Son histoire
par Henri Wallon
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La chronique de Charles VII
Thomas Basin - index
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Ce fut une vie bien agitée que celle de Thomas Basin. Le docte évêque
nous en a décrit les vicissitudes dans une autobiographie qu'il nous a laissée
sous ce titre : Sommaire de la pérégrination et des domiciles au nombre de
quarante-deux, de Thomas Basin, d'abord évêque de Lisieux en Normandie,
maintenant archevêque de Césarée en Palestine, dans sa marche à travers
le désert de la vie, vers la vraie terre promise ; écrit à Utrecht en mai 1488.
Basin avait alors soixante-seize ans. Un autre de ses opuscules personnels qui porte le titre d'apologie nous fait encore mieux pénétrer dans le
fond de cette existence. En voici les principales péripéties.
Thomas Basin naquit la même année que celle dont il devait défendre
la mémoire, en 1412, à Caudebec, d'une famille de riches bourgeois. Ce
fut de bonne heure que le petit Thomas prit le chemin de l'exil. Les
Anglais envahissaient la Normandie en 1415. Le père de l'enfant se retira
avec sa famille, d'abord à Rouen, et successivement à Vernon, à Falaise, à Saint-James Beuvron, à Rennes, et enfin à Nantes. Il rentra à Caudebec
en 1419.
Thomas montrait pour l'étude un goût et des dispositions précoces;
pour les favoriser, son père l'envoya à l'âge de douze ans, sous la conduite d'un précepteur, à l'Université de Paris. Avant l'âge, l'adolescent pouvait
aspirer à la maîtrise ès arts ; par dispense, il obtint ce degré à dix-sept
ans. Il se rendit à la suite à Louvain pour y étudier le droit civil, alla le
continuer à Pavie, et en revint licencié. Après le droit civil, il s'appliqua
au droit canonique à Louvain, prit ses degrés, et vint passer quelque
temps à la cour pontificale sous Eugène IV.
Rentré en Normandie, il ressentit tant de douleur à la vue de l'oppression
et de la tyrannie anglaise, qu'il résolut de repartir pour l'Italie.
Les chemins par la France n'étaient rien moins que sûrs ; Thomas résolut
de s'y rendre par la Hollande et l'Allemagne. Dans la traversée de
Caudebec à Amsterdam, le vaisseau qu'il montait fut poursuivi par des
corsaires, si bien que le commandant n'eut d'autre ressource que de se
jeter dans la Tamise et de remonter à Londres. Une maladie mortelle y
retint durant deux mois le jeune canoniste, qui, guéri, n'eut rien de plus
pressé que de reprendre son itinéraire vers l'Italie. Arrivé à Florence, il
y assista à la réconciliation des Grecs avec l'Eglise romaine, s'attacha au
cardinal d'Otrante envoyé comme nonce en Hongrie, et, après huit mois,
rentra à Rome avec son protecteur.
Eugène IV nomma le jeune ecclésiastique à un canonicat vacant dans
l'Église de Rouen. Basin y était à peine installé, qu'il fut invité à venir
professer le droit canon à l'Université de Caen, récemment fondée. Durant
six ans, il occupa cette chaire avec une réputation toujours croissante,
qui lui valut l'unanimité des suffrages du chapitre de Lisieux, lorsque,
en 1447, vint à vaquer le siège épiscopal de cette ville. Nicolas V ratifia
l'élection, et Basin ceignait la mitre à trente-cinq ans.
Il connaissait les devoirs de sa redoutable charge; il s'appliqua à les
remplir dignement. Dans un siècle où trop de prélats foulaient aux pieds
la loi élémentaire de la résidence, Basin sortit rarement de son diocèse, et
toujours pour affaires majeures. Ce n'était pas une résidence oisive; il
avait l'oeil sur tous les intérêts de son église. S'il veillait avant tout aux
intérêts spirituels, il ne négligeait pas les intérêts temporels, auxquels son
titre de comte de Lisieux l'obligeait de donner un soin spécial.
On en eut des preuves à la conquête de la Normandie par Charles VII.
Lisieux fut une des premières places occupées ; le cœur de l'évêque était
pour la cause française; il ne fallait pourtant pas s'attirer l'animadversion
des Anglais, qui avant de se retirer se fussent vengés d'une défection trop
précipitée. L'évêque négocia avec tant d'habileté que Lisieux redevint français,
sans exactions, comme sans effusion de sang. Il fut le premier évêque
normand qui reconnut Charles VII. Basin ne se contenta pas de sa soumission
personnelle ; il contribua beaucoup au prompt retour de la province
entière, tant par son exemple que par ses négociations et par un plan de conquête fort loué du roi et des généraux. Il méritait l'honneur,
qui lui fut accordé, de haranguer le roi à son entrée à Rouen.
Le titre de conseiller royal récompensa de si hauts services. Ce ne fut
pas pour l'évêque de Lisieux une raison de quitter son troupeau ; en dix-sept
ans d'épiscopat, il ne vint que deux fois à Paris.
On sent que l'âme de l'évêque était
profondément révoltée par la vue de l'oppression et des exactions exercées
sur les multitudes. S'il reconnaît que les armées permanentes ont été une
nécessité, afin de refouler l'invasion et de comprimer le brigandage, son
regard lui fait voir dans l'avenir les périls qu'elles recèlent. Il voit le pouvoir
central, maître de cette force irrésistible, confisquer à son profit les
libertés locales et individuelles, et épuiser les peuples d'impôts, pour
entretenir cet instrument de tyrannie. Aussi en aurait-il voulu la dissolution,
avec la fin des nécessités qui en avaient autorisé la formation.
Pareilles vues n'étaient pas celles du monarque que l'on appelle justement
le fondateur, ou le restaurateur de l'unité nationale. Louis XI voulait
abaisser cette féodalité qui, par ses alliances avec l'envahisseur,
avait mis en si grand péril l'existence de la France, durant la guerre de
cent ans. Des esprits même bien intentionnés pouvaient, selon qu'ils étaient plus frappés par le besoin d'unité ou la crainte du despotisme,
souhaiter ou redouter l'accroissement du pouvoir royal. Basin était de
ceux qui le redoutaient; il est permis de croire que ce fut le motif qui le fit adhérer à la ligne dit bien public, avec un désintéressement que
n'avaient pas tous les confédérés. La ligue fut vaincue ; l'évêque de Lisieux,
pour échapper aux rigueurs du vainqueur, se réfugia à Louvain.
Louis XI ayant publié une amnistie en 1465, Basin crut pouvoir aller
reprendre le gouvernement de son diocèse. Dans cette vue, il se rendit à
la cour que le roi tenait tantôt à Bourges, tantôt à Tours. L'audience
qu'il sollicita ne lui fut accordée qu'après une attente de six mois. Loin
de lui permettre de rentrer dans sa ville épiscopale, Louis XI l'envoya
présider la cour souveraine du Roussillon récemment annexé à la France.
Perpignan, à cause de ses chaleurs, était alors regardé comme meurtrier
pour les Français du Nord. Basin y remplit, durant quatorze mois, à la
satisfaction de tous, ses fonctions de premier magistrat, si bien que l'évêché
d'Elne étant venu à vaquer, le chapitre lui demanda d'accepter le titre
et les fonctions de pasteur du diocèse. Loin de vouloir répudier sa première épouse, l'évêque normand, selon l'esprit des saints canons, était
en instances pour la revoir et se dévouer à ses besoins. Le crédit de l'évêque
d'Avranches, Bochard, un autre apologiste de la Pucelle, avait fini par
obtenir l'autorisation demandée, et l'exilé se mettait en devoir de rentrer,
lorsqu'il apprend que les dispositions du roi sont changées, et qu'un courrier
vient à sa rencontre, muni d'un ordre lui intimant de rester à Perpignan.
Sans l'attendre, Basin quitte la ville, se dirige vers le Dauphiné, s'efforce
de dépister le messager, et atteint Genève, où le duc de Savoie tenait alors
sa cour. Le courrier le poursuit, perd sa trace, revient sur ses pas, finit par
l'atteindre à Genève, et lui signifie le commandement dont il est le
porteur.
Basin, craignant qu'on n'en veuille à sa vie, reste au-delà de la frontière ;
habite successivement Bâle, Louvain, Trèves; mais durant ce temps le
temporel de la mense de Lisieux avait été saisi, et les frères de l'évêque,
chargés par lui de l'administration, jetés dans les cachots. Ils en sortirent
après un an de détention, à la condition d'aller raconter à leur frère tout
ce qu'ils avaient souffert, et ce qu'ils étaient menacés de souffrir encore.
Louis XI mettait en jeu ces moyens barbares pour obtenir la démission
de l'évêque de Lisieux; il arriva à ses fins. Le prélat persécuté se rendit à
Rome auprès de Sixte IV, renonça à son évêché de Normandie, et reçut
en échange le titre d'archevêque de Césarée de Palestine, in partibus infidelium.
C'était en 1474. Après quelque temps de séjour à Trèves, l'archevêque
de Césarée habita successivement Louvain, Liège, Utrecht, Bréda,
et finit par se fixer à Utrecht, où il vécut jusqu'à sa mort, arrivée le 2 décembre
1491. Les plus grands égards entourèrent Basin sur la terre étrangère; et c'était justice.
Son exil fut studieux. Le Breviloquium, l'Apologie, oeuvres écrites pour
sa justification, ne sont pas tous ses opuscules; il en à composé d'autres;
mais son principal ouvrage, c'est l'Histoire de Charles VII et de Louis XI.
Il y raconte des événements dont il fut le contemporain ; quelques-uns
auxquels il a pris part.
Cette histoire a été écrite à Utrecht, cinquante ans après
les événements, dans le long exil auquel Louis XI condamna Basin.
N'ayant pas été signée par son auteur, elle a été longtemps attribuée à
un certain Amelgard, dont, d'ailleurs, l'on ne sait rien. Quicherat a eu
l'honneur de la restituer à son véritable père ; il a donné une édition en
quatre volumes des oeuvres de Thomas Basin...
L'évêque de Lisieux a dû écrire son Histoire d'après ses souvenirs personnels.
Quoique contemporain des faits, s'il en connaît la substance,
il est peu exact dans les détails, du moins pour l'histoire de Jeanne d'Arc.
A ce point de vue, loin de dire comme Siméon Luce, qu'il est, avec Pie II,
celui qui a écrit avec plus de justesse sur la Pucelle, il est vrai d'affirmer
qu'il n'y a pas de chroniqueur contemporain de l'héroïne qui ait commis
autant d'erreurs sur le matériel des faits.
Ainsi il fait conduire Jeanne à Chinon par Baudricourt ; elle aurait
attendu trois mois avant d'être admise en présence du roi ; la première
bastille emportée à Orléans aurait été le fort des Tourelles; c'est de
Charles VII que serait venue l'initiative du voyage pour le sacre à Reims
et le couronnement à Saint-Denis ; Basin place après l'attaque contre
Paris, la campagne dans l'Ile-de-France et la soumission de Compiègne,
de Senlis, de Beauvais; il n'a pas l'air de soupçonner ce qui a fait échouer cette attaque qu'il insinue avoir été imprudente.
Toujours attaché de coeur à la cause nationale, ayant beaucoup contribué à la conquête de Normandie, le prélat normand fut assez réservé et assez prudent pour vivre honoré sous la domination anglaise, puisqu'il fut
d'abord professeur à l'Université de Caen fondée par Bedford, et élevé
ensuite sur le siège de Lisieux. On s'explique par là qu'il n'ait connu,
et surtout qu'il ne se soit rappelé, lorsqu'il écrivait, que le gros des faits.
Quoique après le recouvrement de Rouen il ait eu en mains le procès
de condamnation, il n'avait cependant sous les yeux que le questionnaire
de Pontanus, lorsqu'il composait son Mémoire pour la réhabilitation ;
c'est ce qu'il déclare lui-même. Il ne connaissait pas les informations
faites à Domrémy et à Orléans, qui sont postérieures à son écrit.
Malgré les nombreuses inexactitudes des détails, les pages de Basin sur
la Pucelle ont de la valeur pour des points plus importants. Il tenait de
Dunois la révélation des secrets : la source est excellente ; Basin insiste
sur ce point et donne de précieux développements sur la durée du premier
entretien et l'impression du roi; il insiste encore sur la terreur que
la Pucelle ne cessa d'inspirer aux Anglais. Vivant parmi eux, il avait été
bien en état de la constater. L'on n'a rien de meilleur dans les Chroniques
sur l'inique procès. La passion des juges, l'admiration provoquée par les
réponses de l'accusée, le tableau de sa vie angélique, l'injustice de la
condamnation, sont autant de témoignages précieux à recueillir de la part
d'un personnage aussi grave que Thomas Basin.
Son appréciation de la vie de la Pucelle, modérée de forme, entourée
des restrictions nécessaires pour ne pas blesser les susceptibilités toujours
vivantes des Anglais et plus encore des Bourguignons, ne laisse pas de
doute sur la conviction où était l'évêque de la divinité de la mission de
la Pucelle, alors surtout qu'on rapproche son appréciation de celle qu'il émet dans son Mémoire, où il déclare qu'elle lui paraît presque évidente. Parmi les multiples réponses qu'il donne à ceux qui se scandaliseraient
de la fin de la céleste envoyée, il faut noter celle qu'il tire de l'ingratitude
du roi et de la nation, et de la corruption des moeurs de l'époque.
Basin, qui avait vécu en Italie, était dans le mouvement de la Renaissance.
Il vise dans son style à la période cicéronienne, qui en histoire ne
favorise pas l'exactitude, pas plus qu'elle n'est un signe de sincérité,
quoique celle de Basin nous semble à l'abri du soupçon.
La présente édition latine et sa traduction sont de Charles Samaran (1933), fondée
sur un manuscrit revu et complété par Thomas Basin
lui-même, manuscrit que Jules Quicherat n'avait pas connu.
Il s'agit du manuscrit de Göttingen de la main de deux copistes,
avec des corrections et additions de la main de l'auteur. Il fut
découvert en 1892 par W.Meyer dans l'Académie des
sciences de Göttingen.
ndlr : nous avons ajouté de nombreux chapitres avant 1429 en raison de l'intéressante description de la situation de la France à l'arrivée de la Pucelle.
Chapitres :
L.I- chap.XIV - Traité de paix
entre Charles VI, roi de France et Henri, roi...
L.I- chap.XV- Comment Jean, duc de Bourgogne, fut tué à Montereau...
L.I- chap.XVI- Prise de Meaux et de Melun par le roi d'Angleterre ; Mort...
L.II- chap.I- Comment Charles VII, après la mort de son père, prit le...
L.II- chap.II- Causes d'une si grande dévastation du royaume de France.
L.II-chap.III- Combat de Verneuil entre Français et Anglais.
L.II-chap.IV- Comment ce malheureux combat fut de quelque utilité au...
L.II-chap.V- Comment après la défaite subie à Verneuil, les Français...
L.II-chap.VI- Dévastations et pillages commis dans la malheureuse France.
L.II-chap.VII- Le siège d'Orléans par les Anglais.
L.II-chap.VIII- Combat dans la plaine de Beauce entre les Français et les...
L.II-chap.IX- Jeanne la Pucelle - Comment elle alla vers le roi de France
L.II-chap.X- Comment le roi admit Jeanne la Pucelle à converser avec lui...
L.II-chap.XI- Comment, sous le commandement de Jeanne la Pucelle...
L.II-chap.XII- Comment les Français, sous le commandement... Beauce.
L.II-chap.XIII- Comment Charles fut sacré roi de France à Reims...
L.II-chap.XIV- Comment plusieurs villes françaises passèrent des Anglais...
L.II-chap.XV- Siège de Compiègne par les Anglais et les Bourguignons...
L.II-chap.XVI- Condamnation de Jeanne la Pucelle- Elle est brûlée à Rouen.
L.II-chap.XVII- Comment les Français firent lever le siège de Compiègne...

