre seigneur anglais a tant fait en faisant valoir la puissance de la demoiselle, qu'il la lui a remise, et lui en a cédé l'entrée, à condition de conserver
saufs les personnes et l'avoir. Il vint à la suite rendre ses hommages à
la demoiselle, lui jura de ne plus s'armer en personne contre le roi de
France, eut ainsi licence de se retirer, et il partit.
Il trouva en chemin quelques soldats anglais, levés parmi les Français (faux Français), pour combattre la demoiselle, et dès lors ce seigneur Talbot, encore qu'il eût fait serment de ne pas prendre les armes contre
la couronne de France, se mit dans la compagnie de ces Anglais. La
demoiselle dit alors avec un cœur magnanime : « Allons vers lui, nous le
battrons ! » Ainsi fut fait. On en vint aux mains. Le combat fut long. A la
fin trois mille cinq cents Anglais, d'autres disent trois mille furent tués;
il y eut un égal nombre de prisonniers, en sorte qu'il n'en échappa pas
un seul, chose d'autant plus merveilleuse que, du côté de la demoiselle, il
ne périt pas vingt personnes. Tous les capitaines, de Scales et beaucoup
d'autres ont été tués; Talbot a la vie sauve, mais est prisonnier.
Vous pouvez supposer que tout le pays presque jusqu'à Paris, Orléans,
Reims, Chartres, et beaucoup d'autres villes dont je ne me souviens pas,
auront fait leur soumission. Par suite je regarde comme certain qu'à
cette heure le Dauphin est à Paris, et en est maître, tant d'Anglais ayant
été tués ou faits prisonniers. Les Anglais doivent avoir perdu tout cœur.
Le duc de Bedford, qui est à Paris a, dit-on, demandé secours au duc de
Bourgogne, mais nous savons que celui-ci ne lui a rien envoyé; je pense
qu'il (Bedford) aura été taillé en pièces, s'il n'a pas pourvu à son salut en
fuyant ailleurs.
Voilà de bien grandes merveilles ! Qu'en deux mois une fillette ait
conquis tant de pays sans hommes d'armes, c'est bien un signe manifeste que ces événements ne sont pas œuvre d'une vertu humaine, mais
que c'est Dieu qui les accomplit. Dieu a considéré la longue tribulation
endurée par le plus beau pays du monde, dont les habitants sont plus
chrétiens qu'en aucune autre contrée. Après l'avoir purifié de ses péchés
et de son orgueil, Dieu a voulu l'aider de sa main, alors qu'il était sur
le point de sa destruction finale.
C'était impossible à tout autre. Je vous affirme que sans l'intervention
divine, avant deux mois, le Dauphin aurait dû fuir et tout abandonner,
car il n'aurait pas eu de quoi mettre sous la dent. Il ne lui serait pas
resté un gros pour se soutenir avec ses cinq cents hommes d'armes. Et
voyez de quelle manière Dieu est venu au secours de la France. De même
que par une femme, par Notre-Dame sainte Marie, il a sauvé le genre
humain, de même par cette demoiselle, une vierge pure et innocente, il a
sauvé la plus belle partie de la chrétienté. C'est une grande preuve de
notre foi; il me semble que depuis cinq cents ans, il ne s'est pas passé
de fait plus merveilleux.
On ne le croira que lorsque tout homme vivant verra avec tous ses
sens, le prévôt de Paris prosterné devant elle, et ce qui ne pouvait pas
arriver est pourtant arrivé ; car je pense qu'à cette heure elle doit avoir
plus de quarante mille hommes à sa suite ; et voyez comment les Anglais pourront résister; quand ils se verront devant elle pour l'arrêter, elle les fera tomber morts à terre.
Voilà des choses qui paraissent incroyables ; moi-même j'ai été très
lent à les croire, et pourtant en réalité elles sont vraies, et tout homme
doit les croire. La glorieuse demoiselle a promis au Dauphin de lui donner la couronne de France, et un don qui vaudra plus que la couronne
de France, et ensuite elle lui a déclaré que c'était la conquête de la Terre-Sainte; elle l'y accompagnera. On raconte tant de choses qu'un jour ne suffirait pas pour les écrire, nous les verrons mieux au jour le jour.
Vous apprendrez dans peu les grandes choses qu'elle doit accomplir;
elles sont au nombre de trois, outre le roi de France à mettre sur son
trône ; chacune d'elles est plus grande que cette dernière. Que Dieu nous
laisse vivre assez longtemps pour que nous puissions voir et que nous
voyons le tout.

IV (pages 983-986, fos 503-504).
Copia de una letera mandada per lo nobel homo
miser Zan da Molin da Vignon ady xxx zugno, la qual el scrive in questa forma
como diremo per avanty.
Io ve voio dir d'una zentil damixela dele parte de Franza, anzi a dirve meio d'uno
zentil anzolo che da Dio eser vegnudo e mandado a rechonzar el bon paixe de Franza,
che zia perdudo iera, che abiando abudo la damixela, per nome dita Zanes, siando
stada in infinity luogi revelady a ingelexi, la dita ande a una tera se clama Bonacin,
e manda a dir al capetanio Tabot, segnor ingelexe, che ly dese la tera; non volse, de
che el conte Sofort, signor ingelexe, per nome dela damixela, tanto fexe, che iu i dè la
tera, e voiando intrar dentro, resalvado la persona con el so aver, vene da può a inclinar
ala dita damixela, e zuray che may la so persona non s'armerave may contra
el Re de Franza, e chusi a quelo li de licencia, e partise. Da può el trovase per camin
uno fantin ngelexe, che fono asunady de lingua raxion de Franza, per vegnir a trovar
la dita damixela, de che no ostante lo dito signor dito Tabot, che aveva zurado de non
prender arma contra la corona de Franza, se mese luy e la so conpagnia a insenbre
con ingelexi, e la damixela chon bon cuor dise : andemo a trovarli, che i ronperemo;
e cusy fo, e vene ala bataia, e dura asay, e ala fin el de fo morti chi dixe iijMVC, e chi
diga iijM, e de prexi altry tanti; di qual non de schanpase homo, ch'è grande meraveia,
e che dala parte dela donzela non de mori xx persone; e fonde morti tuti i capetani,
el signor de Schale, e di altry asay, salvo Talabort romaxe prixionier, ma feve vostro
conto, che tuti i luogi son rendudy fina apreso Paris, zia Orlens, Rens, Ziatres, chon
molti altry luogi, io non me recordo, ma io tegno de certo, che infina questo dy el
dolfin sia a Paris, che abiè, siandonde morti tanty ingelexi, e prexi lo resto, quali die
eser smaridy, el ducha de Benfort, ch'è in Paris, aver mandado a domandar secorso dal
ducha de Borgogna, avemo non i a mandado ninte; io intendo ch'el sia taiado a peze,
s'el no s'averà reparado via da fuzir. Parme de queste cose sia de gran meraveia, che in
do mexi che una fantineta abia aquistado tanto paixe senza giente d'arme, che ben se
puo cognoser, che per vertude umana non può eser questo, ma da Dio eser piaxesto,
considerando la longa tribulacion abuda el plu gentil paixe del mondo, e queli che
son pluy cristiani, cha giente del mondo, parandoy che Dio abia purgady i suò pechadi
e la so soperbia a voiudo che sul ponto dela so final destrucion Dio con la soa man
aiudarli, che non iera posibel ad altry de farlo, che ven i prometo s'el non fose sta Dio
zio, el non pasava do mexi ch'el dolfin chovegniva fuzir e lasar tuto, el qual non aveva da manzar, ne non aver pur uno groso da sostegnirse con homeny vc d'arme. E vedè
con che muodo l'à aidado Dio, chomo per una femena, zioè Nostra Dona Sancta Maria,
che salva l'umana generacion, chusy per questa donzela pura e neta l'à salvado la plu
bela parte de cristantade2, ch'e ben uno grande esenplo dela fede nostra, e si me par
che questo fato sia el plu solene che fose zià vc any, ne non sera credo may, che
ogni omo vedera e vivera; con tuti i signali adorarla per lo proposto de Paris, che
non de podeva andar e c'andado, si che io crezo che infina a questo dy quela abia plu de XLM. persone la siegue, si che vede como ingelexi porà resister, che quanti de
vignerà davanti che la manaza, chazera morti in tera; e queste son cose che par
incredibile, e io insteso son stado asè a crederle, ma pur in efeto son vere, e
hogni omo li dà fede. La glorioxa damixela promeso a dar al dolfin de donarli la
corona de Franza, uno dono che valera plu del reame de Franza, e apreso declararli
de darly la conquista dele tere sancte, e serà de soa conpagnia. Como se dixe,
sera tante cose, che'l no me basteria uno dy a scriverle, ma ala ziornada se vedera
meio, e aldirè dir in puocho tenpo le grande cose che 1'averà a far, che sono tre altre,
oltra del meter del re in Franza in caxa, ziaschaduna plu granda asè de questa, e Dio
de lasa veder tanto che nuy vezemo, e posando veder tuto.

Copie d'une lettre de Marseille en date du 28 juin :
« J'ai le plus grand plaisir que vous ayez été bien satisfait des grands
miracles que vous ont fait connaître les nouvelles de France.
Ainsi que vous l'aurez appris depuis, c'était bien la vérité que l'on
vous disait en vous annonçant les grands faits accomplis devant Orléans,
et à la suite la conquête de nombreuses forteresses, de beaucoup de lieux
réputés inexpugnables, de nombreux prisonniers ou hommes tués, tous;
au moins de cinq à six mille Anglais mis en fuite avec leurs principaux
capitaines, en sorte qu'il en reste peu en France. On raconte que par la
vertu de cette demoiselle le Dauphin est en possession d'une grande puissance, et tous sont sur le chemin d'Orléans (de Reims) pour le couronnement. Je pense qu'il aura été couronné avant la Saint-Jean, et qu'au jour
où je vous écris il sera entré à Paris ; et plaise à Dieu Notre-Seigneur
qu'il en soit ainsi.
Mais il serait long de raconter les grands miracles qu'a faits continuellement et fait encore cette demoiselle.
Veuillez avoir patience et m'excuser si je ne vous en écris pas plus long. Je vous ferai savoir tout
ce qui suivra. »
V (page 987, f° 804).
Copia de una letera da Marseia de xxviij de zugno.
Piaxeme asè che abiè vezudo volentiera i miracoli grandi dele novele de Franza, le
qual son stade vere, como da può vu avere sentido, avixandove da può i fati d'Oriens, e apreso de molty casteli e tere inespugnabele, e molta giente prexa e persa e tuti scanpady con tuti capetany principali,e almen davin VJM. ingelexi, in forma che puochi ne resta in Franza, e raxioneve che'l dolfin per vertude de questa damixela aver gran posanza; e tuti tirady ala via d'Oriens per incoronarse, e stimo che avanti san Zoane serà stado incoronado; che al ziorno dito sia dentro a Paris, de che cusy piaqua a Dio Nostro Signor, ma longo seria a scriverve li miracoli grandi che continuamente à fato e fa questa damixela. E abieme per schuxio con paciencia se plui avanti non scrivo, ma de altro tuto seguira ve darò a saver...