ecepto itaque Rothomago et sub dicionem Anglorum
redacto, multa per hoc opida et castella similiter eciam
ad Anglos transierunt. Et quia regni tocius imperium
Anglorum rex, nedum Normanniam, sibi adicere cupiebat,
videntes qui circa Karolum adhuc regem, qui omnes pene
tum ex Burgundionum partibus erant, se et regnum non
facile tutari posse adversus Anglorum vires, qui jam
Normanniam pene universam occupabant, et contra
eciam Francorum potenciam, quos Arminiacos dicebant,
qui utrisque, tam Burgundionibus quam Anglis, fortiter
imminebant, et se et terras quas tenebant ab utrisque
defendebant, pacis federa inierunt et pepigerunt inter
ambos reges ; ita videlicet quod Francorum rex, velud per
inobedienciam ad se, patrem, exheredato filio suo Karolo
septimo, tunc, ut diximus, delfino Viennensi et parcium
illorum qui Arminiaci appellabantur imperium tenentes, heredem regni post se Henricum Anglorum regem instituit
et esse voluit tocius regni extunc sub suo nomine administratorem et gubernatorem. Unde ab illo tempore
ipse Henricus non se Francorum regem, sed heredem et
gubernatorem regni attitulavit. Obiit enim idem Henricus
paulo antequam Karolus a, Francorum rex, vita esset
functus.
Accepit eciam idem Henricus cum illo federe in conjugem
dominam Katherinam, Francorum regis filiam, Karoli
septimi tunc delfini sororem. Fueruntque nupcie cum
maximo b apparatu et regio luxu celebrate in civitate
Trecensi Campanie.
Pax eciam predicta, et a civitatibus, et a singulis qui
sub dicione Francorum regis vel eciam regis Anglie consistebant,
ubique jurata fuit. Et quam diu civitas Parisiensis
mansit sub obediencia Anglorum, omnes scolastici,
si ad gradum aliquem in quacumque facultate promovebantur,
inter alia, in manu rectoris universitatis,
hujusmodi pacem se servaturos sacramento firmare adigebantur.
Sed de hujusmodi pace et ejus capitulis seu de exheredacione
Karoli delfini, unici tunc filii patri suo, nec ipse
delfinus, nec sui, quibus longe major pars regni parebat,
quicquam curarunt, dicentes a rege patre suo, non in sua
plena libertate, sed sub Anglorum et Burgundionum potestate
constituto, nec tunc sana mente existente, nichil
tale validum aut legittimum fieri potuisse. Quod verisimiliter
nunquam facturus fuisset, si sane mentis et in sua
plena libertate mansisset. Ex ipsa tamen sic firmata pace et civitas Parisiensis et civitates Campanie atque alie que partes Burgundionum, ferventibus civilibus regni discensionibus, secute erant, sicut Ambianum, Belvacum, Noviomum, Silvanectum, Carnotum, Senones, Autisiodorum. Matiscona et multa alia opida et castella, tanquam Karolo regi suo devoti ac fideles, Anglorum regi et, post ejus obitum, Henrico filio, tanquam heredi et legittimo administratori et gubernatori regni, paruerunt. Sed qui fructus ex hujusmodi provenerint pace et que virgulta et fruges ex hujuscemodi semine regno oborta sint, in consequentibus ostendemus. Conabatur Anglorum rex sibi urbes atque terras, a delfino exheredato et suis possessas, tanquam obventuram sibi legittime hereditatem, ad quam jus haberet, vendicare, suis atque Burgundionum viribus fretus. Alii vero, delfino parentes atque obedientes, qui magno semper numero erant et de majoribus regni, contra nitentes, non modo que possidebant tutari, sed eciam Anglos pellere de regno et in Burgundiones ulcisci et ab adversariis occupata recuperare totis viribus insistebant.

La prise de Rouen et sa réduction au pouvoir des Anglais furent
cause que beaucoup d'autres places et châteaux passèrent
de même aux mains de ces derniers.
Leur roi, en effet, désirait s'emparer non seulement de la
Normandie, mais de tout le royaume : aussi les gens de l'entourage
de Charles VI, encore roi, qui presque tous étaient alors
du parti bourguignon, voyant qu'eux-mêmes et le royaume ne
pourraient aisément résister à la puissance
des Anglais, maîtres déjà de presque toute la
Normandie, et à celle des Français, qu'ils appelaient
Armagnacs (non moins menaçants d'ailleurs pour les Bourguignons
que pour les Anglais, et qui se défendaient contre eux, eux
et leurs terres), formèrent-ils et conclurent-ils un traité
de paix entre les deux rois ; si bien que le roi de France, sous
prétexte de désobéissance à son égard,
déshérita son fils, Charles VII, qui était
alors dauphin de Viennois et maître des régions appartenant
aux Armagnacs, et institua pour héritier de son titre royal
Henri, roi d'Angleterre, en le désignant dès lors pour administrateur
et régent sous son nom de tout le royaume. Aussi, depuis
ce temps, ledit roi Henri s'intitula-t-il, non roi de France, mais
héritier et régent du royaume. Il mourut peu avant
que Charles, roi de France, passât de vie à trépas (1).
Aux termes de ce traité, ledit roi Henri prit,
en outre, pour femme dame Catherine, fille du roi de France, sœur
de Charles VII, alors dauphin, et le mariage fut célébré
à Troyes, en Champagne, avec la plus grande magnificence
et avec un luxe royal (2).
La susdite paix fut partout jurée, et par les
villes et par les particuliers se trouvant sous la domination du
roi de France et du roi d'Angleterre. Et tout le temps que la ville
de Paris resta sous l'obédience des Anglais, tous les étudiants
promus à un grade quelconque dans une faculté devaient,
entre autres serments, prêter entre les mains du recteur de
l'Université celui d'observer cette paix.
Mais de cette paix et de ses articles ou du déshéritèrent
du dauphin Charles, alors
unique fils de son père, ni le dauphin lui-même, ni
ses partisans auxquels obéissait la partie de beaucoup la
plus étendue du rovaume n'eurent cure, pour cette raison,
disaient-ils, que le roi son père ne jouissait pas de sa
pleine liberté, puisqu'il était au pouvoir des Anglais
et des Bourguignons, et d'ailleurs non sain d'esprit à cette
époque ; qu'ainsi l'on n'avait pu rien faire de valable ni
de légitime ; et que vraisemblablement il n'aurait pas conclu
une telle paix s'il était resté sain d'esprit et avait
joui de sa pleine liberté.
Cependant, la paix une fois signée ainsi, la
ville de Paris, les villes de Champagne et d'autres qui, pendant
l'agitation des guerres civiles, avaient suivi le parti bourguignon,
comme Amiens, Beauvais, Noyon, Senlis, Chartres, Sens, Auxerre,
Mâcon et beaucoup d'autres places et châteaux, décidèrent,
en qualité de fidèles sujets du roi Charles, d'obéir
au roi d'Angleterre et, après sa mort, à son fils
Henri comme à l'héritier et au légitime administrateur
et régent du royaume. Mais quels fruits porta cette paix,
quelle végétation et quelle moisson sortit de cette
semence pour le royaume, nous le montrerons par la suite. Le roi
d'Angleterre, fort de sa puissance et de celle des Bourguignons,
cherchait à s'approprier, comme devant lui revenir légitimement
par voie de succession et en vertu de son droit, les villes et les
terres possédées par le dauphin déshérité
et par ses partisans. Les autres, au contraire, suivant le dauphin
et lui obéissant, toujours en grand nombre et, parmi eux,
les premiers du royaume, s'employaient de toutes leurs forces et
de toute leur énergie non seulement à défendre
ce qu'ils possédaient, mais encore à chasser les Anglais
du royaume, à tirer vengeance des Bourguignons et à
recouvrer tout ce qui était occupé par leurs adversaires.

um vero esset Karolus delfinus in castro Monsteroli, supra flumen Yone, cum multis parcium suarum militibus, et non procul eciam ab eo loco esset Johannes, Burgundionum dux, cum magna armatorum manu, hii qui de parte delfini et cum eo tunc erant, simulantes velle pacem atque amiciciam cum ipso Burgundionum duce consiliari et reformari, ipsum, data sibi omni fide ac securitate que dari possit, ad dictum castrum de Monsterolio adventare procurarunt ad presenciam delfini, quasi de negocio pacis bona fide inter eosdem tractaturi. Cum autem illo adventasset, nichil insidiarum suspicatus, et hoc quidem contra plurimorum de suis opinionem qui de dolo atque insidiis vehementem suspicionem habebant, in presencia ipsius delfini, in cervice percussus, interemp-tus est miserabiliter.
A quo autem vel a quibus percussus extiterit, diffinire non possumus. Suspecti quidem de hoc habiti sunt prefatus Tenequinus de Castro, de quo supra meminimus, et alius egregius ac strennuus miles de partibus Acqui-tanie, cognomento Barbasan, de quo se expurgasse a multis assertum est. Constat tamen, quorumcumque manibus id patratum extiterit, eum in dicto castro sic evocatum in presencia delfini fuisse crudeliter peremptum. Qui, quod de hoc minime conscius fuerit, ymo factum vehementer exhorruerit, qui tamen adhuc juvenis et adolescens erat, constantissime et a se et a pluribus aliis assertum est semper. De qua re senciendi libertatem unicuique, prout volet, derelinquimus. Verumptamen sicut ex Aurelianensium ducis nece supra retulimus, sic et ex ista maxima in regno Francorum turbacio et detrimenta provenerunt, quemadmodum ex infra dicendis liquido apparebit.
Philippus nempe, filius ejus, vir utique magni animi et in rebus, tum belli, tum pacis, administrandis et gerendis industrius, tam crudelem necem patris et carissimi genitoris sui nimis indigne ferens, ad eam ulciscendam vehementer animum intendit, se Anglorum regi copulans et federe fortissimo devinciens, licet ad verum constet eis nunquam tanta prestitisse auxilia adversus Francos, quanta facile facere potuisset. Contra eos tamen fines suos non modo strennue defendit, verum eciam agros et terras suorum inimicorum gravibus sepe detrimentis atque dampnis affecit. Unde, cum duces nonnulli cum magno agmine illorum qui Arminiaci dicebantur, aggressi populare terras suas, ad Picardiam venisset, prope villam seu opidum Sancti Richerii confiictum satis periculosum habuit. Cujus licet inicio ambiguus et anceps futurus videretur exitus, nunc una, nunc altera partibus vicissim hostibus suis cedere incipientibus, in fine tamen cum satis magno hostium dampno victor evasit, eisdem partim cesis, partim fusis et sibi per fugam necessariam consulentibus. Ferturque in illo prelio miles effectus, cum primus ille conflictus foret in quo armatum eum interfuisse contigisset.
Et ita sepe inter Arminiacos appellatos et Burgundiones, diversis in locis et terminis, vario marte certatum est, et utriusque partis plura opida, castella et ville direpte et vastate.