En l'an 1429, en date du 9 juillet, reçue le 2 août.
Nouvelles de Jeannette, la Pucelle venue au royaume de France en
l'an 1429 .
Nous avons à son sujet une foule de lettres venues de Bretagne en date
du 4 juin. Nous avons des lettres d'ailleurs. Nous avons vu, entendu
des personnes dignes de foi, nous en parler, beaucoup qui l'avaient
vue. En substance tous affirment qu'il se passe par elle des événements
très miraculeux, qui sont cependant réels. Pour moi, attendu ce que l'on
rapporte de sa vie, je crois que la puissance de Dieu est grande.
Ladite Pucelle est âgée d'environ dix-huit ans, du pays de Lorraine
sur les confins de la France, elle était béguine, gardeuse de brebis, fille
d'un villageois. Au commencement de mars elle quitta son troupeau, fit
prier Dieu et ses parents et demanda à quelques gentilshommes [de
l'accompagner], Elle ne trouva aucune opposition, vu l'assurance qu'elle
leur donna d'être mue par inspiration divine...
Venue en la présence du noble Charles, le Dauphin, fils du roi de
France dernier mort, elle lui fit connaître qu'elle venait de la part de Jésus,
notre Rédempteur, pour trois choses qui auraient leur accomplissement,
disait-elle, si le roi lui accordait une ferme foi, ne craignait pas d'exposer
sa vie, procurait un amendement général, et se gouvernait comme elle
le dirait, moyennant la grâce de Dieu par le commandement duquel elle
était dirigée. La première chose pour laquelle elle venait, c'était pour faire
lever le siège mis par les Anglais autour d'Orléans, la seconde pour le
faire couronner solennellement et le faire roi de toute la France et de ses dépendances, la troisième pour procurer la paix entre lui et les Anglais, et encore afin que le duc d'Orléans sortît de sa prison d'Angleterre, par
accord fait à l'amiable; point qui, sans l'intervention de la miséricorde
divine, serait très difficile à obtenir sans grande effusion de sang de part
et d'autre. Si les Anglais ne voulaient pas accorder cette délivrance, elle
finirait par passer en Angleterre et les y contraindrait malgré eux, en
les subjuguant à leur inestimable confusion et dommage.
Le Dauphin, entendant ces choses de la bouche d'une fillette, se moqua
d'elle. Il la crut folle, possédée du démon, et de toute effronterie. Celle-ci,
voyant qu'on n'ajoutait aucune foi à ses paroles, lui fit connaître des
choses qui, dit-on, n'étaient connues que de Dieu et du Dauphin. Ce qui
fut cause que celui-ci fit réunir beaucoup d'hommes de savoir ; et l'on
commença à disputer avec elle, à l'éprouver de bien des manières soit
sur son état physique, soit sur ses entretiens avec des gentilshommes de
sa suite. On constata qu'elle demeurait toujours ferme dans ses dires. En
dernier lieu elle fut durant un mois soumise à l'examen de maîtres en
théologie. A la fin, considérée sa vie, et plus encore ses paroles, ses
réponses aux questions posées par ces maîtres, il fut conclu que cette
créature ne pouvait être qu'une sainte et une servante de Dieu. Tous con-
seillèrent au Dauphin de se fier à elle de tout son cœur. On m'écrit bien
d'autres choses encore, sans parler de ce que l'on raconte. Avant de
croire à ses paroles, on a eu de nombreuses preuves de sa mission, entre
autres celles-ci : Elle voulait communier, le prêtre avait deux hosties,
l'une consacrée, l'autre non consacrée; il voulut lui donner cette dernière. Elle la prit à la main, et lui dit que cette hostie n'était pas le corps du Christ, son Rédempteur, mais que c'était l'autre que le prêtre avait mise sous le corporal.
Deux onces de pain suffisent à sa vie de chaque jour, elle ne boit que
de l'eau, et si elle prend un rien de vin, c'est avec trois quarts d'eau;
elle se confesse chaque dimanche ; elle est très dévote, très pieuse, très
simple, toute pleine du Saint-Esprit.
Voici en substance les recommandations qu'elle fait à tous: elle veut
que les capitaines et seigneurs de la cour se confessent comme elle ;
qu'ils se confessent de leurs fornications; elle exige la même chose des
demoiselles. Ceux et celles qui avaient le plus offensé Dieu ; ceux qui ont
été plus cruels ; ceux qui plus qu'hommes ne le furent jamais, avaient été
esclaves de tous les vices, elle les a réduits comme les autres à faire sa
volonté, à ne pas se perdre (je ne m'étends pas à le raconter), mais à
avoir recours à la miséricorde de Dieu pour le salut de leurs âmes.
Créée capitaine et investie du gouvernement de toute l'armée du
Dauphin, elle se hâta de promulguer que personne ne fût si hardi que de prendre quoi que ce soit des sujets du prince sans l'avoir payé, et
cela sous peine de la vie. Elle fît beaucoup d'autres commandements,
tous honnêtes; je ne m'attarde pas à les énumérer.
Elle voulut ensuite que le Dauphin se prêtât à entendre tous ses sujets
opprimés, qu'il montrât et promît libéralement et de bon cœur qu'il
pardonnait à tous ceux qui lui avaient été contraires, s'étaient déclarés
ses ennemis, ou avaient été rebelles. Dans tous les pays où il pénétrerait,
ce devait être pour y apporter bonne paix, sans en tirer la moindre
vengeance, soit sur les personnes, soit sur les biens. Il devait le proclamer de bouche, et le faire de cœur. Que si, en réalité, il faisait le contraire, le Dauphin et tout le peuple de France seraient irrémédiablement perdus. En faisant ce qui était prescrit, Dieu, par sa miséricorde, donnerait en peu de temps sa bonne grâce et le rendrait maître de tout
son pays.
Cette nouvelle de la Pucelle s'étant répandue dans les pays circonvoisins, un baron de Bretagne, des plus puissants, — il se nomme Monseigneur de Rais, — se mit en chemin, il vint rejoindre les autres capitaines, fut reçu parmi eux et observa leur vie, et par des lettres qui furent lues au duc son suzerain, il attira d'autres seigneurs à travailler
à la levée du siège qui était autour d'Orléans. La Pucelle, venue au camp
avec tous ses gens, commanda que chacun se munît d'armes pour
secourir Orléans ; c'était vers la mi-avril.
La demoiselle se fit faire des armes adaptées à sa personne ; elle chevauche, et elle va armée de toutes pièces comme un homme d'armes et bien mieux encore. Il paraît qu'elle a trouvé dans une église une épée très
antique, sur laquelle sont neuf croix, et elle ne porte plus d'autre arme.
Elle porte encore un étendard blanc sur lequel est représenté Notre-Seigneur avec la Trinité. D'une main Notre-Seigneur tient le monde, et
de l'autre il bénit ; de chaque côté est un ange. Ils présentent deux
fleurs de lis telles que les portent les princes de la maison royale de
France.
La demoiselle s'est mise en campagne avec environ deux mille
hommes à pied et à cheval. Elle avait préparé par avance une grande
quantité de vivres ; pour la guerre, des bombardes, des viretons, et semblables appareils de combat. Avant de se mettre en campagne, elle avait par ses hérauts signifié par trois fois aux Anglais qu'ils eussent à lever
le siège, sans quoi ils finiraient mal : Dans sa sommation elle nommait
tous leurs capitaines, entre autres Talbot, Ruxint (?), Fastolf, le comte
de Scales, le comte de Suffolk, Glasdal, le sire de Molins, qui tous étaient
au siège. Ils en firent des risées entre eux; et lui firent répondre qu'elle
était une ribaude et une magicienne.
Jeannette, en apprenant le mépris qu'avait provoqué son message,
ordonna que chacun s'armât et requît aide. Cela dit, on se compta
et il se trouva qu'ils n'étaient pas plus de deux mille pour combattre
plus de six mille Anglais. Elle les conforta si bien que, sans contestation, ils auraient pu tenir tête à dix mille. La Pucelle passa avec tous ceux qui la suivaient devant les Anglais qui, lorsque elle était présente,
n'auraient pas été en état d'arrêter mille combattants ; elle entra avec
le convoi de vivres et ravitailla Orléans, sans que les Anglais fissent un
mouvement: ils se contentèrent de crier des vilenies contre elle, l'appelant fille de mauvaise vie (pittana), une sorcière, jetant des pierres derrière elle avec leurs bombardes et leurs mangonneaux.
Ses gens restaurés avec ceux qui au nombre d'environ deux mille
cinq cents soldats étaient à la garde de la ville sous le commandement
du bâtard d'Orléans et d'autres capitaines, la demoiselle commanda que
chacun apprêtât ses armes, et s'avançât sans ombre de peur. Elle les
confortait en disant de ne pas craindre parce qu'ils étaient en moins
grand nombre que les Anglais, car Dieu était de leur côté.
En conclusion, ils sortirent, un mercredi, contre une bastille défendue
par six cents Anglais des plus braves et des mieux éprouvés. On combattit
tout ce jour-là sans leur faire éprouver grande perte, si bien que le soir
approchant les gens de la demoiselle manifestèrent l'intention de se
retirer. On vit alors la demoiselle lever vers le ciel ses yeux pleins de
larmes et faire une courte prière. Elle cria ensuite que tous fissent
attention à ses paroles, et elle dit que toute force avait été enlevée aux
ennemis. Et, poussant de grands cris, elle alla contre les Anglais, elle les
frappe et prend la bastille dans laquelle se trouvaient six cents Anglais
qui semblaient avoir les mains paralysées. Tous furent pris et tués. Dans
cette escarmouche périrent dix Français, les autres retournèrent se
reposer dans la ville.
Le jeudi, qui fut la fête de l'Ascension, elle sortit, dit-on, pour
observer d'un point élevé les Anglais dans leurs bastilles, lesquelles
étaient au nombre de neuf. Personne ne fut assez hardi pour s'approcher de sa personne, la peur les empêchait, mais on lui dit toute sorte
de vilenies; et elle leur répondait avec beaucoup de modestie, qu'ils
devaient lever le siège, sans quoi ils feraient tous mauvaise fin.
Le vendredi, sur l'heure de tierce, la demoiselle sortit de la ville,
son étendard en mains, et suivie de tous ses gens elle alla donner l'assaut à une autre bastille, la plus forte de toutes, à l'extrémité opposée
du pont jeté sur le fleuve. La bastille était défendue par l'Anglais Glacidas, à la tête de plus de cinq cents combattants. Vers les quatre heures, les Anglais, par crainte des Français, voulurent se retirer en deçà sur le pont ; ils ne le purent pas ; le pont se rompit ; Glacidas tomba dans la rivière avec plus de trois cents des siens et tous se noyèrent.
Notez que la Pucelle fut blessée à la gorge d'un vireton; ce jour-là même elle avait annoncé cette blessure aux capitaines, ajoutant que cela n'aurait pas de fâcheuse conséquence.
Les plus vaillants capitaines anglais se réunirent et se fortifièrent sur
une des bastilles les plus fortes appelée Londres. Ce jour-là même la
Pucelle avec ses troupes vint l'assaillir et remporta de vive force. Le
capitaine anglais Molins y fut tué. La demoiselle en conclut que le
reste du camp anglais avait abandonné les autres bastilles, et s'en allait
son chemin plus vite qu'au pas. Ainsi fut levé le siège d'Orléans, grâce
à ladite demoiselle et à la glorieuse intervention de Dieu.
Sachez que, pour fuir prestement, les Anglais ont laissé toutes leurs
bombardes, une masse d'armes offensives (tante clave), leur matériel de
guerre. C'est devenu la propriété des Français.
Nous savons par celui qui écrit de Bretagne qu'on s'était adressé au
duc de Bretagne, et que son fils devant aller avec cinq cents Bretons
combattre la demoiselle; ils sont retournés en Bretagne. Ainsi ce Monseigneur (le parti) d'Orléans devient fort.
Toutes les nouvelles données jusqu'à ce passage de ma lettre ont été
écrites de Bourgogne ; et sont arrivées par semblables voies ; ajoutez que
pour la plupart elles ont été racontées et ouïes de la bouche de beaucoup d'autres de diverses nations, venant, qui d'un lieu, qui d'un autre.
Tous s'accordent pour affirmer les grands miracles faits par la demoiselle, depuis qu'elle est avec le Dauphin. Pour moi, comme je l'ai déjà dit, considérant que la Puissance de Dieu est grande, je ne sais proprement pas ce que je dois en penser. Si quelqu'un veut croire le contraire, il peut le faire librement ; ni l'un ni l'autre ne se damnera pour
cela. Ce qui est bien entendu, c'est que les affaires du Dauphin vont
chaque jour en prospérant davantage, à un point que cela semble impossible à croire, quand on considère l'état auquel les Anglais l'avaient
réduit, état dans lequel on voyait bien qu'il n'en pouvait plus.
A Paris l'ambassade de maître de Sasidis a trouvé plusieurs prophéties
qui font mention de cette demoiselle ; une entre autres de Bède dans
Alexandrie (sic ?). On les interprète qui d'une manière, qui de l'autre.
En tout cas, voici les termes de ladite prophétie. Elle se tire des mots
qui suivent. (1)
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5 |
Vis Comulcoli bis septem se sociabunt |
(100 |
Galboniopuli bella nova parabunt |
( 2 |
Ecce beant bella, fert vexila puella. |
( 1 |
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5 |
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1 |
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1 |
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1 |
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1000 |
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101 |
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5 |
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2 |
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1429 |
Après la levée du siège d'Orléans, le comte de Suffolk se retira dans
une place forte où il réunit neuf cents hommes. La place se nomme
Jargeau. Vers le 5 mai (le 11 juin) ladite demoiselle vint l'assiéger avec
ses gens, remporta de vive force, et fit prisonniers tous les Anglais qui
avaient échappé à la mort. Ledit comte fut fait prisonnier avec un de
ses frères et de nombreux chevaliers. Un de ses autres frères fut tué.
Cette victoire fut remportée le 12 juin.
Les capitaines anglais, réunissant toutes les forces qu'ils pouvaient
rassembler tant avec les soldats anglais qu'avec les Français de leur
parti, voulurent en venir aux mains avec les gens de la demoiselle qui
étaient, dit-on, au nombre de quatre mille Français à cheval. Ceux-ci
n'avaient pas encore rejoint les Anglais que ces derniers tournèrent les
épaules sans essayer de se défendre, ce que l'on n'avait jamais vu. La
Pucelle, assure-t-on, s'est trouvée avec tous ses hommes; et des Anglais
il n'échappa guère que cinq cents hommes. Ont été pris le sire de
Talbot, le sire de Scales et beaucoup d'autres seigneurs. D'où vous pouvez conclure comment, en peu de temps, elle a fait en faveur du Dauphin les plus éclatants et plus nombreux miracles.
Le régent est autour de Paris, il a demandé secours à Bourgogne;
sachez que tout se perd; voilà pourquoi une nouvelle ambassade est
arrivée tant en son nom qu'au nom de la ville de Paris pour savoir quel
secours on voulait lui donner ; il demande que de toute l'Angleterre on
pourvoie à la conservation du royaume de par ici.
Il a été dit, et je le crois, que ces deux jours-ci, Monseigneur de Bourgogne se dirigeait vers Paris, avec une grande suite. On fait bien des conjectures. Les uns disent que c'est pour marcher contre le Dauphin, les autres que c'est pour faire un traité avec les Anglais. Je ne sais ce qu'il faut en penser. Nous le saurons mieux par la suite.
Je l'avais oublié, et je ne pensais pas vous dire autre chose; mais
puisqu'on l'écrit d'Angleterre, je vous communique que trois mille
hommes sont partis pour se rendre en France, et de plus ceux qui étaient
sous le commandement du Cardinal pour aller combattre les hussites,
en sorte qu'ils seraient en tout six mille hommes.
Monseigneur de Bourgogne est allé à Paris, les uns disent pour faire
conclure un accord, les autres pour combattre le Dauphin, son parent.
Avec le temps nous le saurons par d'autres voies,
D'Angleterre, de la bouche d'Anglais et d'autres qui en parlent, l'on
raconte comme quoi le duc d'Orléans, prisonnier depuis dix-neuf ans,
s'est échappé et a été vers le roi d'Écosse. Ce roi fait faire des levées pour
intervenir en France en faveur du Dauphin. Il a marié une de ses
sœurs au fils aîné du duc. On tient cette nouvelle pour fondée,
encore qu'il ne soit arrivé aucune lettre pour la confirmer. J'avais écrit
ceci, le courrier se retarde, j'ai des lettres de Londres du ler juillet, qui
n'en font pas mention; cela ne peut pas être vrai. Les Anglais ont fait
courir cette nouvelle pour faire croire honorablement en Angleterre le
seigneur plus puissant qu'il ne l'est, car on en a très grande estime.
On sait sûrement d'Angleterre que tous les hommes levés par le Cardinal contre les hussites passent aujourd'hui en France; il y en aura
d'autres encore : on dit que, sûrement, il en passera huit mille. Je vous
garantis qu'ils ont besoin de passer vite, et en grande puissance, puisque l'on pense que la demoiselle est en campagne avec plus de vingt-cinq mille hommes, parmi lesquels beaucoup d'archers. Elle est en chemin et a passé la rivière qui s'appelle la Charité (la Loire). Tenez pour
évident qu'ils pourront aller selon leur bon plaisir jusqu'aux portes de
Paris. Que Dieu pourvoie au bien des chrétiens.
Il y a trois jours que Bourgogne est près de Paris. Les uns s'attendent à voir une chose, et les autres une tout opposée, résulter de son voyage à Paris.
Toutes ces nouvelles nous sont arrivées de Bruges. Elles s'étendent
jusqu'au 9 juillet 1429. Jusqu'à présent, il n'y a pas eu confirmation de cette lettre.

VI (pages 988-1000, f08 503-505).
Nuove de Zaneta poncela vegnuda in el reame de Franza in l'ano de Mccccxxviiij.
Dela qual de avemo tante letere de Bertagna de iiij de zugno per letere per persone
degne de fede che s'a vezude ascholtar e afermar sy per questa via, como per molty
altry l'a vezude. E in sustancia ve dirò de queli che son cose miracolexime, se cusy
son, che quanto per my esendo quela dela vita vien dito, crezo la posanza de Dio eser
grande, e cetera.
La dita ponzela è de etade de ani xviij o circha, in el paixe de la Rena ale confine
de Franza, e iera begina, guardatrixe de piegore, nasuda de homo de vilazo, che in
el principio del mexe de marzo partandose quela dela soa greze, e fato pregar Dio e suò parenti e do zentilomeni chon lie, i dity sen contradicion li consenti, dizandoy che per inspiracion divina li moveva, e cetera...
Vegnuda la dita davanti la prexencia del nobel principo Carlo dolfino, fiol del re de
Franza ultimamente morto, nolifichandoy per parte de Jexu Nostro Redentore che a
luy piaxeva per tre caxion, le qual, como lie a quelo dexiva, cusi seguiria se ferma fede
dese quelo re, ponendo la vita se loro s'amendase e governase segundo lie, mediante
la gracia de Dio, per chomandamento de quelo l'iera mosa. Prima l'iera vegnuda per levar l'asiedio, che ingelexi tegniva a Horiens, segonda per incoronarlo liberamente de farlo re de tuta la Franza e sue apartinencie, terza de far la paxie tra lu con ingelexi, e anchora che'l ducha de Orliens esia de prexion d'Ingletera per amor, ma questa ultima parte conclude cosa, che se Ia mixiericordia de Dio non se mete, sera forte cosa a seguir senza grandisimo spargimento de sangue d'una parte e de l'altra, e ultimamente non contradiando ingelexi a render el miser di Oriens, per forza pasera in fina in Engletera e contrazeralo al so despeto, suzugando i diti ingelexi con infinita soa vergonza e dano.
Vezando el dolfino dir tute cose de bocha de una fanzoleta, de luy se ne fè befe,
credendo lie una paza e indemoniada, e tanto ardida, e de lie vezudo che ale suò
parole non n'iera da darli fede, si dise che lie notifichase le dite cose, che altry cha Dio
e luy non le savarave, per la qual caxon, lu fato asunar molty savij homeny, e
incomenza a raxionar chon ela, e a provarla per moity muody si in le mixierie del
corpo e in el so parlar a queli zentilomeni fermar d ogni cosa, e ultimamente per
gran maistry in tolegia per spacio d'uno mexe, e può ultimamente concluxe, veziando
la soa vita, e chostoro principalmente el parlar e responder ale proposte fatoli per
queli e dite, questa tal criatura non eser altro cha santa e serva de Dio, tuti tegniva consiono el delfino alie de tuto el so chuor li volese creder, e molte altre cose per mie vien scrito, e anchora de qui se conta, che avanti che ly se credese a quela, i ave molte pruove, tra le qual, voiandose la dita comunigar, el prete aveva una ostia sagrada, e l'altra no, e quela che non n'iera sagrada li volse dar, e quela la prexe per la man, e diseli, quela non n'eser el Corpo de Cristo so Redentor, anzi iera quelo che'l prevede aveva meso soto el corporal.
La vita de chostie non n'è altro cha do onze de pan al ziorno, e beve aqua e, se pur
beve vino, mete tre quarti d'aqua, e ogni domenega se confesa, devotisima, pientisima,
e sinplicisima, tuta plena de spirito Santo. Volzè.
Quela a chomendacion adalguno in sustancia si e, che la dita vuol lie con i suo
capetanij e signory dela corte sy sia confesady, e sy se confesa a fornicacion, e con
tute le donzele, tra le qual, queli e quele che va contra Dio, i so corpi stady plu
crudeli e plu chativy homeny che fose may in ogno vicio per lie averli reduti insembre
con i altry ala soa volunta che i non perichola, ch'io non me estendo de recontarli, e
vegnir aia mixiricordia de Dio, de soa salvacione.
Subito fato lie capetania e governatrixe de tuta l'oste del dolfino, la dita comanda
che nisuno non fose sy ardido che prendese per forza dai suo suditi alguna cosa, se
non fose pagada, e altra mente caza a pena dela vita, e molty altry comandamenty,
tuti honesti, non me estendo de rechontarli e cetera.
Apreso volse che nel comunegarse fazeva el dolfino con tuti i suo suditi lagremando,
e a provarse e a prometerse liberamente e de buom cuor a perdonar a hognomo che
ly fose stado contra, e so innemigo e rebelo, e rebeli, e che tute le tere d'onde i diti
intrase, fose con bona paxe, senza fare vendeta adalguno, nè ale persone, nè a l'aver,
denotandoli cose con bocha, e dixese, e con el chuor i fese e con le huovre i fese el
contrario, tuto el dano seria so, e che de certo in pochisimo tenpo el dolfino con tuta
la soa giente de Franza, senza piu eserde remiedio de romagnir, d'onde, fazando questo,
in brieve de tenpo Dio i daria bona gracia per la so mixiricordia, e farial signor de
tuto el so paixe.
Spante le novele de costie per i paixi circhonstanti de Bertagna, se mese uno baron
di mazior del paixe, che se clama monsignor de Rais, e quelo andadola a trovar, el
zenero de i allry capetanij, rezevudo, oservando la vita loro, e per letere fo Iete, el
ducha so prior cavò di i altry a proveder de levar 1'asiedio iera a Oriens tutavolta, e
stando lie a canpo con tutala giente a comandar che a ziaschun se facese prestararme
per sechorer la citade d'Oriens, e questo circha lo mexe di avril.
La dita damixela se fexe far arme a soa persona, e chavalcha, e va armada de tute
peze, como uno soldado eplu meraveioxamente, e par l'abia trovado una spada antigisima,
che iera in una gliexia, sovra la qual fi dito aver viiij croxie, nè altra armadura
porta quela.
Porta anchora la dita uno stendardo blancho, suxo el qual è Christo Nostro Signor
meso in maniera de Trenidade, e da una man tegnir l el mondo e da l'altra benedysie
e per ziaschaschuno lady è uno anzelo, che prexenta do flori de zii, tal chomo queli
porta hi reali de Franza.
Mesose la dita in ponto chon circha iJM. homeny da pie e da cavalo, e apareclada
molta vituaria a refreschar de vera, bonbarde, e veretoni, e per simel altre cose, per
avanti la se movese; per suo araldy i manda a dirli a ingelexi per tre volte i se dovese
levar da canpo, altramente capiterave 2 mal, e quela mentoando per nome tuty i
suò capetanij, fra i qual nomeneva el sire de Tabort, Ruxint e Astolfo, el conte de
Schales, el Conte de Sufuc. Clais dal Sue de Molin, che tuti iera al dito asiedio, i quali da
lie de loro se ne fexe befe, e mandali a dirli che l'iera una ribalda e incantatrixe.
Udita Zaneta lo desprexio fatoli da queli, comanda che ogni omo se fazese inprestar
arme e recherir aiuto, e dito questo se contase per conto i non fose plu de iJM. persone,
dove ingelexi fose plu de vjM. e quela confortay per muodo che iera tutij soficienty per XM senza algun ripolso, e la dita ponzela chon tuta la so conpagnia pasa davanti
ingelexi per quelij che niente serave stady suficienti per quela a contrastar a mile, e
entrase con le vituarie e refreschamento dentro da Oriens, che may ingelexi non ave
argumento a muoverse ; bem cridava contra la dita a dirli vilania, e che l'iera una putana
e incantatrixe, e de gitarli driedo molte piere de bonharde hover da mangano.
Refreschadi chi fo hogni omo insembre con queli iera ala varda dela tera, che iera
el bastardo de Aliens e altry capetanij, circha persone ijM.vc. in suma, ladita comanda
che ziaschaduno se fese imprestar arme, e andando quela senza alguna paura, confortando,
che alguno non dubitase perchè i fose men zente d'ingelexi, e che Dio iera dala
parte soa, e in concluxione insidi de fuora el merchore dy avanti, la caxione quela anda
davanti una dele bastie d'ingelexi, dove iera vjc. conbatanti fortisimi e inestimabely,
e tuto quel ziorno la conbatè, e feli puocho dano, che circha una ora avanti sera, esendo
la giente soa là voiando quaxi tornar, la dita fè vista vardar al Cielo lagremando, e
può de brieve tuta rechomandarse crida, che ziaschun fose artento ad ascholtarla e,
dise, che ai suò innemixi l'iera sta levado le forze con parole cridante e che a loro
ingelexi queli i feri e perse la dita bastia, su la qual iera ingelexi vjc, con le man suò,
che i pareva eser prexi e morti, ala qual scharamusia de morise x franceschi, e retornadi
dentro se reposava i tuti.
E la zuoba dy, che fo l'Asension, dixese, insese de fuora, e in quelo ziorno fo la a sovra a veder lor dele dite bastie, che iera viiij, che nisuno non fo sy ardido de aprosemarse a lie per paura, ma ben li dixeva vilania,
e lie umelmente li respondeva chi se devese levarse, e altramente ly faria tuti la
mala fin.
El venere dy, suxo la terza, insy la dita fuora con el stendardo so in man e, seguitada
da tuti, vene a darli l'arsalto a una altra bastia, che iera la plu forte, e tuti avixa
che'l ponte, che pasa la riviera, su la qual iera Clavis de l'engelexe con plu de VC, e in
proceso de iiij. ore, desfidandose ingelexi con i franzeschi, posandose retirar l'ingelexi
de là dal ponte, non se posando plu retrar, el ponte se ronpe e cadese in la riviera
Clais capetanio chon plus de ccc, e tuti s'anega.
Note, che la dita fo ferida de uno vereton in la gola, edixese quel ziorno la dise ai
capetanij suò la seria ferida, ma che la non averave mal de pericholo; a so bontade
di capetanij ingelexi se schontrono insenbre, e si se fè forti suxo una bastia dele plu
forte, che se clama Londos, ala qual quel ziorno insy de fuora la dita donzela con la
soa conpagnia, e in concluxion la l'ave per forza, e fonde morto el sire de Moliens so
capetanio d'ingelexi, de che la damixela magina lo resto del canpo diingelexi abandonase
tute le altre bastie, e andesene via plu cha de paso, e chusi fo levado l'asiedio da
Horlens per la damixela dita, mediante Dio glorioxo.
Avixandove, che tute le bonbarde e tante clave e altry apareclamenti in zenere
aveva ingelexi, lasono per schanpar, e tute fose prexeper i franzeschi, e avemo coluy
che scrive de Bertagna dixe che i sia andady al ducha de Bertagna, hover el fiol deveva
andarde a scontrar la damixela con vc. bertoni, che iera retornadi in Bertagna, quel
monsignor di Oriens se feria forte.
Le infrascrite nuove infina qua son quele scrite de Borgogna, e anchora plu per
altre vie simele, e anchora plu novelade e oldide de bocha de molti, da molte nacion,
che viene chi da uno luogo e chi da l'altro, tute se concore costie far miracoli da puoy
con el dolfino; io, per mie, como ho dito, la posanza de Dio eser granda, non so
quelo me diga de qua a creder, e chi el contrario credi, ziaschaduno eser in so libertade,
che l'uno ne l'altro non de dana, ma tanto è, che'l dofino ala ziornada va prosperando
granmente, per muodo che le quaxio posibel acrederle a respeto de quelo ingelexi
l'aveva reduto, como se vede ch'el non podeva pluy.
A Paris, per l'anbasada del maistro de Sasidis è stado trovado de molte profecie, che se fa mencion de questa damixela, fra le qual è una de Beda in Alexandria che queli
l'aquistase e intendese a uno muodo, e uno a l'altro; la dita dixe e trazele per queste :
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Vis Comulcoli bis septem se sociabunt |
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Galboniopuli bella nova parabunt |
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Ecce béant bella, fert vexila puella. |
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Da può levado l'asiedio da Oriens, se retrase in uno castelo el conte de Sabort, e
zionse in tera homeny viiijc, in el qual castelo, che se clama Zerzco, e circa a xv. de
mazo la dita damixela con la giente in siando a meter l'asiedio, in choncluxion l'ave
per forza con tuti prexi e morti, e romaxe prexo lo dito conte con uno so fameio e
altry asay cavaliery, e morto uno altro so fameio, a questa vituoria e a xij. de zugno,
lo so capetanio d'ingelexi con tuta la so posanza sy d'ingelexi e franceschi fo per eser
ale man, e dixese i franceschi iera circha iiijM. a cavalo; avanti s'acomenzase a scontrare
con ingelexi, e de prexente voltasey le spale senza far defexa, de che non fo may oldido dir, e dixese da può se ne trova la dita damixela con tuta la so conpagnia, e in
concluxion non è schanpa dala parte diingelexi viijc. persone, e prexo el sire de Tabot,
el sire de Schales e molty altry signori, si che prendene in puocho tenpo, la fexe espresisimy miracoli e infinity del dolfino.
El regiente e intorno Paris e a mandado a Borgogna lo secora, e abie tuto se perde,
per la qual caxion de vegnudo novela una granda anbasada per parte soa, como per
parte de quela comunita, che secorso queli i voia dar, e cusi ne e in tuta Ingletera
che proveda de quel riame.
Fo dito, e chusy credo, monsignor de Borgogna mandera in questy do dy verso
Paris con gran giente. E molte cose se raxiona, chi dixe per eser a l'incontro con el
dolfin, e chi diga per tratar acordo tra lu e ingelexi; non so quelo me debia creder
dela predita ziornada, al seguirlo saveremo meio.
Io m'aveva desmentegà, e altro non n'ò a dirve, ma como se scrive de Ingletera per
persone, homeny iijM. per andar in Franza, per plu de queli iera soldady del gardenal
per andar incontra i Usi, che fi dito sera homeny circha vjM. in suma.
Monsignor de Borgogna è andado a Paris, e là dixese per far acordo, e chi dixe per
eser contra el dolfin, so parente; del seguir per tenpo se savera per altre vie.
De lngletera a bocha per ingelexi, e altry se dixe, el ducha de Orleans, che xe stado
in prixion zia any xviiij, eser schanpado e andado al re de Scocia, el qual re faxeva
questa giente per retardar in Franza in favor del dolfino, con una soa sorela l'à maridada
in el primogenito del ducha, e tiense questa novela ferma, ben che non de sia altre raxon, nè ancora letera alguna.
Scrito fina qua, el fante a induxiado e eve letere da Londra da primo de zugno, che
non fa mencion de questo, si che non può eser, ma conprendese ingelexi abia fato levar questa nuova per aver caxon con plu onesta in n'Engletera se creza el dito signor
plu de quelo li ae, di qual i dity feva grandisima stima.
De fermo se sente de Ingletera che tuta quela giente avera presto el gardenal per
andar contra i Usy, e statin anchuoy è pasa in Franza, e anchor di i altry dixe che de
fermo paserà viijM. ingelexi, che bem ve inprometo ano bexogno de pasar presto, e con
posanza granda, per caxon se sente la donzela eser sy a canpo con plu de XXXVM., per
conto, e ano asè di archi, per vie e pasy che su per la riviera, che son clamada la
Careta, che abie claro che queli pora andar al so piaxer fina ale porte de Paris. Cristo proveza al bem di Cristiani.
Bergogna è tre ziorni eser preso a Paris; chi sera spiera de veder, e chi del contrario
chi serà del seguir de questo; e questo avemo da Broza fina a viiij. del mexe de luio
MCCCCXXVIIIJ.