Comme le dauphin Charles était à Montereau, sur la rivière d'Yonne, avec de
nombreux chevaliers de ses domaines, et que non loin de là
se trouvait Jean, duc de Bourgogne,
accompagné d'une forte troupe de gens d'armes, ceux qui tenaient
le parti du dauphin et se trouvaient en sa compagnie, faisant semblant
de vouloir pratiquer et conclure paix et amitié avec le duc
de Bourgogne, organisèrent la venue de ce dernier à
la rencontre du dauphin, audit lieu de Montereau, après lui
avoir donné toutes les garanties et sûretés
possibles, comme pour traiter entre eux en toute bonne foi de cette
affaire de la paix. Mais comme il s'y présentait, ne soupçonnant
aucun piège et, du reste, contre l'avis de beaucoup des siens,
qui se doutaient grandement de quelque ruse et embûche, il
fut frappé à la nuque, en présence du dauphin,
et assassiné misérablement (3).
Qui fut ou qui furent les meurtriers, nous ne pouvons le préciser. En tout cas, les soupçons
se portèrent sur Tanguy du Chastel, dont il a été
question plus haut, et sur un autre notable et brave chevalier de
Guyenne, nommé Barbazan (4),
qui passe aux yeux de beaucoup pour s'être lavé de
cette accusation. Ce qui est certain, à quelques mains qu'il
faille attribuer l'exécution du crime, c'est qu'ayant été
convoqué audit lieu de Montereau, il y fut tué cruellement
en présence du dauphin. Que celui-ci n'en ait été
nullement complice, bien plus, qu'il ait eu horreur de la chose,
étant encore à ce moment jeune et adolescent, c'est
ce que, d'une seule voix, lui-même et plusieurs autres ont
toujours affirmé. Nous laissons à chacun la liberté
d'en penser ce qu'il voudra. Cependant, comme nous l'avons dit plus
haut du meurtre du duc d'Orléans, celui-ci fut pareillement pour le royaume de France
la source d'un grand trouble et dommage, ainsi qu'il ressortira
clairement de ce qui sera rapporté ci-dessous.
Philippe, en effet, fils du dit duc (5), homme assurément
plein d'intelligence et habile à conduire et à gouverner
les affaires, tant de guerre que de paix, profondément indigné
de l'horrible meurtre de son père, auteur bien-aimé
de ses jours, appliqua fortement son esprit aux pensées de
vengeance. Il lia étroitement partie avec le roi d'Angleterre,
et bien qu'à la vérité il soit certain qu'il
ne fournit jamais aux Anglais contre les Français autant
de secours qu'il aurait pu aisément le faire, néanmoins
non seulement il défendit vigoureusement contre eux ses frontières,
mais encore il infligea aux champs et aux terres de ses ennemis
des pertes et des dommages souvent graves. Si bien que, certains
capitaines étant venus du côté de la Picardie
avec une forte troupe d'Armagnacs pour ravager ses terres, une rencontre
assez hasardeuse eut lieu. Le début
en fut incertain et l'issue en parut douteuse, tantôt l'un,
tantôt l'autre des partis en présence faisant mine
de céder. A la fin cependant Philippe sortit vainqueur, les
ennemis ayant subi de grandes pertes, les uns tués, les autres
enfuis ou se disposant à une fuite nécessaire. C'est
dans ce combat, dit-on, qu'il fut fait chevalier,
car ce fut la première rencontre à laquelle il prit
part en armure de guerre.
Ainsi, souvent Armagnacs et Bourguignons se combattirent
avec des alternatives diverses en divers lieux et localités,
et nombreux furent des deux côtés les places, châteaux
et villes pillés et ruinés.

nglorum vero rex, ut ad nostram, unde paululum digressi sumus, principalem narracionem redeamus, cum jam Parisiorum urbem et alias prenominatas, titulo heredis et administratoris regni possideret, magna VI ad ceteras subigendas et sue subdendas dicioni satagebat civitates atque opida, que delfino, ut premisimus, exheredato parebant. Unde civitatem Meldensem et opidum Meldinum, et nonnulla alia loca, contractis Burgundionum auxiliis, longis et difficilibus obsidionibus ad dedicionem compulit et suo adjecit imperio.
Alter vero ex suis germanis Thomas, Clarencie dux, cum magnis Anglorum copiis partes Cenomannie atque Andegavie aggressus, et incaucius se agens, a magno Francorum et Scotorum agmine exceptus, illic cum sua gente apud Baugiacum extinctus est. Cujus clade comperta, dixisse fertur Anglorum rex, frater suus, quod si vivus evasisset, eum mortis affecisset pro sua temeritate supplicio, eo quod eum hoste, contra interdictum suum atque imperium, dimicasset, prout olim Manlium Torquatum de proprio filio fecisse, quod contra suum imperium, licet feliciter, cum hoste pugnasset, veteres Romanorum historie referunt.
Non multo autem post, idem Anglorum rex, gravi morbo correptus, debitum universe carnis exsolvit, a summo judice ad recipiendum pro suorum meritis operum stpidendium, ex hoc seculo nequam evocatus.
Fertur autem inflacione ventris et crurium, velud ex ydropi tumidus defecisse, quem morbum vulgus eum incurrisse dicebat, quod villam et oratorium sancti Fiacri, prope civitatem Meldensem, predari atque spoliari per suos vel fecisset vel permisisset. Talem enim egritudinem sicut fedo distendentem tumore ventrem et crura, vulgus morbum sancti Fiacri communiter appellat. Reliquit autem filium impuberem ejusdem nominis, scilicet Henricum, qui, mortuo patre, variis ac miris fortune ludibriis, nunc sublimatus, nunc dejectus, ad ultimum, cum diu regnasset, miserabiliter obiit. Aliquando duorum regnorum maximorum titulis adornatus et utroque magna ex parte potitus, aliquando neutro, interdum altero tantum ; ad postremum utroque simul cum vita privatus violenta morte suffocatus, per suos Anglos occubuit.
Mortuo autem prefato Anglorum rege, quem delfino a patre suo exheredato, heredem et gubernatorem regni Francie factum supra retulimus, brevi temporis intervallo post, et ipse Karolus hujus nominis sextus, Francorum rex, cum regnasset annis XLVIII, majore ex parte postquam amenciam incurrerat, ex hac instabili luce subtractus a obiit, relinquens regnum, jure quidem ad Karolum septimum, filium unicum sibi superstitem, et naturalis successionis ordine devolutum, licet tunc magna ex parte ab Anglis regni hostibus occupatum, civilibus vero atque intestinis dissencionibus nimis, proch dolor ! laceratum et perturbatum.
Et quia in consequentibus gesta ipsius Karoli septimi non jam delfini, licet hunc solum sibi titulum Angli et Burgundiones eciam tunc deferrent, sed ex tunc regis Francorum legittimi et naturalis, narranda suscepimus, ne nimia libri prolixitas legentibus fastidiosa fiat, hoc termino librum hunc convenienter claudentes, sequencia ex alterius ordiemur inicio.

Pour revenir à notre principal récit, dont nous nous
sommes éloigné quelque peu, le roi d'Angleterre, qui
possédait déjà, à titre d'héritier
et de régent du royaume, la ville de Paris et les autres
villes susnommées, s'agitait grandement pour soumettre à
sa puissance les autres villes et places qui obéissaient,
comme nous l'avons dit, au dauphin déshérité.
Aussi, força-t-il à se rendre et mit-il sous sa domination,
avec l'aide des Bourguignons, après des sièges longs
et difficiles, la ville de Meaux, la place de Melun et quelques
autres localités (6).
Cependant, l'un de ses frères, Thomas, duc de
Clarence (7), ayant attaqué avec
de grandes forces anglaises les régions du Maine et de l'Anjou,
et se comportant sans précaution, fut surpris par un parti
important de Français et d'Ecossais et massacré avec
sa suite à Baugé.
A l'annonce de ce malheur, son frère, le roi d'Angleterre,
aurait dit que si le duc avait eu la vie sauve, il l'aurait puni
de mort pour sa témérité, puisqu'en dépit
de son interdiction et contre son autorité, il avait livré
bataille. Ainsi, rapportent les antiques histoires de Rome, avait
jadis agi Manlius Torquatus envers son propre fils qui avait attaqué
l'ennemi, avec succès pourtant, contre sa volonté.
Peu après, ledit roi d'Angleterre, saisi d'une
grave maladie, acquitta le dû de toute chair, cruellement rappelé
de ce siècle par le souverain juge pour recevoir son salaire
selon les mérites de ses actions.
On raconte qu'une enflure de son ventre et de ses jambes,
gonflés comme par l'hydropisie, furent cause de sa mort,
et le peuple disait communément qu'il avait gagné
ce mal parce qu'il avait ordonné ou permis le pillage et
la dévastation par
ses gens du domaine et de l'oratoire de Saint-Fiacre, près
de Meaux. On appelle, en effet,
communément mal de saint Fiacre cette maladie qui gonfle
hideusement le ventre et les jambes. Il laissa un jeune fils, appelé
comme lui Henri, qui, son père mort, fut le jouet des caprices
les plus divers et les plus imprévus de la Fortune, un jour
hissé sur le pavois, un autre précipité à
terre, et qui, à la fin, alors qu'il régnait depuis
assez longtemps, mourut d'une mort misérable. Tantôt
réunissant sur sa tête les couronnes de deux grands
royaumes, et les possédant l'un et l'autre en majeure partie,
tantôt n'en possédant aucun, ou entre temps n'en possédant
qu'un, enfin privé des deux à la fois avec la vie,
il mourut de mort violente, étranglé par la main de
ses propres sujets.
Au lendemain de la mort du susdit roi d'Angleterre devenu,
comme nous l'avons rapporté plus haut, héritier et
régent du royaume de France à la suite du déshéritement
du dauphin Charles VI lui-même, sixième du nom, roi
de France, après un règne de quarante-huit ans,
dont la majeure partie à l'état de démence,
fut privé de cette périssable vie et mourut, laissant
le royaume théoriquement dévolu par ordre de succession
naturelle à Charles VII, l'unique fils qui lui restât.
Mais ce royaume était alors en grande partie occupé
par les Anglais, ses ennemis, et combien troublé et déchiré,
hélas ! par les guerres civiles et les discordes intestines.
Et puisque nous avons entrepris de raconter dans la
suite de cet ouvrage l'histoire dudit Charles VII, non plus dauphin,
bien que ce seul titre continuât de lui être donné
par les Anglais et les Bourguignons, mais dès ce temps-là
naturel et légitime roi de France, nous clorons ici ce livre,
comme il sied, pour que sa trop grande prolixité ne soit
pas à charge aux lecteurs, et renverrons à un autre
le récit de ce qui suit.