Copie des nouvelles de France, touchant la damoiselle, envoyées de la part du marquis de Montferrat (1) à la seigneurie de Venise.
Très illustre prince, c'est chose vraie que le 21 juin, ladite damoiselle partit, avec tous ses gens d'armes, de la rivière de Loire pour aller à Reims pour couronner le roi de France. Ledit roi partit le 22, pour ce que ladite damoiselle le précède continuellement d'une journée de marche ou environ. Et si advint-il que le samedi 2 juillet, furent faites moût notables choses, après lesquelles elle alla devant la ville d'Auxerre, et aussitôt les bourgeois lui mandèrent douze ambassadeurs des plus notables hommes de la ville et de ceux qui paraissaient amis du roi, montrant leur intention de traiter et de faire obédience au roi une fois arrivé devant la ville ; et durant cette négociation, les bourgeois envoyèrent chercher mout capitaines de gens d'armes, lesquels, Bourguignons et Savoyards, se nommaient, le premier, le Viau de Bar, [puis] le seigneur de Varambon et messire Humbert Mareschal, Savoyard ; ils amenèrent avec eux environ 800 hommes d'armes, que tous les bourgeois firent cacher par leurs maisons, vingt d'un côté, trente ici et quarante dans d'autres, etc...
Ladite damoiselle envoya douze hommes de ceux du roi pour aller voir dans la ville ce qui se faisait, et fit revenir douze de ceux de la ville. Et quand les douze hommes du roi furent arrivés dans la ville et eurent vu si grande multitude de gens armés, tous s'en émerveillèrent fort, et lorsqu'ils voulurent s'en retourner pour dire ce qu'ils avaient vu et entendu dans la ville, les bourgeois, voyant leur trahison découverte, se saisirent de ces douze hommes du roi et si leur coupèrent la tête, puis mirent leurs têtes sur les portes de la ville. Et aussitôt que la damoiselle sut ces choses, elle fit prendre les douze hommes de la ville et si leur fit couper la tête et [mettre] devant les portes de la ville ; et cela fait, elle fit crier que chacun dût aller assaillir la ville, et ce commandement fait, tous allèrent à l'assaut.
L'évêque de la ville fut pris au premier assaut en combattant, lequel était venu avec ses prêtres vêtu de robe et parements de religion, avec des reliques et de l'eau bénite. Ladite damoiselle le fit prendre avec tous les prêtres et leur fit couper à tous la tête ; et cela fait, à partir de l'âge de sept ans, hommes et femmes, tous sans exception furent taillés en pièces, et elle fit gâter toute la ville.
Vérité est qu'environ 2000 Anglais allaient escortant le camp du roi, pour voir s'ils y pouvaient trouver quelque désaccord et lui faire quelque grand dommage ; alors, ladite damoiselle fit demander un capitaine du roi, qui est appelé La Hire, et elle lui dit : « Tu as fait en ton temps de très nobles choses, mais au jour d'aujourd'hui Dieu t'en a préparé à faire une plus notable [que celles] que jamais tu fis. Prends tes gens d'armes, et va à tel bois, à deux lieues d'ici ; tu y trouveras 2000 Anglais, tous la lance en main ; tu les prendras tous et tu les tueras. » Lequel alla les trouver, et les dits Anglais furent tous pris et tués, ainsi comme lui avait dit la damoiselle.
Dans la ville d'Auxerre est mort ledit Viau de Bar, et ensuite le seigneur de Varambon, et messire Humbert Mareschal, avec beaucoup de ceux de Savoie, environ 600. Cela fait, la gent du roi de France s'en est allée à une ville appelée Troyes, qui a fait obédience, et semblablement a fait le pays de Joigny. Et il est vrai que le duc de Bar, frère du roi Louis et beau-frère du roi de France, venant au secours du roi avec environ 800 chevaux, les Bourguignons l'apprirent et allèrent à sa rencontre, par commandement du duc de Bourgogne, avec environ 1200 chevaux; et ayant combattu ensemble, les Bourguignons ont été pour la majeure partie tués et pris.
Le duc de Bourgogne et le duc de Bedford avec toutes leurs forces se sont rendus à une ville appelée Beauvais, et là se sont mis en point pour combattre ledit roi avec la damoiselle. Mais, nonobstant la très grande multitude d'hommes réunis par lesdits ducs, [le roi ni] ladite damoiselle ne tiennent aucun compte des choses dessus dites. Il paraît bien que c'est là grande nouvelle et que d'autres pays du roi ont fait des processions avec de grands feux et fêtes.
L'évêque de Clermont, qui avait la couronne de saint Louis, l'a rendue au roi à très grand peine, en cette manière. La damoiselle lui envoya un messager avec des lettres, le priant qu'il voulût rendre la couronne ; il répondit qu'elle avait mal rêvé. Mais ladite damoiselle lui manda à dire une autre fois. Il lui répondit de même. Alors elle écrivit aux bourgeois de Clermont que si la couronne n'était pas rendue, Dieu les pourvoirait. Rien ne fut fait, et aussitôt il tomba telle quantité de grêle que ce fut grand merveille. Et la damoiselle pour la troisième fois écrivit auxdits bourgeois, et si leur écrivit la forme et façon de la couronne que l'évêque tenait cachée, disant que si elle n'était pas rendue, il leur adviendrait bien pis qu'il ne leur était advenu. L'évêque, entendant nommer la forme et façon de la couronne, que l'on ne croyait pas qui fût connue, pleurant fortement et se repentant de ce qu'il avait, ordonna que ladite couronne fût envoyée au roi et à la damoiselle.
VII (pages 1000-1004, fos 505-506).
Copia dele novele de Franza dela donzela, mandade dal marchexe de Monfera ala signoria de Veniexia.
Inlustrisimo principo. Elo è chosa vera chel ziorno dy xxj de zugno la dita donzela
se party con tuta la zente d'arme de su la riviera de Loiraper andar a Rains per incoronar
el re de Franza, e lo dito re se parti ai dy xxij, in perd che la dita damixela la va davanti chontinuamente per spaci a d'una ziornada, o circha, e si adevene che'l sabado dy do luio eser sta fato molte notabel cose, da può dele qual ela si andè davanti la citade de Austro, e in quela hora i citadini sy i manda xij anbasadori di plu notabel homeni dela citade, e de queli li qual apareva amixi del re, mostrando de praticar e de far obediencia al re, ch'el vegnise davanti la citade, e durando questa praticha li citadini si mandase permolti capetanij de ziente d'arme, li qual como borgognoni e savonengi nominadi: loprimo fo lo vechio de Baro, lo signor de Vurando e miser Onberto, mareschalcho savonengo, i qual sy conduse chon lor circha homeni d'arme viijc, li qual tuti li citadini fexe aschonder per le caxe suò, in una parte xx e xxx, e in altre XL, e cetera.
La dita donzela sy manda xij. homeny de queli del re, andadi in la citade per veder quelo che se feva, e sy fe retornar xij. de queli dela citade, e quando ly xij. del re fo andadi in la cita, e holdido e vezudo si gran moltitudine de giente armada, e tuti quanti eser cusi meraveioxi, voiando retornar a dir quelo che i aveva vezudo e aldido in la cità, li citadiui, vezudo el tradimento deschoverto, si prexe questi xij. del re e si li taia la testa, e da può le mese su le porte dela citade, e de subito, sapudo la donzela queste cose, fexe prender li xij. dela cità e si li fe taiar le teste, e davanti le porte dela citade, e, dapuò fato questo, fe cridar che ziaschaduno devese andar ad arsair lacitade, e, fato el chomandamento, tuti andò a l'arsalto.
Lo veschovo dela citade al primo arsalto, chonbatando la citade, fo prexo, el qual con i prevedy iera vegnudo vestido con robe e paramenty de regilione, e con reliquie, e aqua benedeta; la dita donzela el fexe piar con tuti i prevedy e fexei taiar a tuti le teste e, questo fato, da vij. ani, sy a homeni come femene, e tuti quanti sono taiadi a peze, e fexe guastar tuta la citade.
Veritade è, che circha ijM. ingelexi sy andava scorrizando el canpo del re, per veder s'i podeva trovar al dito canpo descordanza e de farli alcun grando dano; la dita donzela sy fo domandar uno capetanio del r e , lo qual vien clamado Laira, e a quelo ly dise: tu a fato per lo to tenpo de cose nobelisime, ma al di d'anchuo Dio t'à apareclado de far una plu nota bele che may festi; prendi la toa giente d'arme e va al tal boscho lonzi de qua do lige, e là tu trovera ijM. ingelexi, tuti con le lanze in man, e tuti i pierà e amazeray; lo qual andando a trovarli i diti ingelexi queli prexi e morti, si como ly aveva dito la damixela.
Dentro dala citade de Hosera eser morto lo dito vechio de Baro e apreso el signor de Varandom e miser Onberto mareschalcho con molti de Savona, circha vjc. Fato questo, la giente del re de Franza si son andadi a una citade apelada Trois, e l'à fato hobediencia, e simel muodo à fato la contrada di i Ongij, ed è vero che'l ducha de Bary, fradelo del re Alois e chugnado del re de Franza, Jo qual si vegnirà per aidar al re con circha viijc. cavay, li borgognony, abiando sentido questo, sy li andè a trovar per chomandamento del ducha de Borgogna chon circha cavay MCC e, conbatudi insenbre, i borgognexi si son stady per la mazior parte morti e prexi.
El ducha de Borgogna e'l ducha de Bertufort con tuto lo so sforzo si son reduti auna vila clamada Blave, e la si se mete in ponto per conbater lo dito re e con la damixela, ma de questo, non hostante la grandisima moltitudene d'omeni chon li diti ducha a uno, la dita donzela non de fano algun conto de queste cose sovra dite, parli ben a quela i è gran nuova, e altro paixe del re aver fato precesion, con grandi fuogi e festa.
Lo veschovo de Chiaramonte, lo qual sy aveva la corona de Sancto Alvixe, si la redurà al re per questo muodo con grandisima pena, che la damixela sy i manda uno fante chon suo letere pregandolo chel volese render la corona, lo qual sy respoxe che la s'aveva mal insoniado, ma la dita donzela sy i manda a dir una altrafiada, respoxoi quelo medieximo, e si scrise a i citadini de Gieramonte, che se la corona non fose renduda, che Dio li provederave; questo non fo fato, e subitamente cazete tanta quantita de tenpesta, che fo gran miracolo, e la donzela la terza volta scrise ai prediti, e si li scrise la forma ela fazone dela corona,la qual el veschovo tegniva ochulta, che se la non fose renduda molto pezio li vigneria che vegnudo non n'iera; el veschovo, oldando nomenar la forma e la fazone dela corona, la qual non se credeva che se savese, forte pianzando e pentandose de quelo che l'aveva fato, la dita corona alo dito re e ala damixela mandada i fose.

Copie [d'une lettre] touchant les nouvelles ci-dessus.
Il se dit ensuite qu'il a reçu des lettres du roi lui-même, lettres qu'il a chez lui et qu'il montre, et qu'elles contiennent toutes ces victoires et faits qui sont contenus en cette copie de nouvelles, et beaucoup plus de choses au sujet d'autres lieux acquis avec grand tuerie d'Anglais. Ces lettres se terminent en disant qu'il se met en ordre avec la damoiselle pour aller trouver le duc de Bourgogne et en venir aux mains avec lui, avec espérance de bonne victoire. Et en finissant il dit que puis naguères un abbé, très digne personne, passant de son pays outre, a affirmé cette dernière et notable nouvelle de la défaite du duc de Bourgogne et de telle tuerie d'Anglais, Bourguignons et Savoyards ; mais il ne fait pas mention que le duc soit prisonnier. Il affirme que toutes ces choses sont vraies, vu les lettres authentiques du roi et de cette personne.
VIII (page 1004, f° 506).
Copia de la nuova ut supra.
Dixese apreso, che l'à rezevudo letere dal re propio, le qual luy aveva apreso de sy e a prexentarle, e in quele se contien tute quele vituorie e fati, che se contien in quela copia, e molto plu cose de altry luogi aquistadi con molta ocixion d'ingelexi, choncludando in quela letera, che i se mete in ordene con la damixela de andar a trovar el ducha de Borgogna e dieser con quelo ale man, sperando de bona vituoria, e in concluxion dixe che da può nuovamente per uno abado asay degna persona, pasando da caxa soa ultra, holtra a bocha le som afermado quela ultima notabel nuova, quela rota del ducha de Borgogna e de tanta hocixion de persone ingelexe, bergognoni e queli de Savoia, ma non fa mencion che'l ducha sia prexo; tute queste cose l'aferma eser vere, respeto le otintiche letere del re e dela persona.

Article de la lettre de Gênes du premier août 1429.
Les faits de France, à ce que j'entends, vont de telle façon que j'ai beaucoup de plaisir à l'entendre (1) ; que la Pucelle fasse bien de nouveau très grande victoire ! J'ai appris par la renommée que le dauphin est à Paris, que le régent est mort à la bataille, et que le duc de Bourgogne est prisonnier. Il paraît que ces choses se savent à Milan par un capitaine à la solde du dauphin, qui a nom Giorgio de Valperga, et qu'il l'a écrit. Et j'entends dire aussi que le duc de Savoie a écrit les mêmes choses au seigneur duc de Milan.
IX (page 1004, f° 506).
Ponto dela letera da Zenoa de primo avosto 1429.
I fati de Franza bene aldo in vano che piaxer non ase ad aldir, che la poncela faza bem, de nuovo grandisima vituoria, ò abudo de fama in Paris che'l dolfin sia, e che'l rezente sia morto ala bataia e del ducha de Borgogna sia prexo ; a parà che queste cose se sapian in Milan per uno capetanio soldado del dolfino, che a nome Ziorzi de Valeperga, che questo a scrito; e aldo eciam del ducha de Savoia, che cusy è sta scrito al signor ducha de Milan.
Questy ij capitoly non è staben otentichadi de niente.