emo, uti arbitramur, juste nobis poterit succensere quod gesta Karoli septimi, Francorum regis, licteris mandantes, tempora in parte quibus suus genitor regnaverit, prosecuti sumus. Nam, ut satis ex supradictis claruit, licet vivente patre, ob reverenciam paternam regis abstinuerit titulo ac a nomine solumque delfini titulo contentus fuerit, majori tamen tocius regni porcioni, eciam eodem vivente patre, prefuit; sub eoque et sibi Francorum copie, duces atque exercitus militarunt et paruerunt, tam contra Anglos quam contra Burgundiones. Quare, cum ea que supra retulimus et sub eo et suis gesta sint temporibus, non fuerunt tam magne ac ponderose res notis sui temporis res gestas memoratu dignas describere volentibus pretermittende, sed suo tempore racionabiliter deputande, potissime ex eo temporis articulo quo, ut supra annotavimus, e regia urbe et domo paterna extractus atque eductus, suo solum nomini Franci militare ceperunt et eum pro principe colere et habere, patre suo inter Burgundionum manus et postmodum Anglorum constituto et relicto.
Cum vero, ad intelligenciam hujuscemodi malorum,
necessarium fuerit radicem atque originem civilium discordiarum, unde tam ad bella civilia atque intestina, quam externa et hostilia perventum est, retexere, inde non irracionabiliter extimamus nostre tocius narracionis inicium atque fundamentum jecisse. Nam et perempcio ducis Aurelianensium, que caput et origo omnium calamitatum in regno extitit, sui temporis fuit, et eo jam nato et plus quam septenni, patre eciam suo jam mente capto, contigit.
Mortuo itaque, ut superiore retulimus libro, Karolo, patre suo, Karolus septimus in regnum Francorum successit, anno Domini M° CCCC° XXII°, cum annum etatis ageret circiter XXII; quod suis temporibus, tum diu-turnis causantibus guerris et intestinis et externis, tum regencium et ducum, qui sub eo erant, socordia atque ignavia, tum eciam militaris discipline et ordinis carencia et armatorum rapacitate atque omnimoda dissolucione, ad tantam vastacionem pervenit, ut a fiumine Ligeris usque Secanam et inde usque ad fluvium Summone, mortuis vel profligatis colonis, omnes agri ferme et sine cultura et sine populis a quibus coli potuissent, per annos plurimos longaque tempora permanserint; paucis dumtaxat portiunculis terre exceptis, in quibus, si quid tum colebatur procul a civitatibus, opidis vel castellis, propter predonum assiduas incursiones, extendi non poterat.
Inferior tamen Normannia in Baiocismo et Constantino, eo quod, sub Anglorum dicione consistens, ab adversancium municionibus longius aberat nec tam facile ac frequenter a predonibus incursari poterat, et culta et populosa aliquanto melius permansit, licet eciam plagis maximis sepe attrita, ut in sequentibus clarius apparebit.
Vidimus ipsi Campanie tocius vastissimos agros, tocius Belcie, Brye, Gastiniaci, Carnotensis, Drocensis, Cenomannie et Pertici, Vellocasses seu Vulgacinos, tam Francie quam Normannie, Belvacensis, Caletensis, a Secana usque Ambianis et Abbatisvillam, Silvanectensis, Suessionum et Valisiorum usque Laudunum, et ultra versus Hanoniam, prorsus desertos, incultos, squalidos et colonis nudatos, dumetis et rubis opletos, atque illic in plerisque regionibus a que ad proferendas arbores feraciores existunt, arbores in morem dempsissimarum silvarum excrevisse. Cujus profecto vastitatis vestigia in plerisque locis, nisi divina propiciacio melius consuluerit rebus humanis, verendum est longo evo esse duratura atque mansura.
Si quid autem tunc in dictis terris colebatur, id solum fiebat in ambitu et continentibus locis civitatum, opidorum seu castellorum, ad tantam distanciam, quantam de turri vel specula alta speculatoris oculus predones incursantes intueri et spectare potuisset; qui vel campane tinnitu vel venatorio aut alio cornu dans sonitum, per hoc ad munitum se recipiendi locum cunctis qui tum in agris agerent vel vineis signum dabat.
Quod tam assidue et frequenter in quamplurimis fiebat locis, ut, cum boves et jumenta aratoria ab aratro solverentur, audientes speculatoris signum, illico absque ductore ad sua tuta refugia, ex longa assuefaccione edocta, cursu rapido velut exterrita accurrerent; quod et oves atque porci similiter facere consueverant. Sed cum in dic-tis provinciis, pro agri latitudine, rare sint civitates et loca munita, e quibus eciam plura hostili vastacione incensa, eversa ac direpta fuerant vel habitantibus vacuata, tantilum illud quod veluti furtim circum municiones colebatur minimum et prope nichil videbatur, comparacione vastissimorum agrorum qui deserti prorsus et sine cultoribus permanebant.

Personne, pensons-nous, ne pourra raisonnablement nous faire grief
de ce que, écrivant la vie de Charles VII, roi de France,
nous avons raconté en partie les évènements
du temps où son père régnait. En effet, comme
on l'a vu clairement par ce qui précède, bien que,
du vivant de son père, son respect pour celui-ci lui eût
interdit de prendre le titre et le nom de roi et qu'il se fut contenté
du seul titre de dauphin, néanmoins il gouverna la plus grande
partie du royaume ; les troupes françaises, capitaines et
soldats, combattirent sous ses ordres et lui obéirent, tant
contre les Anglais que contre les Bourguignons. Aussi, les faits
ci-dessus relatés s'étant passés sous lui et
de son temps, n'y a-t-il pas lieu, pour qui veut consigner les événements
notables de cette époque, d'en passer sous silence de si
grands et de si importants. Il faut, au contraire, les rapporter
à leur date, plus spécialement depuis l'instant où,
ainsi que nous l'avons déjà remarqué, enlevé
et arraché à la capitale et à la maison paternelle,
c'est sous son nom seul que les Français commencèrent
à combattre, le tenant et l'honorant pour leur seigneur,
alors que son père avait été remis et laissé
aux mains des Bourguignons, puis des Anglais.
Comme, d'autre part, pour l'intelligence de toutes ces misères, il est nécessaire de démêler
l'origine et commencement des discordes civiles, d'où l'on
glissa tant aux guerres civiles et intestines qu'aux guerres avec
les ennemis de l'extérieur, nous ne croyons pas avoir fait
chose déraisonnable en remontant si haut pour fixer le début
et jeter les fondements de tout notre récit. Car le meurtre
du duc d'Orléans, principe et origine de tous les malheurs
du royaume, se produisit de son temps, alors que Charles était
déjà né, qu'il avait même plus de sept
ans et que son père, en outre, était déjà
tombé en démence.
Donc, après la mort de son père, comme
il a été dit au livre précédent, Charles
VII succéda au royaume de France, l'an 1422, à l'âge de vingt-deux
ans environ. Et de son temps ledit
royaume, par l'effet soit des guerres continuelles, intérieures
et extérieures, soit de la nonchalance et paresse de ceux
qui administraient ou commandaient sous ses ordres, soit du manque
d'ordre et de discipline militaires, soit de la rapacité
et du relâchement des hommes d'armes, parvint à un
état de dévastation telle que, depuis la Loire jusqu'à
la Seine, et de là jusqu'à la Somme, les paysans ayant
été tués ou mis en fuite, presque tous les
champs restèrent longtemps, durant des années, non
seulement sans culture, mais sans hommes en mesure de les cultiver,
sauf quelques rares coins de terre, où le peu qui pouvait
être cultivé loin des villes, places ou châteaux
ne pouvait être étendu, à cause des fréquentes
incursions des pillards.
Pourtant, en Bessin et Cotentin, la basse Normandie
qui, placée sous la domination des Anglais, se trouvait assez
loin de la ligne de défense de leurs adversaires, moins facilement
et moins souvent exposée aux incursions des pillards, resta
un peu mieux cultivée et peuplée, bien que souvent
accablée de grandes misères, comme il apparaîtra
plus clairement dans la suite.
Nous-même nous avons vu les vastes plaines de
la Champagne, de la Beauce, de la Brie, du Gâtinais, du pays
de Chartres, du pays de Dreux, du Maine et du Perche, du Vexin,
tant français que normand, du Beauvaisis, du pays de Caux,
depuis la Seine jusque vers Amiens et Abbeville, du pays de Senlis,
du Soissonnais et du Valois jusqu'à Laon, et au delà
du côté du Hainaut, absolument désertes, incultes,
abandonnées, vides d'habitants, couvertes de broussailles
et de ronces, ou bien, dans la plupart des régions qui produisent
les arbres les plus drus, ceux-ci pousser en épaisses forêts.
Et, en beaucoup d'endroits, on put craindre que les traces de cette
dévastation ne durassent et ne restassent longtemps visibles,
si la divine providence ne veillait pas de son mieux aux choses
de ce monde (8).
Tout ce qu'on pouvait cultiver en ce temps-là
dans ces parages, c'était seulement autour et à l'intérieur
des villes, places ou châteaux, assez près pour que,
du haut de la tour ou de l'échauguette, l'oeil du guetteur
pût apercevoir les brigands en train de courir sus. Alors,
à son de cloche ou de trompe ou de tout autre instrument,
il donnait à tous ceux qui travaillaient aux champs ou aux
vignes le signal de se replier sur le point fortifié.
C'était là chose commune et fréquente
presque partout ; à, ce point que les bœufs et les chevaux
de labour, une fois détachés de la charrue, quand
ils entendaient le signal du guetteur, aussitôt et sans guides,
instruits par une longue habitude, regagnaient au galop, affolés,
le refuge où ils se savaient en sûreté. Brebis
et porcs avaient pris la même habitude.
Mais comme dans lesdites provinces, pour l'étendue du territoire,
rares sont les villes et les lieux fortifiés, comme, en outre,
plusieurs d'entre eux avaient été brûlés,
démolis, pillés par l'ennemi ou qu'ils étaient vides d'habitants,
ce peu de terre cultivée comme en cachette autour des forteresses
paraissait bien peu de chose et même presque rien, eu égard
aux vastes étendues de champs qui restaient complètement
déserts, sans personne qui pût les mettre en culture (9).

t igitur ad a causas unde orta et secuta fuit tanta desolacio specialius memorandas atque referendas veniamus, uti, Karolo sexto vita functo, Karolus septimus spreta ac penitus rejecta patris sui exheredacione Francis pro rege habitus est, ita et apud Anglos tunc impubes Henricus, Henrici quem defunctum diximus unica proles, pro amborum regnorum Francie scilicet atque Anglie rege se gessit, utriusque titulum sibi assumens et nomen. Anglie vero regnum et impuberis regis tutela per Glochestrie ducem, patruum suum, ac regni optimates administrabantur; Francie vero quantum sue erat dicioni subactum per ducem Bethfordie, alterum ipsius Henrici patruum, strennue satis ac prudenter regebatur. Qui strennuus quidem erat, humanus et justus, Francorum nobiles qui sibi parebant multum amans et pro suis virtutibus studens eos honoribus extollere. Unde, quamdiu vixit, Normannis et Francis parcium suarum satis carus et dilectus fuit.
Accepit autem a in uxorem nobilem dominam Annam, sororem Philippi Burgundionum ducis; unde inter ipsum et eumdem Philippum, qui dictam suam sororem valde amabat, ex affinitate hujuscemodi amicicie nexus plurimum invaluit duravitque inter eos quoad affinitas illa ejusdem sue sororis obitu solveretur.
Dominus igitur Bethfordie dux, imperium pro Anglorum rege in Francia administrans, fines a Henrico defuncto et terminos regni dimissos totis conatus est viribus ampliare atque propagare. Multa quippe opidula et cas-tra, que Franci adhuc tenebant circa Normannie fines et Parisiensium terminos, vel armis expugnata vel obsidionibus coartata recepit. De quibus per singula referre nec opus est et fastidiosam nimis sua prolixitate hystoriam legentibus redderet.
Sceau Henri VI
Pour en venir, donc, à rappeler et consigner ici plus spécialement
les causes d'où sortit et résulta une si grande désolation,
de même qu'après la mort de Charles VI, Charles VII,
méprisant et considérant comme nul le déshéritement
paternel, fut tenu pour roi par les Français, de même,
en Angleterre, Henri, encore mineur (10),
fils unique de cet Henri dont nous avons conté la mort, se
donna pour roi des deux royaumes de France et d'Angleterre et prit
ce double titre. Mais le gouvernement du royaume d'Angleterre et
la tutelle du roi mineur étaient assumés par le duc
de Gloucester, son oncle (11), et les
grands du royaume ; pour la France, ce qui se trouvait en
son pouvoir était gouverné avec beaucoup d'énergie
et d'habileté par le duc de Bedford, autre oncle dudit Henri.
Bedford était brave, humain et juste ; il aimait beaucoup
les seigneurs français qui lui obéissaient et il prenait
soin de les honorer selon leurs mérites. Aussi, tant qu'il
vécut, Normands et Français de cette partie du royaume
eurent-ils pour lui une grande affection.
Il prit pour femme noble dame Anne, sœur de Philippe,
duc de Bourgogne (12) ; aussi, entre
lui et ledit Philippe, qui chérissait beaucoup sa sœur,
une amitié se noua-t-elle, que cette affinité contribua
à resserrer, et qui dura jusqu'au jour où cette affinité
elle-même se trouva rompue par la mort de ladite sœur (13).
Donc, le duc de Bedford, gouvernant souverainement en
France pour le roi d'Angleterre, s'employa de tout son pouvoir à
étendre et élargir les limites et frontières
du royaume laissées par le feu roi Henri. Beaucoup de petites
places et de châteaux, que les Français tenaient encore
vers les confins de la Normandie et du Parisis, prises d'assaut
ou gagnées par des sièges, tombèrent entre
ses mains. Rapporter tout cela par le détail n'est pas nécessaire
et rendrait cette histoire fastidieuse aux lecteurs par sa trop
grande prolixité.