Au cours de 1429.
Par lettre ser Pancrazio Giustiniani écrit de Bruges à messer Marco, son père, le 16 juillet :
De nouveau, il y a ce que je vous ai écrit d'ici, et d'abord, que le cardinal d'Angleterre, qui était avec ces 4000 Anglais qui devaient aller contre les Hussites, est parti hier de Calais pour aller à Paris, et on dit qu'il devait « passer » de bref en tout autant d'Anglais; et on n'a rien su de plus sur cette affaire.
Après le départ de monseigneur de Bourgogne, quelques-uns disent qu'il est arrivé à Paris, d'autres disent que non, qu'il n'a pas voulu y aller et qu'il se trouve à Senlis avec ses gens et cherche à entrer en négociations avec le dauphin et avec ses propres beaux-frères qui sont Charles de Bourbon et le comte de Richemont, et à se mettre d'accord avec eux; mais on écrit que l'on n'en croit rien.
On écrit encore que le dauphin, avec la Pucelle et tous ses gens, qui sont au nombre de plus de 25.000, a passé par Troyes en Champagne et beaucoup d'autres lieux, parce qu'il a l'intention de se trouver pour aller à Reims et que pour le présent il ne se soucie de prendre des terres ; qu'aussitôt arrivé à Reims, il sera couronné et sera obéi par tous ses fidèles. Il en est qui disent le contraire; mais chacun n'en parle qu'à sa volonté. Tant y a-t-il, cependant, que l'opinion commune est que le dauphin sera couronné, et l'on tient pour certain que, s'il en arrive ainsi ou qu'il en soit déjà arrivé ainsi, dès qu'il sera parti de là, son droit chemin sera en son pays ; et il paraît aussi que beaucoup ont dit que, si Dieu n'y met pas la main, il en doit être ainsi; mais qu'un parti rencontrant l'autre, il y aura assez de forces pour une bataille, et l'on dit qu'à cette bataille veut être le duc de Bourgogne en personne, qui a fait grands commandements par toutes ses terres. Que Dieu veuille y pourvoir! Mais faites votre compte qu'en tout ce qu'il fait, le dauphin ne fait rien que par le conseil de la damoiselle, laquelle lui dit qu'elle chassera du tout les Anglais de France.
X (pages 1008-1013, f° 507)
Per letera scrive ser Pangrati Zustignan da Broza a miser Marcho so pare de dy xvj. de Iuio :
de nuovo quelo che de qui ve scrisy eser prima, che el gardenal di Ingletera, che iera con queli iiijM. ingelexi, che deveva andar contra i Usi, partise ieri da Cales per eser a Paris, e dixese deveva pasar de brieve ala suma de altry tanti ingelexi, ne altro in quela se ave a dir.
Monsignor de Borgogna da può el se parti alguni dixe che l'è zionto a Paris, e per alguni de no, e ch'el non dà voiudo andar, e ch'el dito se truova a Sanlis, una giente, e circha largo a tratar parlamento chon suò cugnadi e con el dolfino, che è Carlo de Barbon e'l conte de Uziamonte, e meterse d'acordo, ma de questo se scrive niente de crede.
Scrivese anchora el dolfino chon la poncela e con tuta la soa giente, in suma sono pluy de XXVM, eser pasadi da Tros de Canpagna e da molti altry luogi, per chaxiom à anemo de trovarse per andar a Rens, e che de tuor tere per lo prexente non sende cura, che subito a Rens zionto là el sera incoronado, e sera hobidiente dai suo fedeli, e chi dixe el contrario, ma ziaschuno parla se non per la soa voluntade, ma tanto è, che opinion è che questo doilino incoronado sia, e tiense se cusi seguirà, over ch'el sia seguido, e partidi hi sera de la el so dreto camin sera in so paixe, e par ancora, a dito molti, che se Dio non de meta la man soa, cusy debia eser, ma a una ziornada, per caxon sera forzo una parte con 1'altra, schontrandose, e vien dito che a questa ziornada de vuol eser Borg. in persona, el qual a fato gran comandamento per tuti suo luogi; Dio che può proveza, ma fe vostro conto, chomo fa el dolfino, niente fa se non per lo conseio dela donzela, la qual i dixe al tuto la cacerà ingelexi de Franza.

Au cours de 1429,
par lettre ensuite reçue de ser Pancrazio Giustiniani, du 27 juillet.
De Bruges.
Ci-dessous je vais dire ce que j'ai entendu des nouvelles de France au 27 juillet. De certain l'on sait par plusieurs voies comment, vers le 12 de ce mois, le dauphin eut Troyes en Champagne, et qu'avant qu'il ne l'eût, ceux de la ville voulurent un délai de trois jours, puis très bénignement se rendirent à lui comme à leur vrai seigneur, et que celui-ci pacifiquement pardonna à tous et les accueillit avec bonté, et aussitôt, par commandement de la Pucelle, que l'on dit être chef et voie et gouverneur de tous ; et l'on conte qu'elle suit le dauphin et qu'il y a avec elle 25.000 personnes de ce côté , sans ceux qui sont aux confins de Normandie, et que commande le duc d'Alençon, comme nous allons le dire.
Partis de Troyes, ils sont venus à Reims, où se rendent pour se faire sacrer tous les rois de France. Le dauphin y arriva le samedi 16 de ce mois, et sans aucune difficulté lui furent ouvertes les portes ; et le dimanche 17, il fut sacré avec toutes ses appartenances, et le sacre dura de l'heure de tierce jusqu'à vêpres ; et cela se sait sûrement par nombreuses voies encore.
Auparavant aussi, beaucoup de terres de Champagne, comme Châlons, Laon, et tant et tant d'autres lieux sont tous venus en son obéissance, et cela, non parce qu'ils étaient tous de son parti ; car toujours ces terres avaient été avec le duc de Bourgogne ; de vrai elles n'ont jamais voulu consentir le serment aux Anglais et se sont gouvernées par elles-mêmes avec le parti de Bourgogne.
Tournai, qui est une terre éloignée de là d'une journée, c'est-à-dire d'une distance d'environ 40 milles, et qui a toujours été très fidèle à son seigneur le dauphin, a fait sur son territoire fêtes et processions et feux de joie pour les victoires du roi nouvellement sacré; c'est l'opinion de beaucoup que les habitants l'aideront de leurs deniers, et il en est qui disent qu'ils équiperont 4000 hommes pour les envoyer en sa faveur.
Le duc de Bourgogne est revenu de Paris ; il est arrivé à Arras le 10 de ce mois ; et il a emmené avec lui sa sœur la duchesse, femme du duc de Bedford que l'on appelle le régent de France. Ledit régent était parti de Paris pour aller à Pontoise, qui est la clef de la Normandie ; là il attend le cardinal avec tous les Anglais qui étaient partis, et l'on dit qu'ils sont au nombre de 6.000, dont 3.000 sont payés des deniers de l'Église pour aller contre les Hussites. Dieu, qui est juste juge, etc...
Ce seigneur duc par la Picardie et autres siennes terres a fait grand mandement de faire gens d'armes et tout selon son vouloir. On dit que de bref il sera prêt [à] aller avec les Anglais [contre] Jeannette. Qu'au dauphin le Christ pourvoie comme est de raison !
Paris reste gardé, avec grand peur du peuple, par 32 seigneurs, 16 du parti de Bourgogne et 16 du parti d'Angleterre. On dit qu'il y a en tout sous leurs ordres environ 3.000 hommes et qu'ils ont ordonné au peuple que nul ne puisse sortir sinon pour [aller à] Diabo (?) ni ne se lève contre eux; mais de ce lieu arrivent chaque jour ici et Parisiens et .....pour être certains
de se trouver en dehors des fièvres qui s'y pourraient produire, etc. Que le Christ pourvoie!
Des personnes dignes de foi affirment (et je crois, par ce que l'on a pu entendre, qu'il en est ainsi) que le roi de France a mandé à ce seigneur duc de Bourgogne qu'il se hâte tant qu'il se veuille et doive trouver le jour de la Madeleine à Saint-Denis, qui est une ville éloignée de Paris d'environ deux milles. C'est en ce lieu que tous les rois de France prennent la couronne, et il faut que les douze pairs soient tous là ; comme le duc de Bourgogne en représente deux, à savoir pour la comté de Flandre et la duché de Bourgogne, ledit a envoyé aux Anglais le cinquième (?) pour sa personne. Il ne faut pas dire qu'il s'y rendra ; mais in secretis multi multa loquuntur : je ne sais ce que j'en dois croire.
On sait que le duc d'Alençon avec 12.000 hommes fait sur les confins de Normandie bonne guerre aux Anglais, et l'on dit qu'il a déjà pris trois ou quatre terres (ce serait, selon moi, grande prouesse) auxdits Anglais; et peut-être est-il fort en Normandie, et il fera bien s'il peut garder toutes ces terres ; car les choses de jour en jour adviennent en faveur du roi de France et non pas du régent; et dans ces trois mois ils auront bientôt la paix ; et certes de nos jours on peut dire que nous avons vu des choses très merveilleuses, comme on peut sûrement le comprendre par ce qui s'est ensuivi. Que le Christ aide la bonne cause et fasse le bien de tous!
On a dit, il y a déjà plusieurs jours, mais on n'en sait rien par lettre d'aucun, que le fils du duc de Bretagne va suivre le roi de France avec 3.000 Bretons.
Ce seigneur duc se trouve encore à Arras, et l'on répète que, ces jours passés, il a envoyé au roi de France des ambassadeurs, qui ont trouvé les Français, à ce qu'on dit, en désaccord. On dit aussi qu'en août les Anglais seront prêts à combattre ledit roi. Je ne sais ce que j'en dois croire.
On sait de certain que le roi de France a été à Soissons, à douze lieue de Paris, et qu'il venait alors vers Paris pour prendre la couronne à Saint-Denis, qui est une des solennités qu'il doit faire. On tient pour certain qu'il sera couronné ces jours-ci. Dudit Saint-Denis, parce que ceux de Paris avaient mis tous les murs à terre et rempli les fossés, les habitants s'étaient sauvés à Paris ; et ceux-ci n'avaient fait cela que pour que le roi, y arrivant avec ses gens, ne puisse s'y fortifier.
Le cardinal et le régent se trouvent à Pontoise, à sept lieues de Paris, avec toutes les forces anglaises, et [on ne doute pas que] l'on n'en doive venir aux mains. Que le Christ pourvoie au bien des Chrétiens! Et je ne sus en ce moment rien de ce qui s'ensuivit, ni autre chose, jusqu'au 27 juillet 1429.

XI (pages 1009-1010, f° 507).
M° IIIIC XXVIIII° corando, puo per letera rezevuda da ser Prangati Zustignan de xxvii luio. Da Bruzia.
Qua de soto dirò quelo o sentido de nuovo de Franza de xxvii de luio. Certo se sa per molte vie como circha dy xii de questo mexe, el Dolfin avè Tros de Zampagna, e che avanti l'avese, color dentro vol se respeto ziorni tre, e puo begnisimamente se rexe a luy como so vero signor, e quelo pacifichamente perdonase a tuti, e con begninitade quelo i rizevete, e statin, per comandamento de la poncela, la qual a lu se dixe quela eser cavo e via e governatrixe de tuti, e contase coley siegue el Dolfino, e sono con lie xxvM persone da quela banda, senza queli sono ai confini de Normandia, che è el ducha de Lanson, como in questa diremo.
Partidi da Tros, son vegnudi a Rens, donde confina al sagrarse tuti reali de Franza, e là i zionse el sabado ady xvi de quelo, e senza algun contrasto queli fo apreso le porte, e la domenega ady xvii, fo sagrado con tute le suo pertinencie, e dura la sagra da terza fina circha al vespero, e questo se sa certo ancora per molto vie.
Avanti anchora molte tere de Zampagna, como è
Zalon, Lan, son quanti e quanti altry asay luogi tuti vegnudi a la ubidencia soa, e non tanto che tute iera partiale, che senpre le dite iera stade con el ducha de Borgogna ; ed è vero che may non a voiudo voler el zuramento d'Ingelexi, che per lor medemi s'a governado con la parte de Borgogna.
Torini ch'è una tera larga de qua a una ziornada, ch'è circha mia xl de lonzi, che senpre è stada fedelisima al so signor dolfino, si se a fato su le confine feste e procesione e fuogi per le vituorie de questo re novelamente sagrado; è per opinion de molti che i diti l'aiderà de dinery, e chi diga i diti i apareclerà IIIIM homeny per mandarli in el so favor.
El ducha de Bergogna è tornado da Paris e zionse a Razo ady x° de questo, e con luy a menado so sorela, la duchesa ch'è muier del ducha de Betifore, che se clama el rezente de Franza. El dito reziente iera partido da Paris per eser a Pontros, ch'è la clave de Normandia; e là atende el gardenal chon tuti Ingelexi che iera partidy3, e raxionase eser in suma viM, che iiim son pagadi per andar chontra i Usy di dener de la Gliexia, e Dio, ch'è zusto zudexe, e cetera.
Questo signor ducha per la Pichardia con altry suo luogi a fato gran mandamento de far zente d'arme e de tuto segundo el voler so ; dixe de brieve eser presto con Ingelexi [per] andar [contra] Zaneta. Al Dolfîno, Christo proveza a la raxione !
Paris roman guardada chon gran paura del puovolo da xxxii signori, xvi da la parte de Borgogna, e xvi da la parte d'Ingletera. Raxionase sono in soma soto la so condicione circha iiiM homeny, e ano el puovolo ordenado non posa partir alguno noma per Diabo e non se lieva chontra loro, del quai luogo a ziornade, qui ne capetano e Parexini e fermani per eser certi de trovarse fuori de le fievre porave y ochorer, e cetera. Christo proveza !
Dixese de certo per persone degne de fede, e chusy credo per quelo s'a posudo sentir, el re de Franza aver mandado a questo signor ducha de Borgogna ch'el concora tanto, ch'el se debia voler trovar el di de la Madalena a San Donis, che è (a) una vila largo da Paris circha a doa mia, al qual luogo tuti i reali de Franza prende la corona, e chovien eser tuty xii pari; e perché el ducha de Borgogna è per do, zioè per la contesa de Fiandra e la duchesa de Borgogna, el dito a mandado a Ingelexi el quinto per la so persona. Nonn è da raxionar el ne vada, ma in secretis multi monta lochontur ; non so quelo me debia creder.
Sase el ducha de Lanson con xiiM homeny ai confini de Normandia far bona vera a Ingelexi, e zià se dixe aver prexo tre hover quatro tere (sera forzo, segundo mi) a i diti Ingelexi; e fuorsy è forte in Normandia, e bem farà, se i le porà tute vardar segundo le cose adeviem a le ziornade in favor del re de Franza, che nonn è al Regiente; e in questi tre mexi presto averano paze, che certo ai nostry dy se può dir abiamo vezudo cose miracoloxe ase, como se puô certamente comprender per quelo è seguido. Christo aida la raxione, e sia bem de tuty !
È stado dito zià molty ziorni, ma non se sa per letera d'algun, ch'el fiol del ducha de Bertagna [ha] a seguir el re de Franza con iiiM Bertony.
Questo signor ducha se truova pur a Bazo, e fase conto che li dy pasadi el manda anbasada al re de Franza, la quai i a trovado, segondo se dixe, in dexacordo, e dixese eser presto per tuto avosto Ingelexi a combater el dito re. Non so quelo me debia creder.
De certo se sa el re de Franza eser stado a Nois, largo da Paris xii lige, e vegniva alora per Paris per tuor la corona a San Dionis, che è de le solenitade l'a (h)a far; e tiense certo a questy dy el sia incoronado; el qual San Donis, per queli de Paris, esendo tuty le mure mese contra [en tera?] e ra[m]pite i fosy el puovolo schanpado a Paris, e queli solo perchè vignanonde el Re con la soa gente, non se posa farse forte.
Trovase el gardenal e'l reziente a Pontros, largo da Paris vu lige, con tuto el sforzo d'Ingelexi, e [non se dubita] non se debia eser a le mane. Cristo proveza al bem dy Cristiani ! E sapie a la ziornada niente del seguir, nè altro de fina a XXVII de luio M°IIII° XXVIIII°3. »

Ensuite nous sûmes, par le courrier ou par la valise qui vint de Bruges, du 9 août 1429, que le Dauphin avait été avec la damoiselle à trois lieues près de Paris, mais que pourtant on n'a pas encore nouvelle qu'il soit entré dans Paris, mais qu'il a bien été oint roi des parties de France. Ce qui s'ensuivra nous le saurons plus tard.

XII (page 106, f° 508).
Apreso avesemo per lo fante over per la scarsela vene da Broza de dy viiii° avosto de 1429 lo Dolfin [è] stado con la damixela apreso a Paris a lige tre, ma pur non se a ancora quelo sia intrado in Paris, ma bem eser sta onto Re de le parte de Franza. Ma quelo seguirà per avanti averemo de nuovo.

Du côté de Paris, des lettres venues de Bruges, antérieures au 17 septembre, ne nous disent pas que le Dauphin ait été encore couronné dans cette ville. Après on a donné comme un bruit que le duc avait fait avec le Dauphin une trêve de deux mois, et puis qu'un grand nombre d'hommes d'armes avaient été avec ce même Dauphin et avec la demoiselle autour de Paris, et y avaient mis le siège. Ce que nous saurons dans la suite, nous nous empresserons de le noter dans cette Chronique. Dieu sait les grandissimes choses qui ont dû se passer en France, par suite des gestes de la demoiselle dans laquelle opère la vertu divine...
XIII (page 1026, f° 509).
Dale parte de Paris per letere da Broza prima de xvij. de selenbrio de Miiijxxviiij. non avemo anchor el dolfim in Paris sia sta ancor incoronado. Apreso è stado dito se diga el ducha de Borgogna si à fato treva per mexi do con el dolfino, e apreso una grosa giente eser con quelo e con la damixela atorno Paris e abiala asediada, ma quelo averemo per 1'avegnir noteremo in questa cronicha per avanti, ma Dio lo sa grandisime cose eser seguido dela Franza, per i fati dela dita damixela, per la vertu divina operada in ela...

Copie d'une lettre de Bruges, en date du 13 septembre, écrite par le noble Messire Pancrace Justiniani à son père Messire Marc. Voici dans sa teneur même ce qu'elle contient :
Je vous écrivis sur les nouvelles de France quelles grandes choses s'y étaient passées jusqu'au 27 du mois dernier. A la suite le roi est entré en possession de Senlis, Pont-Sainte-Maxence (?) Creil (?), Ponte Zabaton (??), Beauvais, Saint-Denis.
Le régent est en Normandie avec tous les Anglais au nombre d'environ six mille.
Monseigneur de Bourgogne devait partir hier d'Arras avec quatre mille hommes, pour se joindre au régent, et puis aller secourir Paris... On a dit aujourd'hui qu'une trêve avait été conclue jusqu'à Noël entre les deux partis. Il m'est impossible de me l'expliquer.
A qui m'en demanderait la raison, je répondrais que nous devons croire qu'il y a
accord entre Monseigneur de Bruges et le roi, et que, par ailleurs nous n'avions pas lieu de le penser, jusqu'au 13 septembre 1429. Depuis l'on a dit que le roi de Portugal donne sa fille en mariage au fils du duc de Bourgogne.
XIV (page 1029, f° 512).
Copia dela letera da Broza scrita per lo nobel homo miser Prangati Zustignan de dy xiij. de setenbrio a so pare miser Marcho; contiem in questa forma e diga. Fina a xxvij del pasado ve scrisy quanto iera seguido dele nuovede Franza, da può el re aver abudo San Lis, Ponte Sancto Cholo, Ponte Zabaton,
Blaves, San Donis.
In Normandia se truova el regiente con tuti ingelexi, in suma vjM. ho circha.
Monsignor de Borgogna se deveva partir iery da Razo over Rasio con homeny iiijM. per eser con el regiente, e puo con tuto el so forzo andar a secorer Paris, e la poncela con luy.
In questo dy s'à dito eser fato trieva tra una parte e l'altra fina a Nadal; non so
intender queste caxione, ma chi me domandase, creder debiamo eser d'acordo monsignor
da Broza e'l re, e altro non aver da far stima alguna fina ady xiij. setenbrio 1429. Da può fo dito el re de Portogalo marida so fia in lo fio del ducha de Borgogna.