llud vero pretermittendum non est quod, cum Angli castrum de Yveri in Ebroycensi dyocesi obsedissent et Franci magnas undique contraxissent copias ad prebendum obsessis solacium et obsidionem tenentes debellandum, divertentes versus Vernolium, opidum ipsum, quod per aliquod jam tempus sub Anglorum steterat imperio, receperunt et cum multis armatorum milibus occuparunt. Quod cum Angli intellexissent, suam sol-ventes obsidionem, suis undique collectis militibus, ascitis eciam nobilibus Normannie, ad ipsum Vernolii locum concito gradu audacter perrexerunt, ut hostes suos Francos, si expectarent, prelio aggrederentur. Quod quidem ipsi Franci, sed infelici valde sorte, fecerunt.
Accersierat a tunc Francorum rex ad solacium suum auxilia magna ex Scotis, qui pugnaces quidem et robusti sed temerarii nimium ac superbi esse consueverunt. Ferebantur esse quasi ad decem milia pugnatorum, quorum erant ductores principales comes de Douglas et comes de Boukan. Ex Francis vero erat eciam militis collecticii multitudo magna, sed plurimum absque disciplina et ordine militari, majore eciam ex numero armis male instructa.
Erant duces eorum dux Alenconii, Johannes, comes de Alba Mala et plures alii barones et capitanei de ipso regno Francie. Et quia Anglici, per suos sagittarios pugnantes, pedites Francos sepe prostraverant, providencia contra hoc per proceres regni adhiberi credita est, si pedestribus copiis sagittariorum ex Anglia opponerentur quadringente vel quingente lancee ex Ytalicis militibus, qui armis, tam viri quam equi eorum, optime protecti, sagittarum nichil pertimescentes ictus, pedestrem Anglorum sagittariorum miliciam, in qua potissime sui exercitus robur et vires solent consistere, irrumperent et eorum ordinem perturbarent, eos contis et lanceis proterendo. Talem itaque Ytalici militis manum secum Franci tunc habuerunt.
E diverso vero Anglici non segniter rebus suis providebant, sed ad preliandum suas acies ordinabant, ex terris que sibi parebant undique copiis auxiliisque contractis. Erat tocius imperator exercitus Anglorum, quem prediximus Bethfordie dux, patruus Anglorum regis et sub eo Francie gubernator. Erant et secum Anglorum strennuissimi duces comes Salisberiensis et dominus de Talbot, comes de Cherosbery, dominus Scales, cum pluribus aliis comitibus et proceribus regni Anglie. Quorum quidem milicie numerus ad circiter XIIII milia, Francorum vero, cum Scotis et Ytalicis, ad longe ampliorem estimabatur.
Igitur, cum prefinitus adesset a dies quo ad certamen congrediendum erat, Anglorum exercitus in agris ab opido Vernolii paulo minus miliari gallico remotis castra locavit, ita ut perspicue a Francis qui in opido et circa erant viderentur. Franci autem, suam eciam miliciam opido educentes, in proximis opidi campis suorum militum acies ordinarunt. Quod cum fecissent, equitibus Ytalis precedentibus, pedestres copie cum milicia Scotorum obviam Anglicis eosdem quiete expectantibus procedere ceperunt.
Irrumpentes itaque equites Ytalici in Anglorum peditum acies cum vehementi incursu, multum metus atque periculi eisdem incusserunt, quamplures ex ipsis quos obvios habuisse potuerunt ad terram prosternentes et tocius Anglorum exercitus acies penetrantes, sese ipsis Anglicis findentibus ut transitus ipsis Ytalis equitibus cum minore eorum detrimento prestaretur.
Cum autem ita penetrassent Anglorum acies, multis eorumdem Anglorum prostratis ad terram, et omnem Anglorum exercitum pertransissent, ut eos jam post tergum relinquerent, existimantes sequentes se Francorum Scotorumque copias, quod satis feliciter inchoarant perfecturos fore et Anglos in reliquo facile occumbere et vinci posse, ad sarcinulas Anglorum diripiendas, que cum eorum equis a famulis et mangonibus satis procul asservabantur, se contulerunt; e quibus multos eorum conantes effugere manus peremerunt et multum auri et argenti varieque preciose superlectilis rapuerunt et abierunt.
Anglici vero, sese reordinantes et, qui ex eis prostrati tum fuerant, se erigentes, resumptis animi corporisque viribus, ducum suorum exhortacione confortati et roborati, viriliter ac strennue Francorum Scotorumque copias exceperunt et, fortiter dimicantes, plurimis hostium terga vertentibus magnam ex ipsis cedem stragemque fecerunt.
Omnes illic Scotorum copie cum suis prenominatis ducibus pene extincte sunt, fuitque inter eos et Anglos diu acerrimeque pugnatum, usque ad totalem eorumden internecionem. Ex Francis eciam multi ceciderunt, aliis fusis sibique per fugam consulentibus. Cecidit ibi comes de Alba Mala cum multis aliis nobilibus Francorum. Dux Alenconii, dejectus ad terram, confecto prelio, inter occisorum acervos adhuc vivens repertus, captivus abductus est.
Cessit itaque Anglis, non incruenta tamen, victoria; nam et ex ipsis multi ceciderunt; longe vero plures, cruentis acceptis vulneribus, ad propria vel redierunt vel deportati sunt.
Horrendum valde aspectu erat illic cesorum intueri acervos magnos et dempsos, precipue ubi cum Scotis pugna fuerat, e quibus nullus ut captivus abduceretur servatus est; quos eciam acervos plurium permixtim cesorum ex Anglicis corpora adaugebant.
Huic autem pugne acerbitati crudelitatique Scotorum superbia atque presumpcio causam attulit. Cum enim, ante belli exordium, dux Bethfordie per heraldum sciscitatum misisset Scotorum duces qualem belli condicionem illo die observare proponerent, illi de suis viribus ac multitudine arroganter nimis ac temere presumentes, feruntur respondisse se illo die nec Anglicum captivum servare nec se vivos Anglorum captivos abduci velle.
Quod responsum Anglorum animos in eorum odium atque necem vehementer accendit in eosque, quam eis inferre proposuerant, vicem refudit.

Ceci cependant ne doit pas être passé sous silence.
Comme les Anglais assiégeaient le château d'Ivry au diocèse d'Évreux, les Français, qui avaient réuni de tous côtés des troupes pour porter
secours aux assiégés et combattre les assiégeants,
se détournèrent dans la direction de Verneuil,
s'emparèrent de cette place qui avait été pendant
quelque temps au pouvoir des Anglais et l'occupèrent avec
plusieurs milliers de gens d'armes. Ce qu'apprenant, les Anglais
levèrent leur siège, rassemblèrent de partout
leurs soldats, et, ayant, en outre, avec eux la noblesse normande, marchèrent avec autant de rapidité que d'audace sur Verneuil pour livrer bataille aux Français, leurs ennemis, si ceux-ci les attendaient. C'est ce que firent ces derniers, mais pour leur malheur.
Le roi de France avait rassemblé en ce temps-là pour son service une garde importante d'Écossais, gens à la vérité vaillants et robustes, mais par trop pleins de témérité et de confiance en soi. Il y avait, à ce qu'on dit, près de 10,000 combattants, dont les chefs principaux étaient le comte de Douglas (14) et le comte de Buchan. Du côté des Français, il y avait aussi une grande multitude d'hommes, mais pour la plupart sans discipline et sans cadres, et peu instruits à se servir de leurs armes.
Leurs capitaines étaient le duc d'Alençon, Jean, comte d'Aumale (15), et plusieurs autres barons et capitaines du royaume de France. Et comme les Anglais, combattant par le moyen de leurs archers, avaient souvent défait les troupes de pied françaises, les grands du royaume s'imaginèrent qu'on serait en garde contre ce danger si, aux formations anglaises d'archers à pied, on opposait quatre ou cinq cents lances de cavaliers italiens qui, parfaitement protégés, tant hommes que chevaux, ne craignant en rien les coups de flèches, se jetteraient sur les compagnies d'archers à pied anglais, rempart habituel de cette armée, et mettraient le désordre dans leurs rangs, en les chassant à coups de pique et de lance. C'est la raison pour laquelle les Français eurent dès lors avec eux un tel corps de troupe commandé par un chevalier italien.
Pour leur part, les Anglais pourvoyaient vigoureusement à leurs affaires ; ils préparaient leurs troupes au combat, ayant tiré de tous côtés soldats et secours des terres qui leur étaient soumises. Le chef suprême de leur armée était le duc de Bedford, déjà nommé, oncle du roi d'Angleterre et régent de France en son nom. Il avait avec lui de très vaillants capitaines, le comte de Salisbury, le sire de Talbot, comte de Shrewsbury, le sire de Scales, ainsi que plusieurs autres comtes et seigneurs du royaume d'Angleterre. Leurs troupes atteignaient le chiffre de 14.000 hommes environ ; mais les Français, avec les Écossais et les Italiens, passaient pour en avoir bien davantage.
Comme approchait le jour fixé pour engager le combat (16), l'armée anglaise campa dans les champs à un peu moins d'une lieue française de la place de Verneuil, en pleine vue des Français qui se trouvaient dans la ville et aux environs. Les Français, de leur côté, faisant sortir leurs troupes de la place, les rangèrent en bataille dans les champs immédiatement voisins. Ceci fait, la cavalerie italienne en tête, les bataillons d'infanterie et les corps d'Écossais commencèrent à se porter à la rencontre des Anglais, qui les attendaient de pied ferme.
Les cavaliers italiens chargèrent avec fougue l'infanterie anglaise, semant la crainte dans ses rangs et la menaçant gravement. De nombreux hommes d'armes, atteints par le choc, mordirent la poussière et les cavaliers pénétrèrent profondément dans les rangs de l'armée anglaise qui s'entr'ou-vraient d'eux-mêmes pour laisser passer avec le moins de mal possible les cavaliers italiens.
Ayant ainsi rompu les rangs anglais, renversé sur leur passage beaucoup d'ennemis et percé de part en part toute leur armée au point de la laisser derrière leur dos, jugeant que les troupes françaises et écossaises qui les suivaient mèneraient à bonne fin ce qu'ils avaient heureusement commencé et que les Anglais, au reste, seraient aisément abattus et vaincus, les cavaliers italiens se portèrent en hâte au pillage des bagages que des domestiques et des valets gardaient à une certaine distance avec les chevaux. Ils tuèrent quantité de ces gens qui s'efforçaient de leur échapper, s'emparèrent de beaucoup d'or, d'argent et d'objets précieux de toute sorte et s'en allèrent.
Les Anglais cependant se réorganisèrent ; ceux qui avaient été renversés se relevèrent, et, reprenant courage et vigueur, réconfortés et ragaillardis par les exhortations de leurs capitaines, ils accueillirent avec fermeté et bravoure les troupes des Français et des Écossais, si bien que, combattant courageusement, ils contraignirent un grand nombre de leurs adversaires à tourner les talons, en faisant un grand carnage.
Peu s'en fallut qu'à cet endroit les bataillons écossais ne périssent tout entiers avec leurs capitaines ci-dessus nommés. Entre eux et les Anglais, la lutte fut longue et acharnée, jusqu'à destruction complète. Parmi les Français, beaucoup tombèrent ; le reste fut enfoncé et ne dut son salut qu'à la fuite. Là périt le comte d'Aumale, ainsi que beaucoup d'autres seigneurs français. Le duc d'Alençon, jeté à terre, fut trouvé, après le combat, vivant encore parmi les monceaux de cadavres et fut emmené en captivité.
La victoire resta donc aux Anglais, victoire sanglante au demeurant, car parmi eux aussi beaucoup restèrent sur le carreau ; d'autres, en bien plus grand nombre, grièvement blessés, ou retournèrent chez eux, ou y furent transportés.
C'était un spectacle horrible que de voir sur le champ de bataille les cadavres en tas hauts et serrés, surtout là où avaient combattu les Écossais. Parmi eux aucun prisonnier ; et les tas s'accroissaient des corps de soldats anglais tués avec eux pêle-mêle.
Si la lutte fut aussi acharnée et cruelle, la cause en fut à l'orgueil et à la présomption des Écossais. Avant le début du combat, en effet, le duc de Bedford avait fait demander par un héraut aux capitaines écossais quelles conditions de guerre ils voulaient observer ce jour-là. Et ceux-ci, présumant avec trop d'arrogance et de témérité de leur force et de leur nombre, auraient répondu, dit-on, que ce jour-là ils ne feraient pas d'Anglais prisonniers et qu'ils ne voulaient pas, eux vivants, être prisonniers des Anglais.
Cette réponse enflamma le cœur de ces derniers, les excitant à la haine et au meurtre. Elle retourna contre les Écossais la vengeance qu'ils avaient voulu tirer de leurs ennemis.

uanquam autem hujuscemodi prelium non parum dampnosum exicialeque fuerit Francis, tamen, prout ipsi sepe a prudentissimis Francorum ducibus audivimus, Scotorum nece ac perdicione dampnum quod incurrerant satis repensatum est. Tanta enim presumpeione ac audacia ferebantur Scoti, vires et potenciam Francorum contempnentes et pro nichilo reputantes, que jam tum ex civilibus tum ex a hostilibus bellis plurimum attrite depresseque extiterant, quod animo proposuerant, si Anglos in illo prelio protrivissent, nobiles omnes Andegavie, Turonie et Biturie et vicinarum terrarum, qui reliqui erant, perimere eorumque domos, uxores ac terras et possessiones opimas suo juri ac dominio mancipare. Quod procul dubio non difficile eis multum factu fuisset, si pro voto, in hujuscemodi prelio peremptis atque extinctis Anglicis, victores evasissent. Non parvam igitur ex hoc infortunio regnum Francorum dixerimus consecutum felicitatem, si tam immanis feritatis propositum barbaris Scotorum animis incesserat.
Prelio autem confecto, et opidum Vernolii et multa alia castella dedicione regi Anglorum accesserunt, cum, oppressis et extinctis a quibus defendi potuissent, parum aut nichil solacii presidiive a Francis consequi confiderent.
Quoique ce combat n'ait pas été peu préjudiciable et funeste aux Français, néanmoins, comme nous-même l'avons souvent entendu dire par leurs plus sages capitaines, la mort, l'anéantissement des Écossais compensa suffisamment le dommage qu'ils avaient subi. Car, si grandes étaient, à ce qu'on disait, la présomption et l'audace des Écossais que,
méprisant et tenant pour rien les forces et la puissance des Français, grandement affaiblies et diminuées tantôt par les guerres civiles et tantôt par les guerres étrangères, qu'ils avaient formé le projet, s'ils avaient vaincu les Anglais dans ce combat, de tuer tout ce qui restait de nobles en Anjou, Touraine, Berri et dans les régions voisines, et de s'emparer de leurs maisons, de leurs femmes, de leurs terres et de leurs riches possessions. Et sans nul doute il ne leur aurait pas été très difficile d'accomplir leur dessein si, après avoir exterminé, comme ils le souhaitaient, tous les Anglais, ils étaient sortis vainqueurs de la lutte. Nous dirons donc que de ce malheur sortit un grand bonheur pour le royaume de France, s'il est vrai que des intentions aussi sauvages avaient pénétré dans les cœurs barbares des Écossais.
Après le combat, la place de Verneuil et beaucoup d'autres châteaux se rendirent au roi d'Angleterre, parce que, ceux qui auraient pu les défendre étant affaiblis ou morts, ils n'avaient que peu ou pas de confiance dans l'aide et secours qu'ils pouvaient attendre des Français.

ec tamen ita Francis omnibus animus exciderat, quin eciam de restringendo incendio tutandisque finibus aliqui cogitarent. Erat tum in domo regia cum ipso rege nutritus et sibi pene coevus illustris Johannes, naturalis filius Aurelianensium ducis, quem supra necatum fuisse Parisius retulimus, qui nedum arma aliqua induerat, dignus qui non a modo ejusdem ducis legittimus, verum eciam regis, immo et nobilissimi imperii rex atque moderator existeret.
Fuit enim prudencia et consilio in rebus tum belli tum pacis sagacissimus et gravissimus, in execucione vero eorum que consulto agenda decreta essent cautissimus atque efficacissimus executor, ut luculenter cunctis innotuit ex hiis que per eum in arduis et difficilibus causis atque negociis fortiter et strennue persepe et longo tempore factitata fuerunt, prout in sequentibus, cum oportunitas se optulerit, ostendemus. Qualis autem miles futurus esset, audita clade quam Francos apud Vernolium pertulisse memoravimus, statim auspicia ostendit.
Cum enim rex, qui tum adhuc juvenis erat et, ut hujusmodi etas dare solet, conviviis, choreis et voluptatibus die noctuque satis indulgens et plusquam utile fuisset, eum, utpote una nutritum et educatum, multum amans, apud se retinere in deliciis vellet et ne ad arripienda arma convolaret impedire atque prohibere, id efficere non potuit; sed rebus pene desperatis occurrens, reliquias armatorum, qui fusi dispersique post prelium vagabantur, collegit eosque consolatus et in debitum ordinem redigens, in presidiis locorum quibus periculum majus imminebat collocavit, prout oportunius videbatur, ne excursione hostium post tantam calamitatem cetere civitates et loca ad hostes exterrite deficerent, et per hoc incendium longius laciusque vagaretur. Munitis igitur principalioribus locis, que Anglorum terminis viciniora et ampliori subjecta periculo putabantur, industria et labore predicti Johannis, qui tum bastardus Aurelianensis vocabatur (postea vero a rege pro suis egregiis virtutibus muneratus, comitatum Dunensem in Carnotensi et comitatum postea de Longavilla in Rothomagensi diocesibus optinuit), effectum est ut non facile Angli in ulteriora penetrare potuerint a, restrictaque via qua, nisi eo modo provisum exti-tisset, parvo negocio et absque labore magno in anteriora sese extendere et dilatare statim potuissent.
Non tamen quieverunt ipsi Angli atque Burgundiones quin assidue Francorum terras ac municiones pervaderent, aliquas interdum vi et armis, aliquas per insidias aut nocturnas inscalaciones et murorum transcensiones, subiciendo; quod non eciam dissimiliter e diverso Franci in Anglorum, ymmo verius suas municiones, factitabant, cum agminibus armatorum nunc suos, nunc hostium agros, partes utreque populantes et in vastitatem ac desercionem provinciam redigentes. Et hoc modo quidem per annos aliquot protracta est guerra.
Tous les Français cependant n'avaient pas perdu à ce point courage que certains d'entre eux ne songeassent à faire la part du feu et à protéger les frontières. Il y avait alors à la cour un homme qui avait été nourri avec le roi et qui était à peu près de son âge (17) ; c'était l'illustre Jean, fils naturel du duc d'Orléans, dont nous avons rapporté plus haut la mort à Paris. Bien que n'ayant pas encore combattu, il était déjà digne d'être fils non seulement de duc, mais de roi, que dis-je, d'être roi lui-même et chef de ce grand royaume.
Il fut, en effet, très avisé et très pondéré dans son jugement et dans ses conseils, autant dans les choses de la guerre que dans celles de la paix ; très prudent aussi et très agissant dans l'exécution de ce qui avait été une fois décidé, comme il apparut clairement à tous par ce qu'il accomplit vaillamment et courageusement à maintes reprises et pendant une longue période dans des cas et dans des affaires ardus et épineux, ainsi que nous le montrerons aux chapitres suivants, quand l'occasion s'en présentera. Quel soldat il devait être, on put le deviner dès que la défaite subie par les Français à Verneuil fut venue à sa connaissance.
Le roi, en effet, qui était encore jeune et qui, comme il est habituel à cet âge, se laissait entraîner de nuit, aussi bien que de jour, et plus qu'il n'était utile, aux festins, aux danses et aux plaisirs, le roi, dis-je, qui l'aimait beaucoup, parce qu'ils avaient été nourris et élevés ensemble, voulait le garder avec lui à jouir de la vie, pour le détourner et l'empêcher de voler prendre les armes. Mais il ne put y parvenir. Au contraire, le jeune homme accourant, alors que tout était presque perdu, rassembla les troupes éparses, qui erraient à l'aventure après la bataille, et, les encourageant, les ralliant en bon ordre, les posta, comme il lui parut le plus opportun, dans les lieux où le danger était le plus immédiat, pour que, l'ennemi prenant du large après un si grand malheur, d'autres villes et places effrayées ne se livrassent pas à lui et que l'incendie ne gagnât pas de proche en proche. Ainsi les principales localités à proximité de la frontière anglaise et les plus exposées au danger furent mises en état de défense, alors le bâtard d'Orléans, et qui, par la suite, reçut du roi comme récompense de ses éminents mérites le comté de Dunois au diocèse de Chartres, puis le comté de Longueville au diocèse de Rouen (18). Le résultat fut que les Anglais eurent peine désormais à pénétrer au delà de la ligne par eux atteinte et que le chemin par lequel ils auraient pu à peu de frais et sans grands efforts, s'il n'y eût été mis bon ordre, étendre et développer leur domination dans la contrée qu'ils occupaient déjà leur fut en partie fermé.
Pourtant, Anglais et Bourguignons n'eurent de cesse qu'ils n'eussent gagné à force de persévérance les terres et les forteresses françaises, quelques-unes les armes à la main, les autres en usant de stratagèmes ou en franchissant les murs la nuit au moyen d'échelles. Les Français, du reste, n'agissaient pas différemment à l'égard des places fortes anglaises, ou plus exactement de leurs places fortes, chacun des deux partis ravageant avec des troupes de gens d'armes tantôt son propre territoire, tantôt celui de l'ennemi, et réduisant la province à l'état de désert. Et de cette façon la guerre se poursuivit pendant plusieurs années.