Copie d'une lettre écrite de Bruges par noble Pancrace Justiniani
à son père Messire Marc, en date du 20 novembre. Elle a été reçue à
Venise le 23 décembre. Voici brièvement son contenu :
Messire, je vous écrivis par la scarcella (malle) ma précédente lettre le 4 du présent mois, je vous donnais avis de ce qui s'était passé en France jusqu'au jour qui vient d'être indiqué. Depuis, les gens du roi se sont emparés en Normandie d'un pays appel Verneuil, très bonne terre; ils ont conquis d'autres fortes positions et plusieurs forteresses. De plus, à Rouen, une conjuration avait été formée par entente avec Charles de Bourbon et le duc d'Alençon. Si elle avait réussi, on se rendait maître de la ville, du duc de Bedford et de tous les autres Anglais.
Hier est venu devers Paris un ambassadeur de notre seigneur duc au roi. J'ai pu savoir par lui qu'il avait été confidentiellement chargé d'une prolongation de la trêve jusqu'au milieu de février. Le même ambassadeur a dit ce que tout le monde répète que le roi de France fait de très grands préparatifs pour être prêt au printemps : on dit qu'il aura cent mille hommes à mettre en campagne. Cela peut être, cela me paraît cependant un nombre excessif. Ce qui est certain, c'est que tout ce mouvement se produit à la voix de la Pucelle ; elle est certainement bien en vie. En preuve, c'est qu'il y a très peu de temps elle a pris d'assaut un château très fort à cinq lieues de Paris, et ensuite elle a été mettre le siège à la Gent sur la Loire. On raconte d'elle tant de merveilles dans ces derniers jours que, si elles sont vraies, il y a de quoi être ravi d'admiration. A mon avis, chacun selon qu'il croit, ou ne croit pas, ajuste et accommode ses exploits, amplifie ou retranche à sa fantaisie. Ce en quoi tout le monde s'accorde, c'est qu'elle est toujours avec le roi. Ce qui est évident pour tous, c'est qu'à son ombre se sont accomplis des événements tels qu'ils démontrent qu'elle est l'Envoyée de Dieu. Tout ce qui est survenu de favorable au roi, toutes les conquêtes faites et toutes celles qui se font présentement lui sont entièrement dues. Le croire n'est pas un mal, et celui qui ne le croit pas ne pèche pas contre la foi.
Je me trouvais ces jours derniers à discuter à ce sujet avec quelques religieux, et j'ai eu vent que l'Université de Paris, ou mieux les ennemis du roi, avaient envoyé à Rome pour l'accuser auprès du Pape. Cette Pucelle, d'après eux, serait une hérétique, et non seulement elle, mais encore ceux qui ont foi en elle ; elle va, disent-ils, contre la foi en voulant qu'on la croie, et en sachant prédire l'avenir. Le chancelier de l'Université, homme très renommé, docteur en théologie, a composé un très bel ouvrage en sa faveur, à son honneur, à sa louange et pour sa défense. Je vous l'envoie avec cette lettre. Messire le doge, d'autres encore, d'après ce qu'il me semble, en prendront connaissance avec grand plaisir. Faites que lui et nos amis de chez vous reçoivent communication des nouvelles ci-incluses ; après avoir lu ma lettre, vous pourrez la faire circuler.
Le roi d'Angleterre a été couronné à Londres le 6 de ce mois ; il est âgé de huit ans. L'on donne comme certain, et je le crois, qu'il s'apprête à passer la mer au printemps avec grande puissance. L'on parle de plus de vingt-cinq mille Anglais. Il me semble hors de doute qu'il va se passer de grands événements au printemps. Que le Christ y pourvoie ! L'on ne sait pas encore ce que fera notre duc ; mais, d'après le bruit public, il est disposé à tenir les promesses faites aux Anglais.
[Le reste de la lettre, ainsi que la suivante, est consacrée aux péripéties par lesquelles passa la fille du roi de Portugal en se rendant auprès de son mari, le duc de Bourgogne, et à quelques autres sujets étrangers à l'histoire de la Pucelle.]
XV (pages 1045-1058, f° 514).
Copia de una letera mandada da Broza per lo nobel homo ser Prangati Zustignan a so pare miser Marcho, fata ady xx. novenbrio; contien in questa forma in brevitade, rezevuda a xxiij. decenbrio in Veniexia.
Miser, io ve scrisy faltra ady iiij. de questo per la scarsela, de che fin quel ziorno ve
avixiè quanto iera seguido di faty de Franza, puoy è la regiente del re aver prexo in
Normandia una tera se clama Veroil, bonisima tera, e altry forty pasy e chasteli e plu che in Roano è stado deschoverto uno tratado, che aveva Carlo de barbon e el ducha de Lanzon, che de certo, se la i fose andada fata, prendevano la tera e'l ducha de Bechiforte, con tuto el resto d'ingelexi.
De ver Paris iery vene uno anbasador de questo signor ducha de ver el re, e, per quelo ò posudo saver, è stado solo per dever alongar la trieva con el re fina a mezo
fevrer, per lo qual anbasador a dito per quelo se devulga universalmente fra ogni homo, ch'el re de Franza se meteva in ordine con asaisima giente per eser presto a tenpo nuovo, e dicono fra costoro, el dito avera dele persone CM. a canpo,che tuto può eser, ma parme uno grande numero, tanto è, che hogni homo se muove per le parole dela poncela, la qual de certo è viva. E pur novelamente a prexo de arsalto uno castelo fortisimo lige, v. apreso Paris, e lie puoy eser ita a meter l'asiedio a la Giente su l'Era. Contase da nuovo da puochi dy in qua tante cose di fati de costey, che se veritade he, è da far meraveiar ziaschuno che crede, e chi no, ziaschuno per mio parer, segundo le voluntade ano, le dreza e conza, azionze e menuisie como ly pare, ma tanto e che ogno omo concore, costey eser senpre chon el re, e claro se vede soto honbra de costey e cose fate da Dio mandada; ch'el sia quelo è seguito in favor del re e la conquista l'à fata, e de nuovo quelo el fa, eser tuto per questa caxion; credere non è male, e chi non crede non fa però contra la fede.
Trovandome in li dy pasadi con alguni regilioxi a raxionar de questa caxione, parme che la università de Paris, over per dir meio li innemixi del re, aver mandado a Roma al papa achuxiar chostey, dicho questa poncela, per ereticha, lè e chi ly crede, e questo perchè dicono costey fa contra la fede per voler eser creduta, e in saper dir le cose che debiano venire; e in favor de costey el canzelier de la universita, che è homo solenisimo, dotor in teologia, a suo honor e laude e defexa a fato una belisima opera, la qual vi mando con questa, dela qual miser lo doxie credo ne averà somo piaxer, e ancora molti altry, como a mi par; fe che a luy e a altry nostri de li ziaschuno ne faze participo de queste nuove, si che leta l'averè, questa la podè mandar.
El re d'Ingletera fo incoronado a dy vj. de questo a Londres; e de etade de ani viiij, e dixese de certo, e cusy credo, se fazi presto per pasar a tenpo nuovo con gran posanza, dixesy con plu de XXVM. ingelexi; parme eser certo debia eser de gran fati a tenpo nuovo. Cristo proveza.
Questo signor ducha non se sa anchora quelo fara, ma segundo se devulga parato
a sostegnir la promesa fata al re d'Engletera.

Nouvelles reçues le 1er février.
Copie d'une lettre datée de Bruges du 4 janvier. Elle est de sire Pancrace Justiniani, fils de Messire Marc, lequel est lui-même fils d'Orsato.
Très cher père, le 8 du mois dernier je vous écrivis tout ce que nous savions de
nouveau. Je vais vous raconter ce que nous savons être arrivé ensuite.
Depuis environ le 20 du mois dernier jusqu'à aujourd'hui nous avons eu ici en permanence un ambassadeur du roi de France au seigneur duc et aux Anglais. La trêve qui finissait à Noël a été prolongée pour un plus long temps, pour tout le mois de février. Voilà d'étranges choses, difficiles à expliquer. Plusieurs chuchotent secrètement qu'il y a accord entre le duc et le roi de France, d'autres disent le contraire. Je suis de ceux qui pensent le contraire. Je crois que le duc enverra ses hommes au secours des Anglais, mais qu'il n'ira pas personnellement. Il restera dans ce pays pour faire plaisir à sa nouvelle femme... [Il est question d'une ambassade de Charles de Bourbon, dont Pancrace avoue ne pas connaître l'objet.]
Les hommes du duc d'Alençon font en Normandie grande guerre aux Anglais. Ils s'emparent de tous les châteaux et de toutes les forteresses. Ces jours derniers ils se sont conquis une position importante par le nombre des habitants et par son site, nommée Louviers. Il y avait cinq cents Anglais qui tous y trouvèrent la mort. La ville se soumit par composition.
Un secrétaire du duc d'Orléans, prisonnier en Angleterre, qui venait de vers le roi de France, est passé par ici muni d'un sauf-conduit du duc et des Anglais. Il a dit verbalement, et je le crois parce qu'il est un homme qui mérite confiance, que les troupes du roi avaient pris La Charité-sur-Loire et quelques autres places qui tenaient pour le duc. Il ne resterait plus à soumettre que Chartres et Paris ; je parle de la France. Tout a été emporté d'assaut, et pour dire tout ce qui se raconte (vous en croirez ce que vous voudrez) l'on attribue toutes ces conquêtes à la Pucelle, ainsi que mille autres merveilles. Si elles sont vraies, a domino facta est ista, et voilà de nos jours de grands prodiges.
Le roi de France est en bon point ; on le sait avec certitude. Il a obtenu du Languedoc et de tous les pays soumis à son obéissance de très grands subsides en argent, et en hommes. Il a une grosse armée pour être prêt au printemps. C'est l'opinion de tous, et moi je ne pense pas autrement, qu'il y aura certainement une grande effusion de sang, si Dieu n'y met pas la main; que le Christ y porte remède par la sainte grâce.
Le duc de Bedford, qui était régent de France, se tient, paraît-il, à Rouen pour garder le pays dans la mesure où il le peut. Il paraît encore que, il y a peu de jours, environ trois mille Anglais sont venus lui donner aide. On tient pour certain qu'au beau temps le roi d'Angleterre débarquera avec grande puissance. C'est ce que tout le monde croit...
[Suivent des détails sur le débarquement de la nouvelle épouse du duc de Bourgogne, et les splendeurs des fêtes qui s'annonçaient comme d'un extraordinaire éclat, ainsi qu'elles le furent en réalité.]
XVI (pages 1058-1060, f° 516).
Mccccxxviiij. Rezevuda ady primo de fevrer.
Esenplo d'una letera vegnuda da Bruzia de iiij. de zener, eser da dire da ser Prangatil Zustignan de miser Marcho fo de miser Orsato.
Carisimo padre, ady viij. del pasado ve scrisi quanto iera de nuovo sentivemo, e
avemo per questa quelo è seguido da può eser.
Circha a dy xx de l'altro fina qua 1'anbasada del re de Franza a questo signor ducha de Borgogna e ingelexi, la trieva che spirava a Nadale son stada longada altermene che sera per tuto fevrer ; è stranie cose a intender queste; trazie molty tien in secretis che lia sia d'acordo, e molty el contrario, e my son uno de queli che tien el contrario, e credo de giente darà favor a ingelexi, ma che la soa persona ne vada o nè creda, anzi sarà in questo paixe con la nuova spoxa a darli piaxer; e perda chi voia, lu non può venzer tal asenplo li date a tanta dignita, ma ve se conceso consentirè fone ancora l'anbasada de Carlo de Barbon so cuxin, la caxion non n'ò may posudo saver.
La giente del ducha de Lanson in Normandia fa grande vera con 1'ingelexi, e prende tute chastele e forteze, e a i dy pasady prexe unatera che si è da persone e stazone asay dita Loviel, del qual luogo iera vc. ingelexi, che tuti i morino, e questa i ave per tratado.
Per uno sacretario del ducha d'Oriens, ch'e prixion in Engletera, che vien de ver el re de Franza aver parlado, e pasado de qui con salvoconduto da questo signor e da ingelexi, dixe a bocha, e chusy credo, perche e homo da darli fede, che la giente del re aveva prexo la Chiaretè su Lera, e alguni altry luogi se tegniva per questo signor, e che altro non resta che Ziaves [?] e Parixi, digo in Franza, e tuto d'arsalto, e plu dirò ancora quelo se dixe, e credeteme quelo ve par, dixe la poncela far tute queste cose e mile altre meraveie, che, se le sono vere, a domino facta est ista, ed è gran meraveia ai dy nostry.
El re de Franza se truova in bon ponto, e questo se sa certo, e à abudo de ver Lenguadocha e tuto so paixe grandisima sovencion de dinary e de giente ; l'à uno estremo exercito per eser presto a tenpo nuovo, e de certo per la hopinion de tuti, e chusi credo, se Dio non ge mete le man, e per eser una gran sparsion de sangue. Cristo per sua santa merzè ne proveza.
El ducha de Betiforte, che iera regiente de Franza, se tiene pare in Roan in Normandia ala guardia del paixe, al meio el può, e par in questi puochi dy pasa in sa aiuto circha tre mile ingelexi, e de certo se tiene el re de Ingletera con grandisima posanza pasera a tenpo nuovo, che cusi crede ogni omo.

Plusieurs lettres écrites de Bruges, par le noble sire Pancrace Justiniani à son père Messire Marc, en février 1429 (anc. st.), en particulier du 17, donnaient, paraît-il, de nombreuses nouvelles de ces contrées.
Une dernière, en date du 4 mars 1430, plus briève, était ainsi conçue :
Messire, le 22 du mois passé je vous écrivis ce que je savais à pareil jour. Depuis j'ai reçu votre lettre du 4 même mois. C'est avec le plus grand bonheur que j'ai appris votre bonne santé et votre contentement de ce dont vous m'avez parlé. Je ferai réponse complète à votre lettre par la malle. Je ne puis pas le faire en ce moment ; veuillez prendre un peu patience.
En fait de nouvelles, depuis que je vous ai écrit on a dit ces jours-ci que le roi de France avait pris Chartres ; mais la nouvelle n'ayant pas été confirmée je ne la crois pas vraie.
Il est de toute certitude que ces jours-ci notre seigneur duc a reçu
l'annonce de la prise d'un château inexpugnable à sept lieues de Rouen,
sur la Seine, appelé Château-Gaillard. Il y a eu composition entre les Anglais et les Français. Dans ce château était détenu prisonnier un chevalier français du nom de Jean Barbazan, que le roi d'Angleterre avait pris et y avait renfermé. C'est un homme de très grand mérite et vaillant capitaine. Plusieurs autres Français étaient prisonniers avec lui ; tous ont été délivrés.
En outre on compte que le roi d'Angleterre passera la mer à Pâques, ainsi que je vous l'avait dit dans une autre de mes lettres. Le seigneur duc a publié le ban. Pour attirer les plus vaillants de ses guerriers, il fait répandre le bruit qu'il y aura vingt-cinq mille Anglais et plus, c'est-à-dire que le roi arrive avec les plus grandes forces. Tout est en ébullition. Si le Seigneur Dieu n'y met la main, il faut que l'un des deux partis soit entièrement ruiné, mais j'espère que Dieu, dans sa sainte miséricorde, y pourvoira. Qu'il ne considère pas nos péchés. Je n'ai pour le moment rien à ajouter. Reçue le 30 mars 1430.
XVII (pages 1071-1073, fos 518-519).
Per plu letere vegnude da Brozia dal nobel homo ser Prangati Zustignan de miser Marcho, fate del mexe de fevrer de Miiijxxviiij., de dy xvij., apar luy scriva molte novele de qua, ma da può in concluxion anchora per una soa fata in Brozia a dy iiij marzo de Miiijxxx scriva soto brevitade in questa forma.
Miser, a xxij. del pasado ve scrisy el bexogno; in quel dy dapuo avy la vostra de dy iiij., dito che me concluxe piacer asè per saver de vostra salude e a vostra consolacion del muodo me avixè, e ala dita farò resposta a conplimento per la scarsela, che per costuy non m'è posibele, e abiè paciencia.
Quelo eser da nuovo da puo ve scrisy si e che a questi dy eser dito el re de Franza
aver abudo Zetres, ma da può non se a refreschado la nuova, si che io non la credo. Può in questi dy eser certisimo eser vegnudo novele a questo signor ducha che uno chastelo inespugnabele, largo da Roan lije vij. suxo la riviera de Sona, clamado Castel Grixiante, per tratado la giente del re de Franza averlo perso per le man d'ingelexi, in el qual luogo iera uno prixionier cavalier francescho, che se clama miser Zian Barbaxion, che el re d'Ingletera aveva prexo e dentro iera so prixion, e molto homo notabelisimo e valente capetanio, e per simel molty altry prixionery franzexi, che li dentro iera in prixion, a questo muodo son liberady.
Altro se raxiona el re de Ingletera pasera ala Pasqua, como per altre ve ò dito,
ma questo signor ducha ha fato el so mandamento e tocha de ingelexi per trar le suò
giente notabeli XXVM. e altre persone, zioè el re fo dito eser potentisimo, e raxioneve
che le cose boie per tuto, e de certo se sto Signor Dio non de mete le suò mane, convien
che l'una dele parte vada a questa istade a niente, ma Dio per soa santa marzè
proveda e non varda ai nostri pechadi, nè altro non d'è per lo prexente. Rezevuda
ady xxx marzo MCCCCXXX.

Nouvelles de France venues par Bruges, en date de 22 mars 1430, d'après plusieurs lettres reçues par des Vénitiens et des Florentins, apportées par la malle qui est arrivée à Borromeo de Florence, et aussi d'après plusieurs lettres du noble sire Pancrace Justiniani, fils de Messire Marco Orsato. Elles s'accordent, et voici ce qu'elles disent en substance. Elles ont été reçues en la fête de Pâques, 16 avril.
Ce qu'elles disent avant tout, c'est que le roi de France a fait une course jusqu'aux portes de Paris, toujours accompagné de la demoiselle. Il avait envoyé devant lui soixante cavaliers, et en avait placé cinq cents en embuscade. Le bâtard de Saint-Pol, et trois autres capitaines avec deux mille cavaliers, quelques-uns disent cinq mille, sortirent contre eux. Les soixante cavaliers reculèrent tout en escarmouchant et amenèrent les assaillants par delà l'embuscade. Ceux qui y étaient cachés leur tombèrent sur le dos, et les prirent tous sans qu'il s'en échappât un seul. Cela a été, dit-on, un coup cruel pour le duc de Bourgogne. On dit encore qu'on a découvert à Paris une conjuration dans laquelle quatre mille hommes au moins étaient impliqués. On a pris un Frère mineur qui en était l'âme. On dit de plus que La Hire, qui était ou est capitaine du Dauphin, a passé la rivière avec bien six mille cavaliers. Les choses s'échauffent en réalité.
Nous avons appris encore par les mêmes lettres comment Jean de Luxembourg, se disposant à s'établir devant Compiègne pour assaillir la ville, mille cavaliers qui se trouvaient dans les murs de la ville, sortirent par une porte opposée, prirent par derrière ses hommes d'armes, les tuèrent ou les firent prisonniers, et s'emparèrent de son attirail de guerre et de l'artillerie. On raconte encore que le comte d'Andonto (?) a pris en Champagne un château où se trouvait un capitaine qui faisait grands ravages dans le pays, et comment il a fait lever le siège de Tonis (?) avec de grands pertes pour les Anglais. Vous voyez quelles grandes choses se sont passées en peu de jours. Cela met le roi de France en voie de s'emparer de tout le royaume, si l'accord règne [parmi les siens].
XVIII (pages 1078-1079, f° 520).
Corando lo dito milieximo de sovra [MCCCCXXX].
Nuove de Franza abude da Broza in MCCCCXXX, de dy xxij de marzo, per molte
letere rezevude per Fiorentini e Veniciani, per la scarsela vegnuda al Bonromeo da
Fiorenza, e sy per letera del nobel omo ser Prangati Zustignan de miser Marcho
l'Orsato, acordandose sovra uno tenor : in sustancia dixe in questa forma, rezevude
in le feste de Pasqua a xvij avril;
e prima se sente del re corse fina su le porte de
Paris, siando con la donzela con quelo, e manda LX cavay e lasase in arguaito cavali
vc; e insy loro incontra el bastardo de Sen Polo e tre altry capetani, e chi dixe con
ijM. cavay e chi con VM, e queli LX, scharamusando, sy son torna de driedo e conduseli
fina pasado l'arguato, e può queli inboschady i denole ale spale e prexeli tuti, che non
d'è scanpa uno, e dixe eser stada mala bota a questo signor ducha de Borgogna, e
anchora se dixe a Paris è deschoverto uno tratado, de che iera in tratado bem iiijM.
e prexo uno frar menor che li menava, e anchor se diga che l'iera capetanio del dolfin,
o sia, e xe pasado la riviera con bem vjM. cavay, e le cose se schalda da divero.
Può d'è che, sendo miser Zovane de Lucinborgo per meter canpo a Conpigno, in voler dar l'arsalto ala tera, da chavay mile che l'iera dentro insise per altra porta al contratrio e può i torna ale spale, e dixese averne raorti e prexi ase, e tolto a queli quaxi tuto el chariazo chortiglere; e si dixe del conte d'Andonto à prexo uno castelo in Canpagna, dove iera uno capetanio che faxeva gran dano al paixe, e tuti aver mesi al fil dele spade, e si dixe aver levado l'asiedo da Tonis, con cadanno [?] d'ingelexi, si che vedè quante cose da puochi di, e sono ati queli del re a dominar tuto, se sono d'acordo...

Mille quatre cent trente, le 25 juin.
Des nouvelles de France ont été envoyées à la seigneurie ducale, en voici le fond :
Elles sont favorables au roi de
France. Le prince d'Orange ayant envahi le Dauphiné, et s'étant emparé de quatre places, le gouverneur du Dauphiné avec de nombreux hommes
d'armes du roi et les gens du Dauphiné lui a infligé une entière défaite le 11 du présent mois de juin 1430. Trois mille cavaliers ont été tués ou
pris dans la déroute. Parmi les prisonniers l'on compte les premiers
barons de Savoie qui s'étaient joints à l'aggresseur. L'on mentionne Mgr de
Sallenove et son fils, Messire Humbert Mareschal, Clavin du Clos, le fils de Msgr de Valusin, le fils de Msgr du Saint-Georges en un château dit.., le Comte de Fribourg, Messire Gauthier de Ruppes, Messire de Saix et le Comte de Goret. Ledit prince
d'Orange a eu de la peine à se sauver, avec dix-huit cavaliers, dans le
château d'Anthon où l'ont poursuivi les guerriers du Dauphiné et où ils
l'ont renfermé. Il tenait tant à lever une armée qu'il donnait cinquante ducats
par lance et un salaire de onze deniers. Toutes ces nouvelles sont
favorables au Dauphin, vu que la demoiselle reste toujours pleine de vie
et d'entrain, illuminée de la grâce de Dieu et prospérant dans sa voie.
XIX (pages 1093-1094, fo 821).
MCCCCXXX ady xxv de zugno. Nuova vegnuda in Veniexia; scrita fo ala dogal signoria in questa forma e in favor del re de Franza, chomo el principo de Ragonia, non ofendendo [sic] ale tere del delfinado e abiando prexo da iiij luogi, lo governador del Dolfinado, chon molta giente del re de Franza e altra giente del Dolfinado, ady xj, del mexe prexente de zugno de MCCCCXXX aver roto lo predito principo, per la qual rota è sta prexi e morti chavali iijM., m li qual se
truova prexi molti e plu notabel homeni de Savoia, che iera con lo dito principo, intro i quali de Savoia se menzona prexi monsignor de Salanova e so fiolo miser Albertin marescalcho, Schalavrin de Leto, lo fiol de miser monsignor de Valusin e lo fiol de monsignor de San Ziorzo n uno castelo dito Contefurbo, e miser Goter de Rupo, e'l miser de Ais e el conte de Goret ; e el dito principo de Origens apena è schanpato con cavay xviij. e si è reduto dentro lo castelo d'Antonin, onde è la dita giente del Dolfinado, e l'ano recluxo; apareclavase de far zente, prestandoy duchati L. per lanza, e de so salario duchati xj.; e.tute queste nuove eser in favor del dolfino, romagnando la donzela sana e gaiarda, aluminada da Dio de gracia, prosperando la via soa...

XX. — 1430, 3 juillet (?). — Nous avons su, et on avait dit plusieurs
jours avant, que l'on avait écrit de Bruges le 3 juillet (??), que le jour de
l'Ascension la demoiselle était en parfaite entente et parfaite faveur auprès
du roi de France, Messire le Dauphin. Avec lui et ses gens d'armes elle
avait mis le siège devant Paris, si bien que les assiégés ne conservaient
plus aucune espérance de pouvoir tenir contre la couronne du Dauphin.
On a dit ensuite que la Pucelle avait été prise par les gens du duc de Bourgogne; l'on savait que rien n'avait été statué sur son sort; on
le saurait par la suite. L'on a dit depuis que la demoiselle avait été
enfermée dans une forteresse avec plusieurs demoiselles, et entourée
d'une tonne garde. Elle ne peut pas être si bien gardée que lorsque ce
sera le plaisir de Dieu, elle n'en sorte et ne revienne parmi ses gens, sans
avoir rien souffert dans sa personne.

XX (page 1105, f° 524).
MCCCCXXX ady iij. de luio a Conpeio. Avemo abudo, e se sa dito per plu ziorni per avanti cha da Brozia, chomo ady iij. de luio fose scrito,
che in lo dy dela Sensa la damixela steva in colegacion e in perfeto amor con lo re de Franza miser lo dolfin, con el qual la giente soa aver meso l'asiedio de Paris, per muodo non se aver speranza queli dentro posa resister contra la corona del dolfinado; s'a dito quela eser sta prexa per la giente del ducha de Borgogna, la qual donzela per quelo non avemo se de quela sia sta defenido niente; saverase per avanti, ma da può è sta dito questa donzela eser stà confinada con pluxor donzele in una forteza con scorla de bona varda, e non posando eser tanto vardada, quando fo de piaxer de Dio, quela se parti e ritorna ala giente soa, senza molesta dela persona soa...

Nouvelles de Bruges écrites à Venise de la main de sire Pancrace Justiniani, fils de Messire Marc Orsato. La plus récente est datée du 24 novembre ; elle est arrivée à Venise le 19 décembre. Elle est conçue en ces termes :
...[Pancrace décrit les pertes éprouvées par le duc de Bourgogne et les Anglais à la levée du siège de Compiègne, les avantages remportés par les Français, spécialement l'occupation de Clermont-en-Beauvaisis, la forteresse exceptée; il parle ensuite de la Pucelle et il écrit :]
Il est absolument certain que la Pucelle a été dirigée sur Rouen vers le roi d'Angleterre. Messire Jean de Luxembourg, qui l'a prise, en a touché dix mille couronnes, pour l'avoir ainsi mise entre les mains des Anglais. Quel est le sort qu'on lui réserve ? On l'ignore, mais on craint qu'on ne la fasse mourir. En vérité, ce sont choses extraordinaires et grandes que celles qu'elle a accomplies. Il écrit qu'il en a parlé avec beaucoup, et il en a parlé depuis qu'elle est prisonnière ; mais universellement, tous disent qu'elle est de bonne vie, très honnête, très sage ; ce qui adviendra, nous le saurons bientôt...
XXI (pages 1155-1156, f° 534).
La poncela de certo, quela è sta mandada a Roan al re di Ingletera, per la qual caxon miser Zian de Lucenburgo, che la prexe, ne à tochado XM. corone per darla in le man d'ingelexi; quelo seguirà de lie non se sa, ma dubitase i non la faza morir, e veramente queste son stranie e grande cose di faty de costie; e scrive questo aver parlado con molty, aver parlado da puo che la fo prixioniera, ma pur universalmente ognomo dixe lie eser de bona vita e onestisima e sapientisima; quelo seguira convien che in puocho tenpo se veda; che de certo, segundo el parer d'ognomo queste caxion convien presto aver fin; digo a veder chi dovera a romagnir de sovra. I fery son caldisimy d'una parte e de l'altra e ala ziornada la giente del re de Franza cresie e prospera e sapientemente se governa. Dio al ben di Cristiani proveza, nè altro per adeso non avemo de nuovo...

Je vais rapporter ce que, à la date du 15 décembre, nous avons su de nouveau du côté de Bruges par l'arrivée de noble Messire Nicolas Morosini, fils de Messire Victor. Voici ce que l'on racontait dans ces parages.
Aussitôt que la demoiselle fut tombée entre les mains du duc de
Bourgogne, et que le bruit se répandit que les Anglais l'obtiendraient moyennant deniers, le Dauphin informé envoya une ambassade vers le duc de Bourgogne pour lui dire qu'il ne devait la livrer pour rien au monde ; sans quoi il en tirerait vengeance sur ceux de ses hommes qui viendraient entre ses mains...
[Annonce de la naissance d'un fils au duc de Bourgogne.]
XXII (pages 1158-1159, f° 534).
Corando MCCCCXXX. Qua dito quelo s'à abudo de nuovo de xv. decenbrio, dale parte de Broza per la vegnuda del nobel omo miser Nicholò Morexini fo de miser Vetor, como s'a dito in quele parte.
Presentese prima che la donzela iera in man del ducha de Borgogna, e per molty
de là se devolgava che ingelexi l'averave per denery, e sapudo questo el dolfino i mandase una ambasada, che per condicion del mondo i dity non devese consentir a tal caxion, altramente i faria ai suò che'l va in le mane tal conpagnie su i confini de Ponpignio como el dolfin aver tolto uno castelo chon certe persone che iera vegnude a secorso so, e aveva abudo vjc. cavay, dei qual iera circha LX. cavaliery e signori prixiony, in Borgogna el dito ducha aver perso molte castele, steva el ducha de Borgogna a parlamento chon queli de Lezie, ma credese se otignerò paxe.
Apreso noto e fazo mencion, como se sope e fose scrito, el ducha de Borgogna ingelexe quelo eserli nasudo uno fiol mascholo dela soa dona muier soa, fiola del re de Portogalo, e questo eser so primogenito de quela.

Mille quatre cent trente et un.
Par plusieurs lettres venues de Bruges à Venise en des
jours différents, une entre autres de sire Jean Georges, fils de feu Messire Bernard de Saint-Moïse, en date du 22 juin, par une autre reçue, dit-on, par sire André Corner, gendre de feu sire Luc Michel de la Magdelaine, on a su que la vertueuse demoiselle était tenue en prison du côté de Rouen
par les Anglais, qui l'avaient achetée dix mille couronnes. Venue ainsi en leurs mains, ils ont très étroitement gardé sa personne. L'on a dit que deux ou trois fois, ces mêmes Anglais avaient voulu la faire brûler comme hérétique ; mais qu'ils avaient été arrêtés par les grandes menaces que leur avait fait parvenir le Dauphin de France ; mais à la troisième fois ces barbares Anglais, d'accord avec des Français, de dépit et hors d'eux-mêmes, l'ont fait brûler à Rouen.
Avant son martyre, elle a été vue bien contrite et parfaitement bien
disposée. On raconte qu'elle a eu une apparition de la vierge sainte
Catherine qui l'a confortée et lui a dit : « Fille de Dieu, sois ferme dans
ta foi, puisque tu seras dans la gloire au nombre des vierges du Paradis ».
Elle est morte pieusement. Messire le Dauphin, roi de France, en a ressenti
une très amère douleur et a formé le dessein d'en tirer une terrible vengeance sur les Anglais et sur les femmes anglaises. Dieu, selon son juste pouvoir, en tirera aux yeux de tous un très grand châtiment. On commence à en voir des signes non douteux. Paris, maintenant même, court de jour en jour à sa ruine; il ne peut tenir davantage et résister plus longtemps ; tous les habitants s'en échappent et fuient, chassés par les privations et la faim. On tient communément que les Français (1) l'ont fait brûler à cause des prospérités
qu'avaient eues avec elle les seigneurs français, et qu'ils devaient avoir
encore. Les Anglais se disaient en eux-mêmes: « Cette demoiselle une
fois morte, les affaires du Dauphin ne seront plus prospères ». Le contraire
plait au Christ, d'après ce que l'on a dit de la marche des affaires ;
puisse cela être vrai !