er utriusque enim partis armatos, qui assidue alii in aliorum terminos incursabant, captivi rustici ad castra et municiones ducebantur, ut, tetris e clausi carceribus et in specubus retrusi atque eciam variis cruciatibus et tormentis affecti, sese quanta pecuniarum summa ab eis consequi sperabatur redimerent. Erat in foveis et specubus castrorum et turrium invenire pauperes colonos ex agris abductos, interdum in una fovea centum, interdum ducentos, et alibi quidem plus, alibi minus, secundum quod vel major vel minor predonum numerus illic aderat; quorum quidem sepe magnus numerus, eorum quibus impossibile erat petitas ab eis summas atque requisitas persolvere, nullam in eos prorsus misericordiam predonibus habentibus, fame, inedia et carceris squalore necabantur. In cruciatibus vero et tormentis, sibi ad extorquendum summas poposcitas, quibus se redimerent, adhibitis sepe deficiebant. Tanta rabies avaricie et crudelitatis animis predonum insederat, ut nulla prorsus miseracione in pauperes ac supplices moverentur. Quin ymmo, instar sevissimarum bestiarum, in innocentes ac supplices agrorum cultores sevire delectabat plerosque ex ipsis predonibus.
Preter eos vero, qui pro Francorum partibus se militare dicebant, et, licet plerumque absque ordine et stipendio, tamen opida vel castra incolebant, que Francis parerent, et sese ac predas suas in eisdem receptabant, erant alii sine numero desperati atque perditi homines, qui seu socordia seu Anglorum odio vel libidine aliena rapiendi seu consciencia criminum stimulati, ut legum evaderent laqueos, relictis agris et domibus propriis, non quidem Francorum opida seu castra incolerent aut in eorum exercitibus militarent, sed ferarum more ac luporum dempsissima silvarum et inaccessa loca tenebant, unde, esurie ac famis perurgente rabie, exeuntes plerumque noctu et in tenebris, aliquando eciam interdiu, sed rarius, agricultorum irrumpentes domos, bonis eorum direptis, eosdem captivos ad suas in silvis occultissimas latebras abducebant et eos illic variis excruciantes tormentis ac inediis, ad magnas pro sua redempcione et liberacione pecuniarum summas et alia que usui suo necessaria putarent coartabant, ad quem statuissent locum prefinito die deportandas. Ad quod si deficerent, vel quos ob-sides reliquissent inhumanissime tractabantur, vel ipsi, si iterum ad eos comprehendendos latrunculi ipsi potuissent pervenire, necabantur, aut eorum domus, igne noctu clam apposito, cremabantur.
Hoc siquidem genus desperatorum hominum, qui vulgo Brigandi appellabantur, mirum in modum in Normannia et adjacentibus provinciis atque terris, quas Anglici occupabant, invaluit et earum incoles terrarum vexavit et agros populavit.
Et quamvis capitanei atque duces Anglorum, eo quod, dum ipsos Anglicos apprehendere potuissent, sine ulla miseracione interficiebant, multum cure ac diligencie pene semper habuerint ut hujuscemodi pestilencium ferarum genere provinciam expurgarent, ita ut quoscumque ex eis comprehendere poterant illico furcis ac patibulis suffigerent, nunquam tamen semen illud ulla diligencia vel arte exterminare potuerunt, quamdiu Normanniam incoluerunt ac tenuerunt. Verum siquidem et experimento liquido approbatum consilium fuerit, quod quidam sacerdos Normannie inter Anglicos plures, in mensa sedens, eis prebuit. Dum enim inter se de hujusmodi Brigandis quererentur, colloquendoque unumquemque eorum qui mense astabant requirerent ut suam diceret opinionem, quanam via seu ingenio hujuscemodi nequissimum hominum genus a patrie finibus arceri posset, cum unusquisque Anglorum, unus unam, alius aliam sentenciam dixisset, tandem ad illum bonum presbyterum deventum est. Qui, requisitus ut ipse suam eciam diceret sentenciam, multis quidem propositis excusacionibus, rogabat ut sibi velud rerum talium ignaro atque inexperto parceretur, cum nec sacerdotali professioni conveniret de talium facinorosorum suppliciis disceptare. Cum vero nichilominus urgeretur ut sentenciam diceret, rogata primum ac postulata venia ut, si quid insulcius diceret, sue ignorancie parceretur, que ab omnibus quidem illic astantibus concessa fuit, unum solum videri sibi apponi posse atque superesse remedium dixit, si Anglici omnes Gallia excederent et in Angliam, natale eorum solum, redirent; tunc enim, procul dubio, ipsis abeuntibus, simul et Brigandi in terra esse desinerent. Quod verissimum fore postea compertum fuit. Nam illico ut Anglici, Normannia ejecti, ad propria reverti compulsi sunt, patria illo pestilenti hominum incommodo libera reddita est. Qui enim ex illo latrocinandi officio supererant (et multi quidem erant), vel in numerum milicie atque ad stipendia recepti sunt, vel ad domos suas revertentes, agrorum culture intenderunt, aut, si artem didiscerant, ex ea procurare sibi, uxoribus ac liberis necessaria vite curaverunt.
Quamdiu vero Anglici terram tenuerunt, ut diximus, continuo patriam pene ubique infestantes et luporum more ex latibulis atque antris silvarum exsilientes, quos poterant vicinos, maxime ac sibi familiarius notos, capti-vabant, spoliabant, interdum eciam aliquos presertim Anglicos enecabant. Quibus eciam tam efferata rabies incesserat, ut nec sacerdotibus Dei pro reverencia dignitatis ordinisque sacerdotalis ab eis parceretur, nec eos Apolinis infula texerit, quominus si possent, ut ceteri captivarentur vel spoliarentur ab ipsis.
Et licet, ut jam diximus, Anglici, quorum potissime vite tendebant insidias, eos, cum potuissent, sine ulla miseracione trucidantes, frequentissime perquirerent, perlustrantes silvas, et cum armatorum cohortibus et canibus eas cingentes et pervagantes plurimosque comprehensos vel statim perimerent vel vivos ad judices regios supplicio afficiendos contraderent (erat enim publico edicto occidentibus sive ad justiciam deducentibus Brigandos certum salarium de fisco regio propositum et constitutum, quo procliviores milites Anglorum ad extinguendum illud pestiferum latronum genus redderentur), tamen, more ydre, de quo poete velut serpente quodam locuti sunt, uno succiso capite, tria semper renasci videbantur.
Feruntur aliquando in anno uno in Normannia variis in locis ac judicum tribunalibus, tam de ipsis quam eorumdem receptatoribus, quibus non dissimile judicium reddebatur, publico judicio vel capite plexi vel patibulis affixi ultra decem millia. Sciri enim hoc facile poterat ex publicis raciociniis, cum, ut premisimus, pro capite cujuslibet ad judicem adducti vel eciam in prosecucione perempti premium propositum exsolveretur. Et tamen nec tali diligencia atque cura reddi potuit ab illa peste patria libera et immunis donec, dicione ac potestate Anglorum exuta, sub Francorum naturale terre imperium restituta fuit.
Talibus igitur malis, dum utriusque parcium capitanei et armati vel astu vel dolo seu per insidias aut tradimenta et prodiciones diverse partis civitates, opida et municiones, pocius quam armis et bellica fortitudine, quociens possent, studerent acquirere sibi, agros populare, colonos abducere, cruciatibus vel necare vel affligere ; dum eciam qui Brigandi appellabantur nulli agrorum cultori aut alteri quietem ullam permitterent, effectum est longo temporis intervallo ut vastitas illa et desercio horrenda tantarum regionum, sicut jam prediximus, sequeretur. Quid cladem referam Carnuti, quid Cenomannensem, quid Pontisare, insignissimi quondam atque florentissimi opidi, quid Senonensis, quid Ebroicis civitatum, et aliorum quamplmimorum locorum, que per insidias aut prodiciones et tradimenta, nonnulle eciam non semel tantum capte, sed sepius hostium ac predonum direpcioni atque ludibrio patuerunt ? Quibus similem fere exitum fecerunt innumera pene per omnem Galliam loca, quorum si singula infortunia et exiciabiles casus referre vellemus, multa nobis librorum volumina implenda essent.
Sed ad aliqua memoratu digniora veniendum est, ne legentibus onerosi fastidiosique inveniamur.
En effet, les gens d'armes des deux partis, qui faisaient
de constantes incursions les uns chez les autres, emmenaient
les paysans prisonniers dans les châteaux et les forteresses et, les enfermant dans des prisons infectes ou des culs de basse fosse, les martyrisant de toutes sortes de manières, tentaient de les contraindre à se racheter en payant les fortes rançons qu'ils leur fixaient. Il arrivait qu'on trouvât dans les caves et dans les souterrains des châteaux ou des tours de ces pauvres paysans arrachés à leurs champs, ici cent, là deux cents, ailleurs davantage, selon qu'il y avait un plus ou moins grand nombre de ravisseurs. Souvent beaucoup d'entre eux, dans l'impossibilité d'acquitter les sommes que l'on exigeait d'eux, ne trouvaient auprès des pillards aucune pitié et mouraient de faim, de faiblesse et de vermine. Souvent, dans les persécutions et les tourments mêmes qu'on leur faisait subir pour leur arracher les sommes qu'on réclamait d'eux, ils tombaient en défaillance. Et telle était la rage de cupidité et de cruauté chevillée au cœur des pillards qu'aucune espèce de compassion ne les animait en faveur des pauvres et des suppliants. Bien plus, à l'instar des animaux les plus cruels, la majeure partie de ces pillards éprouvaient un plaisir particulier à accabler les paysans innocents et réduits à merci.
Mais, en dehors de ceux qui prétendaient combattre pour le camp français et qui, bien que la plupart du temps sans formation régulière et sans solde, habitaient les places et les châteaux soumis aux Français et s'y retiraient avec leur butin, il y avait aussi en très grand nombre des hommes désespérés et perdus qui, soit par lâcheté, soit par haine des Anglais, soit par désir de s'emparer du bien d'autrui, soit que, conscients de leurs crimes, ils voulussent échapper au filet des lois, ayant quitté leurs champs et leurs maisons, n'habitaient pas à la vérité les places ou les châteaux des Français et ne combattaient pas dans leurs rangs, mais, à la manière des bêtes sauvages et des loups, vivaient au plus épais et au plus inaccessible des forêts. De là, tenaillés et rendus enragés par la faim, ils sortaient presque toujours la nuit, à la faveur de l'obscurité, quelquefois, mais plus rarement, pendant le jour, envahissaient les maisons des paysans, s'emparaient de leurs biens, les emmenaient prisonniers dans leurs introuvables repaires des bois, et là, par toute sorte de mauvais traitements et de privations, les obligeaient à porter à lieu et à jour fixés de grandes sommes d'argent pour leur rançon et libération, ainsi que d'autres objets qu'ils jugeaient indispensables à leur usage. En cas de manquement, ou bien ceux que les paysans avaient laissés pour otages subissaient le traitement le plus inhumain ou ces paysans eux-mêmes, si les pillards parvenaient à les reprendre, étaient massacrés, ou bien encore leurs maisons, mystérieusement allumées pendant la nuit, brûlaient.
Ces hommes capables de tout, qu'on appelait communément les Brigands, faisaient merveille en Normandie, ainsi que dans les provinces voisines et dans les terres occupées par les Anglais, mettant en coupe réglée les habitants et dévastant les campagnes.
Les capitaines et chefs anglais s'employèrent presque toujours avec beaucoup de soin et d'activité à purger la province de ces bêtes féroces, d'autant que les Brigands, lorsqu'ils pouvaient s'emparer d'Anglais, les mettaient à mort sans pitié. Aussi, quand ils réussissaient à se saisir de quelques-uns d'entre eux, les Anglais les faisaient-ils pendre aussitôt aux fourches et aux gibets. Et pourtant jamais leur zèle ni leur habileté ne parvinrent à exterminer cette mauvaise graine, tant qu'ils habitèrent et possédèrent la Normandie. L'expérience, au contraire, aura prouvé clairement l'excellence du conseil que leur donna, un jour qu'il se trouvait à table au milieu de plusieurs Anglais, certain prêtre de Normandie. Comme ils se plaignaient entre eux de ces Brigands et que, tout en causant, ils demandaient à chacun des convives de faire connaître par quel moyen ou par quelle ruse on pourrait débarrasser le pays de ces malfaiteurs, après que les Anglais eurent donné chacun son avis, le tour vint enfin de ce bon prêtre. On lui demanda de dire aussi ce qu'il en pensait. Il allégua d'abord plusieurs excuses, priant qu'on l'épargnât, ignorant qu'il était, assurait-il, et inexpérimenté de telles choses et protestant que son état sacerdotal ne s'accommodait pas de disputer sur les peines à infliger à de tels criminels. Néanmoins on insista de façon pressante pour qu'il donnât son avis. Alors, après avoir demandé et prié qu'on pardonnât à son ignorance s'il disait une balourdise, ce qui lui fut accordé par tous les assistants, il opina qu'à ce qu'il lui semblait il ne restait à appliquer qu'un seul remède, à savoir que tous les Anglais quittassent la France et retournassent en Angleterre, leur pays natal ; car, sans nul doute, eux partant, les Brigands cesseraient pareillement d'habiter le pays. Rien n'était plus vrai, ainsi qu'on l'a reconnu plus tard. Car aussitôt que les Anglais, chassés de Normandie, furent contraints de rentrer chez eux, le pays fut délivré de cette peste. Ceux qui restaient de ces spécialistes du pillage (et ils étaient nombreux) furent accueillis comme soldats réguliers et touchèrent une solde ; ou bien, retournant chez eux, ils se mirent à cultiver la terre, ou bien, s'ils avaient appris un métier, ils s'employèrent à procurer le nécessaire à eux-mêmes, à leurs femmes et à leurs enfants.
Tant que les Anglais occupèrent le pays, comme nous l'avons déjà dit, répandus continuellement à peu près partout et sortant à la façon des loups de leurs cachettes et de leurs tanières, ils s'emparaient de leurs voisins quand ils le pouvaient, surtout de ceux qu'ils connaissaient plus intimement et les dépouillaient ; et même parfois ils en tuaient quelques-uns, des Anglais principalement. Ils étaient animés d'une rage si farouche que les prêtres de Dieu, malgré le respect dû à la dignité et au caractère sacerdotaux, ne trouvaient pas grâce devant eux ; même revêtus des ornements sacrés, les Brigands s'emparaient de leurs personnes et les dépouillaient s'ils le pouvaient, tout comme les autres.
Ainsi que nous l'avons dit, ils s'attaquaient surtout à la vie des Anglais, les massacrant, lorsque l'occasion s'en présentait, sans aucune pitié. Ceux-ci les recherchaient constamment, fouillant les bois, qu'ils entouraient et parcouraient en tout sens avec des troupes d'hommes armés et des chiens, car il était alloué par édit public une prime sur le trésor royal à ceux qui tuaient des Brigands ou qui les livraient à la justice, ce qui rendait les soldats anglais plus, enclins à anéantir cette dangereuse engeance. Cependant, comme chez l'hydre, cette espèce de serpent dont parlent les poètes, à la place d'une tête coupée trois autres repoussaient sans cesse.
En une seule année, dit-on, en Normandie, en divers lieux et tribunaux, tant de ces Brigands que de ceux qui leur donnaient asile (les seconds étant du reste traités comme les premiers), on en condamna à mort en jugement public et on en pendit plus de 10,000 : chose facile à déduire de l'examen des comptes publics, puisque, ainsi que nous l'avons dit, une prime était payée par tête de Brigand livré à la justice ou tué au cours d'une battue. Malgré tant de soins, le pays ne put être délivré et nettoyé de cette peste jusqu'à ce que, la domination anglaise ayant disparu, il eût été rendu aux Français, ses maîtres naturels.
D'une part, donc, capitaines et soldats des deux partis, cherchant aussi souvent qu'ils le pouvaient, soit par fourberies, ruses, pièges et trahisons, plutôt que par les armes et force de guerre, à gagner les villes, les places et les forteresses de l'adversaire, à ravager les campagnes, à emmener les paysans prisonniers, à leur infliger les vexations les plus cruelles ou à les faire mourir ; de l'autre, les Brigands, comme on les appelait, ne laissant aucune tranquillité aux paysans ni à personne : voilà les maux qui causèrent si longtemps cette horrible dévastation de régions si étendues ! Raconterai-je la ruine de Chartres, celle du Mans, celle de Pontoise, place autrefois très insigne et très florissante, celle de Sens, d'Évreux et de tant d'autres localités qui, prises par ruse, perfidie et traîtrise, quelques-unes même non pas une fois, mais plusieurs, furent livrées toutes grandes au pillage et au bon plaisir des ennemis ou des Brigands ? Le nombre est presque incalculable des localités qui, en France, subirent le même sort, et, si nous voulions rapporter un à un leurs malheurs et leurs cas lamentables, il nous faudrait remplir des volumes entiers.
Mais il faut en venir à quelques événements plus dignes de mémoire, pour que les lecteurs ne nous trouvent pas pesant et ennuyeux.