XXIII (pages 1238-1239, f° 549).
MCCCCXXXJ. Per pluxor letere vegnude da Broza per pluy di, zionze in Veniexia una dal fio de ser Zian Zorzi fo de miser Bernardo da San Moixè, fata ady xxij. del mexe de zugno, e per una altra s'a dito vegnuda a ser Andrea Corner zenero fo de ser Lucha Michiel dala Madalena; scrive de qua la honesta donzela iera sostegnuda per ingelexi in le parte de Roan, rechalada per chorone XM., prexa per ingelexi, tegnuda in persona [sic] in molta streteza; ase dilo quela per do volte òver per tre ingelexi l'aveva voiudo far bruxiar per retega, se non fose sta miser lo dolfin de Franza, mandando molto a manazar ingelexi; ma pur questo non ostando ala terza liada inpixesmady molto ingelexi con meso i franzeschi, chomo per despeto, non abiando bon conseio, ala terza iiada la fexe arder in Roan, e quela per avanti questo marturio, siando molto contrita e begnisimamente ben disposta, avanti la andese al martirio vien dito i aparse Madona Santa Qatarina Vergene, confortandola e digandoy : fiola de Dio, sta segura in la fede toa, conziò tu serà in lo
numero de le vergene del paradixo in gloria; e apar morise contritamente, de che miser
lo dolfm re de la Franza de portase amarisima doia, fazandose so conceto de farde
vendeta teribel de ingelexi e done de Ingletera a so zusta posanza, mostrando Dio
demostrera ancora grandisima vendeta e fina da mò ancora cusi apar e infina anchuoy
in dy la citade de Paris sta de partido, quela è per roinar ala ziornada e plu non se può tegnir nè valer, e tute persone scanpa e esie fuora da dexaxio e fame; tiense per opinion i franzeschi l'abia fato bruxiar per lo gran prosperamento prospera e va prosperando da ogni tenpo i signor franzeschi, digando ingelexi: anchò may morta costie questa donzela, la so ventura del dolfin non i anderà pluy segonda; e Cristo i piaqua i adevegna el contrario, segundo como s'a dito se questa cosa sia cusy la veritade...
Source :
- Présentation de la chronique : J.B.J. Ayroles : " La vraie Jeanne d'Arc" - tome III "La libératrice", p.567.
- Les textes originaux (en vert) et la traduction sont ceux publiés par J.B.J Ayroles dans " La vraie Jeanne d'Arc" - tome III "La libératrice", p.567 et suivantes.
Notes :
Lettre I :
1 Lettre non transcrite dans la chronique.
2 Faute de transcription ; plus loin, l'auteur dit justement : « depuis la moitié d'une année »
3 Nous traduisons Carlo di Valon par Charles de Bourbon. Il n'avait pourtant pas épousé la fille du duc d'Orléans, qui avait été donnée à Jean, duc d'Alençon. Charles de Bourbon était un des chefs de l'armée réunie à Blois. Le duc d'Alençon, n'ayant pas payé toute sa rançon, ne pouvait pas encore combattre.
4 Quelques lignes plus bas, Justiniani dit qu'il s'est échappé quinze cents Anglais, et non pas seulement cent cinquante, ce qui est plus près de la vérité. Morosini a dû mal transcrire dans le premier cas. Ce n'est pas le seul endroit.
REMARQUES. — [Il est manifeste que le dernier alinéa n'appartient pas à
la lettre de Pancrace Justiniani en date du 10 mai. Morosini relate ce
qui se disait à Venise vers la mi-juin.
Quant à la lettre elle-même, elle est de tout point remarquable, et
par la confirmation qu'elle donne à des faits indiqués par d'autres documents, et par les faits nouveaux qu'elle relate.
A deux reprises, Justiniani nous dit que les bastilles anglaises étaient
au nombre de treize, en quoi il est d'accord avec le chancelier Cousinot,
Elles étaient regardées comme inexpugnables, et Orléans était réputé
perdu ; c'est affirmé dans bien d'autres documents, que plusieurs auteurs
modernes tentent inutilement d'infirmer. Orléans tombé, c'était la
France conquise, dit-il avec beaucoup d'autres ; le Dauphin pour vivre
eût été réduit à l'hôpital, expression qui nous dit que la détresse personnelle du prince, mentionnée par d'autres contemporains, était bien
réelle.
Est-il bien possible que l'on ait pu connaître à Bruges le 10 mai la
levée du siège d'Orléans qui avait eu lieu le 8 ? Il semble que non. Pancrace aura peut-être commencé sa lettre le 10, et l'aura continuée les jours suivants. En tout cas, il a écrit lorsqu'on recevait les premières
nouvelles, ce qui explique les nombreuses inexactitudes qui se mêlent à
l'annonce du fait vrai dans sa substance. A noter qu'il relate l'emploi
d'un feu artistiquement préparé pour déloger Glacidas. En réalité, d'après
la Chronique de l'établissement de la Fête du 8 mai, on avait allumé sous
le pont qui reliait les Tourelles au boulevard de la rive gauche une sorte
de brûlot formé de matières infectes qui, par la fumée, incommodaient
fort les défenseurs, devenus assiégés d'assiégeants qu'ils étaient, ainsi
que l'indique une expression de la lettre.
Ce qui est surtout remarquable, et ce qui ne se trouve pas dans les
autres documents, ou s'y trouve si faiblement indiqué que les historiens
modernes ne croient pas devoir en parler, ce sont plusieurs détails sur
l'Héroïne elle-même.
A la mi-janvier 1429, elle faisait déjà assez de bruit pour que des marchands, probablement vénitiens, de la Bourgogne où ils se trouvaient,
crussent pouvoir parler de sa personne et de ses promesses dans les
lettres qu'ils écrivaient à Bruges. Pareil fait vient à l'appui de la conjecture émise dans la Paysanne et l'Inspirée, d'après laquelle Jeanne a dû quitter Domrémy dans la dernière quinzaine de décembre.
Quinze jours avant la délivrance d'Orléans, un pressentiment général,
objet des conversations à Bruges, annonçait une heureuse révolution
dans la fortune du Dauphin. D'après Joseph de Maistre, ces sortes de pressentiments précèdent tous les notables changements dans l'univers. Le célèbre penseur en appelle à ce qui se passa avant 1789; tout le monde,
dit-il, avait la conviction qu'on était à la veille de grands bouleversements.
Le fond des promesses faites par la Pucelle au Dauphin se trouve partout; il y a cependant ici une particularité digne d'être remarquée. L'entrée du roi dans Paris est présentée comme l'objectif principal. Reims
n'est pas même nommé, quoiqu'il soit question du couronnement.
Des morts funestes frappent les contempteurs de la Pucelle. La déposition de Paquerel en offre un exemple terrifiant.
Aux réponses de l'Envoyée du Ciel, on croirait entendre sainte Catherine. C'était en effet sainte Catherine qui soufflait les réponses à sa
fidèle disciple.
Ce qui est plus étonnant, c'est que le Dauphin aurait eu, lui aussi, une
apparition surnaturelle. Aucun historien n'a remarqué que le 22 février
Jeanne affirme la même chose à Rouen. « Avant de me mettre à l'œuvre,
le roi a eu plusieurs apparitions et de belles révélations. »
On disait à Venise que la délivrance de la France n'était pas toute la
mission de la Pucelle ; elle avait deux autres grandes œuvres à accomplir.
Des lettres subséquentes nous diront que ce fut d'abord la croyance
générale ; on trouvé la même pensée dans les poésies de Christine de
Pisan, et Jeanne d'Arc l'insinue dans la lettre aux Anglais, telle qu'elle
l'avoua comme authentique à Rouen.
Morosini parle d'une consultation soumise au Pape par le Dauphin ; il
y revient un peu plus bas, comme on va le voir. Les recherches, qu'à ma
demande, le R. P. Rivière a bien voulu faire dans les archives du Vati-
can ne lui ont pas fait trouver de pièce constatant cette démarche de
Charles VII. L'avenir en fournira peut-être ; et dès lors il sera établi
que la Libératrice obtint ses lettres de créance non seulement de la part
de l'assemblée de Poitiers, mais du Souverain Pontife lui-même.]
Lettre II :
REMARQUES. — [Si le résumé de Morosini est exact, il faut dire que le
bruit qui courait à Bruges, le 4 juin, était faux. De la délivrance
d'Orléans à la victoire de Patay le 18 juin, le Dauphin n'avait pas infligé
de défaite marquée aux Anglais. Il se consumait en délibérations qui
fatiguaient la Pucelle.
Paul Correrio, cardinal vénitien, était l'ami et le parent d'Ange Condulmerio vénitien aussi, qui allait devenir Pape sous le nom d'Eugène IV.
Il serait bien à souhaiter que l'on trouvât dans la suite de la Chronique la lettre promise par le chroniqueur. Elle ne pouvait pas avoir été écrite de Paris toujours au pouvoir des Anglais.]
Lettre III :
REMARQUES. — [Les nouvelles données dans cette lettre sont fausses.
Charles VII ne devait entrer à Rouen que dans vingt ans, à Paris dans
sept ans. Morosini analyse la lettre de noble Jean de Molins. Il peut se
faire qu'il ait transcrit comme un fait accompli ce que celui-ci donnait comme une conjecture probable. II est certain que la nouvelle de la
défaite de Patay consterna les Anglais. Quand elle fut donnée au conseil,
aucuns (plusieurs), dit Monstrelet, se mirent fort à pleurer. On s'attendait
à voir les vainqueurs fondre sur Paris. Chuffart écrit dans son Journal:
Le mardi devant la Saint-Jean (21 juin) fut grande émeute (émoi) que les
Arminalx devoient entrer cette nuit à Paris, mais il n'en fut rien. Au loin
on aura donné comme un fait accompli ce qui pouvait vraisemblablement
se réaliser. La lettre de la Pucelle aux Anglais avait eu une divulgation
fort étendue. Jeanne qui n'y dit rien du sacre à Reims y parle de l'entrée
du roi à Paris. On aura supposé qu'elle s'était portée sur la Capitale,
aussitôt après la victoire de Patay.
La réconciliation était loin d'être opérée. C'était pourtant le but dernier
poursuivi par la Pucelle ; elle ne faisait la guerre que pour arriver à une
paix ferme et durable, qui, ainsi que le dit Gerson, permit de servir Dieu
dans la justice et la sainteté.
En poussant la cour et l'armée à la confession, elle les exhortait par
suite à la pénitence ; elle la pratiquait elle-même avec une rigueur qui
fait penser à ce que Louis de Gonzague devait faire après elle.
Dans les trois lettres citées, il est question de Rome, à laquelle l'accusée
de Rouen devait, disent les témoins, faire des appels réitérés.]
Lettre IV :
REMARQUES. — [Il suffit de lire une des chroniques du second ou du
quatrième livre du présent volume pour voir les inexactitudes que noble
de Molins mêle à la nouvelle de la prise de Baugency et de la victoire de
Patay : inutile de les relever.
L'effet de tant de succès fut immense ; mais puisque, à la date du
30 juin, il ne donne la reddition de Paris que comme une conjecture, à
plus forte raison n'a-t-il pas dû la présenter comme un fait à la date
du 23.
L'on remarquera combien l'on était convaincu que tout était perdu, sans
l'intervention divine que la Pucelle manifesta. Le rapprochement de la
Libératrice française avec la Libératrice du genre humain s'est fait dès
la première heure, tant il est naturel.
Dès la première heure aussi, on a pensé que le relèvement de la France
n'était pas le but dernier de la mission de la Pucelle. Cela se trouve bien
clairement exprimé dans les stances de Christine de Pisan. Dieu ne faisait un tel miracle en faveur de la nation française, qu'afin de préparer l'instrument dont il voulait se servir dans l'intérêt de la chrétienté et du
monde. Qui mesurera ce qui se serait passé, si fidèle à la direction et
aux demandes de Jeanne, l'on eut opéré les réformes qu'elle sollicitait ?]
Lettre V :
REMARQUES. — [Cette lettre a manifestement pour but de confirmer des nouvelles déjà données, et que l'on aurait d'abord refusé de croire, à ce qu'il semble.
Si le sacre n'a pas eu lieu avant la Saint-Jean, il faut l'imputer aux tergiversations de la cour, dont la Libératrice se plaignait si vivement. Elles étaient une faute au point de vue naturel ; il fallait profiter de la victoire, sans donner à l'ennemi le temps de se ressaisir.
Cette lettre, comme les précédentes, présente Paris comme l'objectif principal; en le pensant ainsi, on ne s'écartait pas de la pensée de la Pucelle, qui avait promis de mettre le roi dans Paris, comme elle avait promis de le faire sacrer à Reims.]
Lettre VI :
1. La prophétie telle qu'elle se trouve dans Morosini n'a aucun sens. Le vrai texte
est celui que Bréhal cite dans son Mémoire, et qu'il interprète en ne tenant compte,
selon les règles, que des lettres usitées pour les nombres inférieurs. (Voy. La Pucelle
devant l'Église de son temps, p. 455.)
REMARQUES. — [Cette lettre dans son ensemble, à quelques inexactitudes près sur la délivrance d'Orléans, est en parfaite conformité avec
les documents connus; elle les complète sur plusieurs points, notamment sur l'étendue et la nature de la mission reçue. Le couronnement à Reims n'est qu'une étape, Reims n'est pas même nommé. La
Pucelle doit expulser totalement l'envahisseur, bien plus, passer en
Angleterre pour délivrer le duc d'Orléans, si cette délivrance ne peut
pas être obtenue à l'amiable. Jeanne a d'elle-même affirmé ce dernier
point au procès de Rouen dans la séance du 12 mars, séance du soir.
La mission est conditionnelle. Le Dauphin doit obéir aux ordres que
le Ciel lui intimera par son Envoyée. Une réforme générale doit être
opérée; réconciliation avec Dieu, réconciliation de tous les partis qui
divisent les défenseurs de la cause nationale; bien plus réconciliation
finale avec les Anglais. Si le parti que la jeune fille vient relever est infidèle, au lieu des bénédictions promises ce seront d'épouvantables châtiments. Gerson, dans son Mémoire composé après la délivrance d'Orléans,
avait depuis déjà deux mois dit la même chose, et indiqué les grandes
lignes de la réforme à opérer. L'on ne comprendra ni l'histoire, ni la
mission de la Libératrice, tant qu'on s'obstinera à voiler cet aspect.
Ce qu'il dit de la sainteté de la jeune fille, et en particulier de son
incroyable tempérance est universellement attesté : iera begina, c'est, à
notre connaissance, le seul texte dont on pourrait induire qu'elle appartenait à quelque confraternité ou tiers-ordre. Aucun n'est spécifié.
Ce qui est dit des épreuves auxquelles la jeune fille fut soumise avant
d'être mise à l'œuvre est exact, ce n'est que par cette lettre que nous
connaissons l'épreuve par la communion.
Deux mille guerriers se seraient joints avec Jeanne aux deux mille
cinq cents qui étaient déjà dans Orléans, et les assiégeants auraient été
six mille. Ces chiffres sont très plausibles et conformes à ceux de l'abbé
Dubois.
Les incidents de la délivrance d'Orléans sont rapportés d'une manière
inexacte : le correspondant place à la prise de Saint-Loup des faits qui
se sont passés à la prise des Tourelles; c'est peu étonnant ; le correspon-
dant était loin des lieux, et les récits des trois jours de combat devaient
lui être faits d'une manière confuse.
Jargeau fut bien emporté le 12 juin, mais la Pucelle n'y était venue
que le 11. Les capitaines restés à Orléans avaient fait vers le 15 mai, en l'absence de la Pucelle, une tentative infructueuse contre Jargeau. De là l'erreur du correspondant.
Le 10 juillet, le duc de Bourgogne entrait effectivement à Paris. Il
jouait double jeu puisque ses ambassadeurs étaient à Reims le 17.
Ce qui est dit du cardinal d'Angleterre est aussi conforme à la vérité.
Dans son ensemble, cette lettre est un des beaux documents de l'histoire de la Pucelle. L'on ne peut pas en dire autant du tissu des fables de la suivante.]
Lettre VII :
1. M. Della Santa publia dans les nos des 17 et 24 février 1895 de la Scintilla, journal vénitien, un texte des deux lettres suivantes, tiré des archives du couvent de Saint-Georges-en-l'Ile. Il présente d'assez nombreuses variantes avec celui de Morisini, et en quelques passages rend Morisini intelligible.
Lettre VIII :
/
Lettre IX :
1. L'auteur de la lettre devait écrire à un partisan des Anglais.
OBSERVATIONS. — [La remarque de Morosini est tout ce qu'il y a à
retenir de ces dernières lettres. Pas une goutte de sang ne fut versée à
Auxerre. Les chroniqueurs nous l'ont dit à l'envie. On aura peut-être
placé à Auxerre, en le dénaturant sans limites, le massacre des prison-
niers que la Pucelle fut impuissante à empêcher après la prise de Jargeau.
Le lecteur a pu voir voir qu'un bruit semblable avait couru en France,
s'il a lu la lettre de Jacques de Bourbon La Marche à l'évêque de Laon,
ou qui lui est du moins attribuée.
Ce qui est dit de La Hire est une altération du rôle glorieux qu'il joua
à Patay.
L'on ne s'explique pas le conte à propos de la couronne de saint Louis.
L'accusée de Rouen, pressée de dire le signe qu'elle avait donné au roi,
répondit par l'allégorie de la couronne qu'un ange aurait apportée au roi ;
et elle donna à ce propos des réponses qui, sans trahir le secret qu'elle
avait juré de ne pas révéler, étaient cependant pleines de justesse. Peut-être que, pressée aussi par l'importunité de curieux indiscrets, alors qu'elle entrait en scène, elle aurait fait une réponse de ce genre. L'imagination populaire aura ajouté le reste.
Le duc de Bar ne rejoignit son beau-frère que quinze jours après le
sacre. En juillet, comme le remarque la Chronique dite des Cordeliers, il
était avec son beau-père au siège de Metz. C'est seulement à Compiègne
que la Libératrice s'est trouvée les armes à la main en face du duc de
Bourgogne.
Qu'on remarque comment dans toutes ces lettres on parle de la sou-
mission, de la conquête de Paris, beaucoup plus que du sacre à Reims.
C'est qu'en effet la Pucelle se donnait comme devant introduire le roi à
Paris, non moins que comme devant le faire sacrer à Reims.
Ceux qui s'étonneraient de ce que la renommée mêlait de faussetés un
récit d'événements que l'histoire n'a enregistrés qu'une fois, n'ont qu'à
se rappeler les contes que l'on faisait circuler l'année de nos grands désastres. C'est encore plus étonnant que ceux que l'on vient de lire, car c'étaient des contre-vérités.]
Lettre X :
REMARQUES. — [Il faut observer ici la discrétion du correspondant,
qui ne donne comme certain que le débarquement du Cardinal, la convocation des troupes féodales dans les terres du duc de Bourgogne, et
présente le reste comme des bruits qui trouvent des contradicteurs. Le
duc Philippe s'était bien rendu à Paris, où il entra le 10 juillet ; mais
en même temps qu'il resserrait son alliance avec les Anglais, il faisait des
propositions de paix à Charles VII, et envoyait des ambassadeurs à Reims.
Double jeu qui ne devait que trop lui réussir.
En conjecturant que Charles VII allait se faire sacrer, s'il ne l'était pas
déjà, Pancrace voyait juste. En disant qu'aussitôt après le sacre, il se
rendrait dans son pays, il semble bien, d'après ce qui suit, qu'il faut
entendre l'Ile-de-France.
Remarquer encore comment la Pucelle disait qu'elle devait absolument et entièrement chasser les Anglais du royaume.]
Lettre XI :
REMARQUES. — [Cette lettre, si remplie de nouvelles, en contient fort
peu qui soient fausses. Le duc d'Alençon combattait dans l'armée de la
Pucelle, avec le titre de lieutenant général du roi. Il se rapprochait des frontières de la Normandie par la soumission du Beauvaisis. A cette date, Saint-Denis n'était pas démantelé, s'il l'a jamais été; cependant le Journal de Chuffard nous apprend que les habitants de la campagne, par crainte des Armagnacs, fuyaient à Paris, emportant leurs blés moissonnés ayant le temps. Le comte de Nevers était le beau-fils du duc Philippe, et en même temps son cousin germain. Il inclinait vers la cause française, quoiqu'il ne fût pas en position de la soutenir comme il l'aurait voulu. Le duc Philippe avait épousé la mère du jeune comte,
Bonne d'Artois, que la défaite d'Azincourt avait rendue veuve. C'était sa
tante par alliance. Elle mourut après quelques mois de mariage, mais
le duc conserva la tutelle de ses beaux-fils, tout en convolant à un
troisième mariage.]
Lettre XII :
/
Lettre XIII :
REMARQUES. — [L'on voit l'impatience du chroniqueur de connaître la
suite des événements de France. Loin d'admettre la thèse insoutenable
de la fin de la mission à Reims, à défaut de nouvelles positives il suppose que de très grandes choses ont dû se passer. Il en eût été ainsi
sans les désastreuses trêves que, justement, il a de la peine à concilier
avec le siège de Paris.]
Lettre XIV :
REMARQUES. — [Ce n'était pas avec le fils du duc de Bourgogne, mais avec le duc lui-même que le mariage devait avoir lieu. Pancrace Justiniani avait parfaitement raison d'être ébahi d'une trêve qui reste une des énigmes de l'histoire. Il a été déjà dit plusieurs fois dans quelle fausse situation elle mettait la Libératrice, et quelle situation inextricable elle créait.]
Lettre XV :
REMARQUES. — [Les Français remportèrent en réalité quelques avantages en Normandie ; ils auraient été beaucoup plus marqués si, après le
retour du roi aux bords de la Loire, on avait autorisé la Pucelle à aller
avec le duc d'Alençon porter la guerre dans cette province. Puisque la
trêve empêchait d'attaquer Paris, remis au gouvernement du duc de
Bourgogne, c'est en Normandie qu'il fallait poursuivre l'Anglais qui avait
refusé d'accéder à la trève.
La Pucelle n'avait pas pris de place aux environs de Paris. Depuis la
retraite effectuée le 13 septembre, elle avait été retenue en deçà ou aux
bords de la Loire. Le roi ne faisait pas les grands préparatifs signalés par
Justiniani. A remarquer ce qu'il dit, que l'Université de Paris, ennemie
acharnée du parti national, avait dénoncé à Rome la Libératrice comme
hérétique. Il serait à souhaiter que l'on cherchât dans les archives
romaines, spécialement celles du Saint-Office, si des pièces confirment
semblable assertion. Fort remarquable aussi ce qu'il dit du chancelier
Gerson, et de l'intérêt que portaient à la cause française le doge et
l'aristocratie vénitienne.]
Lettre XVI :
REMARQUES. — [Pancrace Justiniani avait parfaitement raison de ne
pouvoir pas s'expliquer la prolongation des trêves, et il devinait bien les
intentions du duc de Bourgogne. On exagérait à Bruges les succès des
Français en Normandie. Le secrétaire du duc d'Orléans outrait sans
mesure les conquêtes du parti national. La Pucelle, à cette date, de retour
de l'échec contre La Charité, était contre son vouloir retenue à la cour,
et Charles VII était loin de posséder en argent et en hommes les res-
sources qui lui sont attribuées.]
Lettre XVII :
REMARQUES. — [Pancrace Justiniani donnait une nouvelle preuve de
son bon jugement en ne croyant pas à la conquête de Chartres. Ce qu'il
dit de la prise de Château-Gaillard et de la prochaine venue du roi d'Angleterre est exact.]
Lettre XVIII :
REMARQUES. — [Pour être tirées de plusieurs lettres, ces nouvelles,
sauf la conjuration de Paris, dont le chef était un Carme et non pas un
Franciscain, n'en sont pas plus vraies. Ni le roi, ni la Pucelle n'avaient
fait de nouvelles tentatives contre Paris ; il y eut d'heureux coups de
main, et des razzias de la part des Armagnacs du voisinage. Le bâtard de
Saint-Pol y fut pris.
Je cherche inutilement ce qui a pu donner lieu à ce qui est raconté ici
de Jean de Luxembourg devant Compiègne.]
Lettre XIX :
REMARQUES. — [Ce qui est dit du prince d'Orange et des nobles de
Savoie est vrai ; c'est la fameuse victoire d'Anthon ; mais la dernière
phrase est une contre-vérité. La victoire d'Anthon fut remportée le
11 juin, et la Pucelle avait été prise le 23 mai ; elle était prisonnière depuis
près de vingt jours. Il sera bien question de sa captivité; mais nulle part,
dans ce qui nous a été transmis de Morosini, nous n'avons trouvé une ligne
sur la manière dont elle est tombée entre les mains des ennemis. On a dû cependant en écrire à Venise.]
Lettre XX :
[La première partie de la lettre est fausse de tout point,
la seconde n'était malheureusement que trop vraie.
Dans trois lettres, ou relations inscrites à la suite par Morosini sur les affaires de France, il n'est pas question de la Pucelle. Ces nouvelles étaient d'ailleurs fausses pour la plupart. Le seul correspondant bien informé est Pancrace Justiniani. Morosini lui emprunte une lettre qu'il annonce ainsi :]
Lettre XXI :
REMARQUES. — [Dans ces lignes fort vraies, Justiniani, on peut s'en convaincre en lisant le texte, multiplie les termes pour exprimer soit l'excellente vie de la Pucelle, soit l'universalité du témoignage qui l'atteste.]
Lettre XXII :
REMARQUES. — [C'est, avec la suivante, l'unique assertion positive des
efforts tentés par Charles VII pour délivrer celle qui lui avait mis la
couronne au front.]
Lettre XXI :
REMARQUES. — [Dans ces lignes fort vraies, Justiniani, on peut s'en convaincre en lisant le texte, multiplie les termes pour exprimer soit l'excellente vie de la Pucelle, soit l'universalité du témoignage qui l'atteste.]
Lettre XXIII :
1 lisez: Anglais ou faux Français
Article de Léopold Delisle à propos de la chronique de Morosini :
Léopold
Delisle dans le "Journal des savants" d'août
1895 (p.511 à 518) raconte comment, grâce au père
Ayroles, il a découvert la chronique d'Antonio Morosini qui
avait échappé à Jules Quicherat. Trouvée
dans un manuscrit de la bibliothèque Saint-Marc à
Venise, voici la relation de cette découverte qui nous permet
également d'avoir un aperçu de la valeur de cette
chronique :
"Au mois de mai dernier, le R.P Ayroles, qui poursuit
avec ardeur ses recherches sur l'histoire de Jeanne d'Arc, voulut
bien m'entretenir d'un opuscule publié à Trieste en
1892, dans lequel Mme Adèle Butti avait signalé l'intérêt
d'une chronique italienne d'Antonio Morosini. Cette chronique, d'après
les indications de Mme Butti, devait contenir vingt et une pages
in-folio relatives à la Pucelle, et il en existait deux copies
modernes : l'une à la bibliothèque impériale
de Vienne, en caractères illisibles, l'autre à la
bibliothèque St Marc à Venise, cette dernière
ayant été faite d'après l'exemplaire de Vienne,
et l'exactitude en avait été vérifiée
par M. le commandeur Bartolomeo Cecchetti.
Le R.P Ayroles me pria de lui faire copier les pages
du manuscrit de Venise (t.II, p.983-1004) que Mme Butti avait mentionnées
comme se rapportant à Jeanne d'Arc. Je m'adressai à
mon savant et obligeant collègue M.Carlo Castellani, préfet
de la bibliothèque de Saint-Marc, qui, peu de jours après
m'envoya la transcription des passages visés par Mme Butti.
M. le sous-bibliothécaire Vittorio Baroncelli, qui avait
exécuté la copie avec le plus grand soin, voulut bien
m'avertir que l'exemplaire vénitien, classé à
Saint-Marc sous la côte Ital.cl.VII, n° MM.XLVIII, était
la copie de l'exemplaire conservé à la bibliothèque
de Vienne sous les n°6586 et 6587. Il ajoutait que Mme Butti
n'avait pas renvoyé à tous les articles qui concernaient
Jeanne d'Arc, et il m'offrait de compléter son travail en
transcrivant tout ce qui touchait à un sujet si cher aux
Français. J'acceptai sa proposition avec empressement et,
grâce à M. Vittorio Baroncelli, le R. P. Ayroles est
aujourd'hui en possession de tout ce que Morosini nous a transmis
sur les faits de Jeanne d'Arc. Espérons qu'il ne tardera
pas à nous faire jouir du trésor dont il a le mérite
de nous avoir révélé l'existence !
Je me suis empressé de faire part de cette découverte
à la Société de l'Histoire de France qui en
publiant le recueil de Quicherat, a ouvert des voies nouvelles aux
historiens de la Pucelle. C'est d'ailleurs, cette compagnie qui
parait devoir être appelée à mettre en lumière,
non pas le texte complet de la Chronique de Morosini, mais au moins
les parties de cette chronique qui intéressent directement
notre pays. Il y aura là, n'en doutons pas, la matière
d'une très curieuse publication, dont s'occupe déjà
M. Germain Lefèvre-Pontalis, et que ce jeune savant saura
mener à bonne fin.
Un examen rapide des extraits du manuscrit de Saint-Marc
me porte à croire que la partie originale de la Chronique
de Morosini est beaucoup moins un récit suivi qu'un recueil
de relations adressées soit aux magistrats de la Sérénissime
République ; soit à de notables Vénitiens,
pour les tenir au courant des événements qui s'accomplissaient
dans les pays avec lesquels ils entretenaient des rapports
de commerce.
Les guerres dont la France était le théâtre
devaient jeter une grande perturbation dans les opérations
des négociants de Venise. De là, nécessité
pour eux d'être exactement renseignés sur la situation
des partis, sur la marche des armées et sur les intrigues
diplomatiques. A cette fin, ils avaient organisé un système
de courriers qui leur apportaient des dépêches rédigées
par des agents généralement bien informés ;
ils se faisaient, en outre communiquer les nouvelles arrivées
dans différentes cités de la haute Italie.
Les lettres et les bulletins de ce genre qu'Antonio Morosini
a rassemblés forment un véritable journal, dont j'ai
pu apprécier le caractère et l'importance en parcourant
une partie des pièces relatives à Jeanne d'Arc. On
en jugera par une courte analyse de plusieurs des morceaux sur lesquels
il m'a été donné de jeter les yeux (1).
Ce sont généralement des lettres privées, écrites
d'Avignon, de Marseille et surtout de Bruges en dialecte vénitien.
Je commence par citer le passage où sont décrites
les armes et l'étendard de la Pucelle :
..."ladite damoiselle s'est fait faire une armure à
sa taille. Elle chevauche et va armée de toutes pièces
comme un soldat, et plus merveilleusement. Il paraît qu'elle
a trouvé dans une église une très antique épée
sur laquelle, dit-on, il y a huit croix, et elle n'a point d'autre
arme.
Elle porte aussi, un étendard blanc sur lequel est
Notre Seigneur, tel qu'on le figure sur les images de la Trinité
; d'une main, il tient le globe et de l'autre il bénit. De
chaque côté est un ange présentant des fleurs
de lys comme celles des rois de France."
Je prendrai maintenant quelques extraits des dépêches
postérieures. D'une lettre écrite de Bruges, le 16
juillet 1429, par Pancrace Giustiniani à son père
Messire Marc :
..."Le Dauphin est passé à Troyes, avec l'intention
d'aller à Reims ; il ne fait rien sans le conseil de la damoiselle,
laquelle dit qu'elle chassera les Anglais de France."
Lettre- du même, datée de Bruges, le 27
juillet 1429 :
..."Ci-dessous je dirai ce que j'ai appris des nouvelles
de France le 27 de juillet. On sait de certain, par diverses voies
que, environ le 12 de ce mois, le Dauphin eut Troyes de Champagne
; avant qu'il l'eut, ceux du dedans voulaient un répit de
trois jours, et puis volontairement la ville se rendit à
lui comme à son vrai seigneur, et lui pacifiquement pardonna
à tous ses habitants et les reçut avec bonté,
et tout de suite, par le commandement de la Pucelle. On dit qu'elle
est la tête, le moyen, la directrice de tout, et on dit qu'elle
suit le Dauphin ; et qu'il y a avec eux vingt-cinq mille hommes
de cette troupe, sans ceux qui sont aux confins de la Normandie
avec le duc d'Alençon.
"Partis de Troyes, ils sont venus à Reims,
où tous les rois de France se font sacrer ; ils y arrivèrent,
le samedi 16ème jours de ce mois, et sans aucune difficulté
leur furent ouvertes les portes de la ville ; et le dimanche 17,
le Dauphin fut sacré avec toutes les cérémonies,
et le sacre dura depuis tierce jusqu'aux vêpres, et la nouvelle
en est arrivée par beaucoup de voies."
Une lettre du même, écrite de Bruges le 20 novembre
1429, arrivée à Venise le 23 du mois suivant, fait
allusion à une lettre du 4 novembre, qui avait été
expédiée par la scarsela. Cette scarsela dont il est plusieurs fois fait mention devait être la valise
des courriers qui faisaient le trajet entre Bruges et Venise.
La lettre du 20 novembre donne les nouvelles qu'avait
apportées un ambassadeur du duc de Bourgogne, arrivé
de Paris la veille ; c'est-à-dire le 19 novembre. Le bruit
courait courait que le Roi de France se mettait en mesure de tenir
la campagne, au prochain printemps, avec une troupe extrêmement
nombreuse. "On dit entre soi que le roi aurait cent mille
hommes sur pied, c'est possible mais cela me paraît un bien
gros chiffre. Tous se mettent en mouvement aux paroles de la Pucelle,
laquelle, à coup sûr est en vie. Et bien nouvellement
elle a pris d'assaut un château très fort à
cinq lieues de Paris. Elle a aussi pu combattre sur la Loire. On
raconte depuis peu de jours tant de choses des faits de celle-ci
que, si c'est vérité, c'est à emerveiller ceux
qui le croient et ceux qui ne le croient pas. A mon sens, chacun
suivant sa guise, le redresse et l'arrange, l'amplifie ou le diminue
comme il le trouve bon, mais tant y a que tout le monde s'accorde
à dire qu'elle est toujours avec le roi, et tout ce qui se
fera de nouveau aura le même principe ; le croire n'est pas
mal, et qui ne le croit pas ne fait cependant rien contre la foi."
Le 25 juin 1430, on annonce à la seigneurie ducale
la victoire remportée à Authon, le 11 de ce mois,
par le sire de Gaucourt et Rodrigue de Villandrando. Le bulletin
se termine par ces mots : "la demoiselle est en bonne santé,
très active et illuminée de la grâce de Dieu
; son entreprise réussit" (2)
Nouvelles envoyées de Bruges le 3 juillet 1430
:
..."On dit que, le jour de l'Ascension (24 mai), la damoiselle
était toujours avec le Roi. On dit aussi qu'elle a été
prise par le Duc de Bourgogne. Nous ne savons pas ce qu'il en est,
on l'apprendra. Depuis, le bruit a couru que la damoiselle avait
été enfermée avec plusieurs autres damoiselles
dans une forteresse, sous bonne garde ; mais grâce à
Dieu, la garde ne l'a pas empêchée de s'en aller. Elle
est retournée au milieu de ses gens, sans dommage pour sa
personne."
Nouvelles de Bruges envoyées le 24 novembre 1430,
reçues à Venise le 19 décembre :
..."La Pucelle a été envoyée à
Rouen, au roi d'Angleterre, par Jean de Luxembourg, qui l'a livrée
pour 10.000 couronnes. On ne sait ce qui en adviendra ; mais on
redoute que les Anglais la fassent mourir. Vraiment ce sont des
grandes et étranges choses qu'elle a faites. On écrit
qu'elle a parlé à beaucoup de gens depuis qu'elle
est prisonnière. Tout le monde s'accorde à dire qu'elle
est de bonne vie, très honnête et très sage."
Autres nouvelles de Bruges, en date du 15 décembre
1430 :
..."La Pucelle serait aux mains du Duc de Bourgogne, et
beaucoup en tirent la conséquence que les Anglais l'auraient
pour de l'argent ; et le Dauphin l'ayant su envoya une ambassade
dire au Duc que pour rien au monde il ne devait consentir à
un tel marché."
Une dernière lettre, du 22 juin 1431, a trait
au supplice de l'héroïne :
..."La noble damoiselle avait été gardée
à Rouen dans une très étroite prison ; on disait
que, par deux ou trois fois, les Anglais l'avaient voulu faire brûler
comme hérétique, n'eût été messire
le Dauphin de France, qui a envoyé moult menacer les Anglais
; mais nonobstant cela, à la troisième fois, beaucoup
d'Anglais, avec l'aide de quelques Français, la firent ardre
à Rouen. Elle, avant le martyre, était bien contrite,
et très pieusement disposée ; on dit qu'alors lui
apparut Madame sainte Catherine, vierge, qui la réconfortait
en lui disant "Fille de Dieu, reste ferme dans ta foi, et avec
cela tu seras au nombre des vierges du paradis dans la gloire".
Et après elle mourut avec contrition. De quoi Messire le
Dauphin, roi de France, mena un deuil très amer, annonçant
l'intention de tirer une vengeance terrible des Anglais... On prétend
que les succès des Français sont la cause du supplice
de la Pucelle, les Anglais disant "la damoiselle une fois morte,
l'entreprise du Dauphin ne réussira plus". Plaise à
Dieu que ce soit le contraire !"
Ce simple aperçu doit suffire, je crois, pour
montrer l'utilité du travail à entreprendre en France
sur la Chronique d'Antonio Morosini. Il est fort étonnant
que personne ne s'en soit jusqu'ici occupé et que l'auteur
d'un aussi curieux recueil ait passé inaperçu. Le
nom d'Antonio Morosini ne figure pas dans les grands répertoires
biographiques et bibliographiques. On le chercherait vainement dans
la Bibliotheca historica medii oevi de Potthast et même
dans la Bio-bibliographie du chanoine Ulysse Chevalier. J'ai cependant
réussi à trouver sur l'œuvre et sur l'auteur
des renseignements consignés dans deux livres imprimés,
bein connus des érudits.
Les notes de M.Baroncelli m'avaient appris que la copie
de la bibliothèque de Saint-Marc représentait les
manuscrits 6586 et 6587 de la bibliothèque impériale
de Vienne. Je n'eus qu'à ouvrir le tome V des Tabalæ
codicum manuscriptum ..Vindobon (p.23) pour y lire une notice
ainsi conçue :
...6586-6587 (Foscarini 234-235). Chartacei XV sæculi,
319 et 393 fol - Antonio Morosini, "Cronica veneta" ab
urbe condita usque ad annum millesimum quadringentesimum trigesimum
tertium ; ab initio inutila.
Toute brève qu'elle est, cette notice nous édifie
sur deux points essentiels : 1° le manuscrit de Vienne date
du XV° siècle et n'est pas une copie moderne, comme le
croyaient les correspondants du P. Ayroles - 2° il a fait partie
de la bibliothèque du célèbre Marco Foscarini,
doge de Venise, mort le 31 mars 1763.
Or il existe un catalogue détaillé des
manuscrits de Marco Foscarini, que le gouvernement autrichien acquit
au commencement de ce siècle pour 10.880 livres vénitiennes
et qui arrivèrent à Vienne le 2 avril 1801. Ce catalogue,
rédigé par Tommaso Gar a été inséré
en 1843 dans le tome V de l'Archivio storico italiano, lequel
porte comme second titre : Storia arcana ed altri scritti
inediti di Marco Foscarini, aggiuntovi un Catalogo, dei manoscritti
storici della sua collezione (Firenze, Vieusseux, 1843 ; in-8°)
La notice consacrée dans ce catalogue
aux manuscrits CCXXXIV et CCXXXV de la collection Foscarini
est ainsi conçue :
Cod. ccxxxiv, n° 6586.
Ms.
sur papier du xv° siècle, difficile à lire, bien
conservé, 320 feuillets in-4°
CRONACA VENETA DI ANTONIO MOROSINI, depuis l'origine
de la ville jusqu'en 1433.
Première partie de 1192 à 1415.
Cette chronique arrive à la connaissance de Foscarini
quelques années après la publication de sa Letteratura
veneta ; voilà pourquoi il n'en est pas question dans
cet ouvrage.
La valeur de la chronique ressort d'une note annexée
au manuscrit et qui a peut-être été rédigée
par Foscarini lui-même.
En voici la teneur :
"La présente chronique ainsi appelée
par l'auteur, qui fut comme on le voit au feuillet 6o4 du manuscrit,
Antonio Morosini.q.Marco ; est incomplète des cinquante premiers
feuillets, on voit cependant que, conformément à l'usage
des autres chroniqueurs, il a ecrit des annales succinctes en suivant
la chronologie des Doges. Les cinquante feuillets qui manquent
au commencement contenaient l'histoire de la ville de Venise depuis
la fondation jusqu'à 1192, date de l'élection du doge
Enrico Dandolo.
Plus l'auteur se rapproche du temps où il a commencé
à écrire, plus il abonde en renseignements. On peut
supposer qu'il se mit à l'œuvre en 1374, mais ce ne
fut certainement pas après 1380, et il descend jusqu'au cours
de l'année 1433 ; on ne peut savoir l'époque précise
où il s'est arrêté, car il manque beaucoup de
feuillets à la fin du manuscrit.
Cette chronique que l'on pourrait appeler un très
exact journal à partir de 1374, a une valeur inestimable.
On y voit les moindres affaires et les faits les plus considérables
de la République, les guerres offensives ou défensives
qu'elle a entreprises, soit seule, soit avec des alliés,
tant contre des puissances isolées que contre des princes
ligués ; les délibérations du conseil des Pregadi,
moins les actes qui devaient rester secrets ; les séances
du Grand Conseil, avec le nombre des membres présents, le
texte des motions proposées et le résultat des votes,
l'envoi et le retour des ambassadeurs ; les commissions qu'ils recevaient,
et les réponses qu'ils adressaient ; les expéditions
des navires pour l'Egypte, la Syrie, Constantinople, Azof, Trébizonde
et les autres parties du Levant, Aigues-Mortes et l'Angleterre ;
les noms des capitaines et des commissaires, la nature et la valeur
des chargements qu'ils portaient dans ces pays et des marchandises
qu'ils en ramenaient. Antonio Morosini désigne les personnes
dont il parle par les noms et les surnoms, auxquels il joint l'indication
du père et celle du pays d'origine. Il mentionne les navires
naufragés, ceux qui tombaient entre les mains des ennemis
en temps de guerre, et ceux qui étaient la proie des corsaires
; à propos des bâtiments perdus ou pillés de
part et d'autre, il fait connaitre exactement ce qu'ils portaient,
la valeur et la qualité du chargement, les noms des morts,
des blessés et des prisonniers ; il donne des renseignements
sur les inondations, sur les dommages qui en résultaient,
sur les épidémies, les tremblements de terre et les
tempêtes, les grêles, les pluies successives et les
sécheresses ; il décrit les processions faites pour
obtenir de Dieu la cessation des calamités, et pour lui rendre
grâces des victoires remportées. De tous les faits
qu'il rapporte, il n'indique pas seulement l'année et le
jour, il fixe encore l'heure à laquelle ils ont eu lieu.
On trouve aussi dans la chronique la liste des grands princes qui
sont venus à Venise, la façon, dont ils ont été
reçus et traités, les présents qui leur ont
été offerts, les joutes données en leur honneur,
les récompenses remises aux vainqueurs. Enfin, ce qui donne
le plus de prix à la chronique, c'est que l'auteur y a exactement
enregistré, avec force détails, toutes les guerres
de l'Europe, et aussi celles de l'Asie et de l'Afrique, qui avaient
quelque rapport avec le commerce des Vénitiens. Dans les
pages consacrées à la guerre entre la France et l'Angleterre,
on remarque les faits de la Pucelle d'Orléans. Morosini relate
tout ce qui est arrivé au concile de Constance, il rapporte
les conditions des ligues et des traités de paix, il reproduit
des lettres écrites des différents lieux au sujet
de batailles et autres faits considérables ; en somme c'est
l'histoire générale, très exacte de plus d'un
demi-siècle.
Cette chronique ou journal est écrite en langue
vénitienne, en termes très simples, dont quelques-uns
ne sont plus en usage. Chez l'auteur brille la vérité
, la simplicité, l'impartialité, toutes qualités
qui se rencontrent chez si peu d'écrivains ; et d'un bout
à l'autre du recueil se révèlent avec une profonde
sincérité les sentiments d'un patriote jaloux de la
gloire de son pays et du bien public ; on y sent les battements
d'un cœur vraiment chrétien"
Le manuscrit fut donné en 1756 à Marco
Foscarini par le signore Annibale degli Abati Olivieri di Pesaro,
également illustre par sa naissance et par son amour des
lettres. On l'a relié pour plus de commodité en deux
tomes qui portent les titres de première et seconde partie.
Au paragraphe 3 du feuillet 515, il est dit que l'auteur
de la chronique eut une sœur mariée à Francesco
Cornaro da S.Fosca, lequel eut un fils du nom de Donato.
Au feuillet 520, à la fin du premier paragraphe,
nous voyons aussi que l'auteur se nommait Antonio Morosini. D'après
le paragraphe 2 du feuillet 566, il eut un frère nommé
Giusto. Il était en 1431 commissaire de la galée de
Corone.
Nous voilà donc bien fixés sur la date
à laquelle vivait Antonio Morosini, sur la source et la nature
des renseignements qu'on peut espérer trouver dans sa chronique
et sur la nécessité d'y recourir pour étudier
l'histoire comprise entre les années 1374 et 1433.
Est-ce le caractère d'addition au récit
continu, caractère que ces informations présentent
à un degré assez marqué, est-ce leur forme
par trop accentuée de légende, qui a fait exclure
cette seconde série de la plupart des manuscrits, en ne la
conservant que dans le manuscrit 2913 de la bibliothèque
impériale de Vienne ? Peut-être ces deux motifs ont-ils
concouru l'un comme l'autre à ce bizarre ostracisme.
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