uadriennio siquidem aut circa post prelium apud Vernolium decurso, cum Anglici supra Ligeris flumen nonnulla optinuissent opida seu castella, videlicet Gergeau ad quatuor leucas supra Aurelianensem urbem, Modinum vero ad quatuor similiter et Baugensi ad septem infra dictam urbem, supra ripas ejusdem fluminis, statuerunt ipsam Aurelianensem urbem aggredi, opum habundancia et populorum ante multas alias tunc frequencia ac numerositate refertam. Que, cum suburbana haberet perampla, utpote in quibus essent quatuor conventus ordinum mendicancium et insignis collegiata ecclesia Sancti Aniani, cum pluribus parochialibus ecclesiis et aliis oratoriis multis, cives veriti ne et ad se protegendum impugnandumque civitatem ista hostibus deservirent, comportatis infra menia que illic constiterant bonis eadem igne cremantes, in favillas cineresque redacta ad solum usque complanarunt. Sed non eo minus adventantes Anglici, duce eorum comite Salisberiensi, majoris ac precipue tunc opinionis in rebus bellicis inter Anglorum duces, contra civitatem castra metati, eamdem obsidione cinxerunt.
Habebat idem comes tunc validissimum exercitum, quem noviter ex Anglia adduxerat, adjunctis sibi contractisque copiis ex veteribus Anglicis qui diu jam in Gallia militaverant. Sed cum ex ea tantum fluminis parte atque ripa in qua est civitas sita castra posita essent et illic plures bastilias, instar castellorum structas, ipsi Angli valide munivissent, cives vero de trans flumen quociens vellent copias Francorum militum infra urbem suam reciperent et annonam largissime per pontem introducerent, consilium Anglicis fuit copiam ingrediendi egrediendique per pontem civibus atque Francis, si possent, intercludere.
Aggressi itaque e magnis viribus turrem expugnare munitissimam, que ex alia ripa fluminis pontem munit ac tuetur, ipsam vi et armis, cesis pulsisque custodibus, expugnatam in suam redegerunt potestatem et militum suorum magna illic presidia locaverunt. Quo facto, cum jam nec ex una nec altera fluminis partibus annona vel ulla vivendi solacia civibus provenirent, urbe undique armis et castris hostilibus circumvallata, coartati sunt non multo post cives et qui illic in presidio consistebant milites multarum rerum necessariarum penuria et caristia. Non tamen animus viresque eis defuere quin se viriliter ab hostibus tuerentur, eosque quomodo possent assidue pene studerent impugnare. Unde cum, quodam die, quem prediximus comes Salisberiensis arcem illam in altero fine pontis intravisset lustraretque, prospiciens quomodo per eam civitati detrimenta inferret, nutu divine providencie que urbem ipsam in hostium potestatem redigi prohiberet, ex menibus civitatis jactus de bombardela lapis, fenestram unam ejus turris cui prope astabat idem comes intravit; qui ferramento allisus quo eadem muniebatur fenestra et in partes divisus, in caput ipsius comitis, prope alterum oculorum, impegit eumque letaliter vulneravit. Cumque ita saucius ad opidum Modinum se deferri fecisset, infra paucorum dierum spacia vita excessit. Que res et civitati et Francis non infausta fuit; nam inter omnes Anglorum duces et prudentissimus in rebus bellicis et strennuissimus habebatur. Reliquit autem moriens tocius obsidionis et exercitus curam cuidam Anglico militi, cognomento Classidas, quem etiam tocius industrie militaris peritissimum reputabat.
Defuncto igitur tali modo comite Salisberiensi, cujus nomen et fama Francis non parvo ducebantur, letati sunt
quidem qui in civitate obsessi tenebantur et, spe meliore roborati, sue defensioni viriliter incumbere. Angli vero e diverso variis machinamentis ac molicionibus vel civitatem expugnare vel inedia ad dedicionem cives urgere
insistebant.
Quatre ans environ après la bataille de Verneuil, s'étant emparés de quelques places et châteaux situés sur la rivière de Loire — à savoir Jargeau, à quatre lieues en amont d'Orléans, Meung à quatre et Baugency à sept lieues en aval, sur les bords du fleuve — les Anglais décidèrent d'attaquer ladite ville d'Orléans, remplie de toute sorte de richesses et peuplée, plus que beaucoup d'autres, d'un grand nombre d'habitants. Comme elle avait des faubourgs très étendus, puisqu'ils comprenaient quatre couvents des ordres mendiants et l'insigne église collégiale Saint-Aignan, avec plusieurs églises paroissiales et beaucoup d'autres oratoires, les bourgeois, craignant que ces faubourgs ne servissent aux ennemis pour se protéger et pour attaquer la ville, emportèrent à l'intérieur des murs les richesses qui s'y trouvaient, puis mirent le feu aux constructions et, une fois réduites en cendre et poussière, les rasèrent au niveau du sol. Néanmoins, les Anglais arrivèrent, sous la conduite du comte de Salisbury (19), dont, en matière militaire, la réputation était prépondérante parmi les capitaines anglais. Ils établirent leur camp contre la ville, qu'ils assiégèrent de tous côtés.
Ledit comte avait alors une très forte armée, qu'il avait ramenée récemment d'Angleterre, et à laquelle on avait réuni des troupes composées de vétérans ayant déjà combattu longtemps en France. Mais, comme le camp avait été établi seulement sur la rive du fleuve où se trouve la ville et qu'à cet endroit les Anglais avaient puissamment fortifié plusieurs bastilles construites à la manière de châtelets ; comme, d'autre part, les habitants faisaient passer le fleuve, aussi souvent qu'ils le voulaient, aux troupes françaises et les recevaient dans la ville, tandis que par le moyen du pont, tant à l'entrée qu'à la sortie, ils introduisaient des approvisionnements en abondance, les Anglais résolurent d'interdire, si possible, l'accès du pont aux habitants et aux Français.
Ayant donc attaqué avec de grandes forces la tour la plus fortifiée qui, sur la rive opposée du fleuve, défend et protège le pont, ils s'en emparèrent de haute lutte, après avoir tué ou repoussé ses défenseurs, et y mirent une importante garnison de leurs soldats. Cela fait, comme désormais ni de l'un ni de l'autre côté du fleuve les vivres ou quoi que ce fût pouvant servir à leur subsistance ne parvenaient aux habitants, la ville étant entourée de tous côtés par les bataillons et les campements ennemis, les habitants et les soldats qui y tenaient garnison furent en proie bientôt après à la disette et pénurie de beaucoup d'objets de première nécessité. Pourtant ni courage ni force ne leur manquèrent ; rien ne les détourna d'opposer aux ennemis une résistance virile ni de chercher avec ardeur à les attaquer par tous les moyens. Si bien qu'un jour, comme le susdit comte de Salisbury était entré dans la tour placée à l'autre bout du pont et la parcourait, examinant de quelle manière il pourrait, de là, porter dommage à la cité, un décret de la divine Providence, qui protégeait la ville et l'empêchait de tomber aux mains des ennemis, fit qu'une pierre, lancée du haut des murs par une bombarde, pénétra par une fenêtre de la tour auprès de
laquelle se tenait le comte et, se brisant en morceaux après
avoir heurté la ferrure qui garnissait la fenêtre, le frappa à la
tête, près d'un oeil, et le blessa mortellement (20). Et comme,
ainsi blessé, il s'était fait transporter à Meung, au bout de
peu de jours il passa de vie à trépas. Ce ne fut certes pas
un malheur pour la ville et pour les Français ; car, parmi
tous les capitaines anglais, il était tenu pour le plus sage
et avisé chef de guerre et aussi pour le plus vaillant. En mourant,
il laissa la charge de tout le siège et de l'armée à un
chevalier anglais surnommé Classidas (21), réputé, lui aussi, très
au fait de tout ce qui touchait à l'art militaire.
Cette mort du comte de Salisbury, dont le nom était hautement
prisé par les Français, causa grande joie à ceux quiétaient assiégés dans la ville. Renaissant à l'espoir, ils s'appliquèrent
en gens de coeur à sa défense. Les Anglais, de
leur côté, s'occupaient activement, par des machinations et
des manigances de toute sorte, soit à emporter la ville d'assaut,
soit à forcer par la famine les habitants à se rendre.

ed Franci, quibus, ut diximus, jam inhibitus erat ad obsessos ingressus, frequenter et pene assidue incursantes vias et itinera per quas ad Anglorum castra ex satis distantibus locis et plerumque ex Parisius annona vehebatur, ipsos eciam Anglos rebus necessariis egere et penuriam pati interdum compellebant.
Quo factum est ut non ad eos victualia sine magno armatorum conductu perduci possent. Que res cum Anglos molestia multum et dampnis sepe affecisset, statuerunt contra hujusmodi incommoda providenciam apponere. Contrahentes igitur undique copias ad conducendam annonam ad castra sua Aurelianis, advocatis eciam atque ascitis nobilibus Normannie, de Parisius per Belciam, cum ingenti curruum ac vehiculorum numero, in quibus plurima allecum dolia cum ceteris rebus exercitui neces-sariis vehebantur, pertransibant atque iter faciebant. Erat enim sacri quadragesimalis jejunii tempus.
Quod cum seu per transfugas seu aliis modis Franci didiscissent, estimantes hoc uno remedio succurrere posse obsessis, si obsidentes ad famem adigerent et eis eciam copiam annone prohiberent, collecta manu militum numerosa, et que ad triplum vel quadruplum Anglorum exercitum excedere ferebatur, cum eisdem Anglis et Normannis in campis Belcie congredi statuerunt. Videntes vero Angli expeditas in campis patentibus multorum milium equitum ac peditum acies, quorum comparacione nullius pene reputacionis esse videbantur, ex suis curribus et vehiculis castra sibi contra impetum Francorum equitum atque peditum acies satis provide fecerunt atque munierunt et ad excipiendum hostes arcus et sagittas atque arma preparaverunt. Quo facto, cum concito impetu agmina Francorum equitum castra Anglorum irrumpere et ad eos proterendo contis et lanceis penetrare totis viribus contenderent, e diverso Angli vallum suum defendere, arcus valide extendere, jacula velud dempsos ymbres mittere, equos hostium vulnerare, sessores deicere ac per hoc impetum hostium viriliter propellere studebant. Quod cum ita fieret et multi ex Francorum equitibus caderent, eorum corruentibus equis sagittarum ictibus letaliter sauciatis, multis ex eorum peditibus levioris armature similiter cadentibus, turbatis et confusis eorum ordinibus, ipsi Franci terga verterunt. Quorum ductores exercitus tunc dux Borbonii et Carolus de Andegavia cum pluribus regiis capitaneis fuisse ferebantur. Erumpentes vero ex suis currilibus castris atque vallo Angli et in hostes magno impetu irruentes, multos ex ipsis ceciderunt et, pro tempore victoria satis honesta potiti, ad castra usque suorum circum Aurelianensem urbem cum suis curribus et annona, ac non contempnenda ex hostibus preda gaudentes, pervenerunt.
Ex quo et hiis qui in obsidione erant solacia, obsessis vero luctus plurimus et mesticia provenere. Sed nichilominus spem divini auxilii minime abicientes et in rebus afflictis fortiter et constanter conatibus hostium reluctantes, divina eis non defutura presidia confidebant, cum, ut sacri Davidici ympni concinunt, divinitas adjutrix semper esse soleat in oportunitatibus, in tribulacione et protectrix sperancium in se.
Que utique spes atque confidencia quam in divina pietate reposuerant eis non sine fructu aut irrita et vacua fuit nec fraudati sunt a desiderio suo; mirabili enim modo et multis inaudito seculis clemencia Dei ac bonitas obsessis, ac per hoc eciam omnibus Francis solacia atque auxilia contulit.

Mais les Français, à qui, nous l'avons dit, l'accès auprès des assiégés était déjà interdit, faisaient des incursions fréquentes et presque continuelles du côté des routes et chemins par où — de lieux assez éloignés, et le plus souvent de Paris — les approvisionnements étaient amenés aux camps des Anglais. Ils mettaient ainsi de temps en temps les Anglais eux-mêmes dans le cas de manquer des choses nécessaires et de souffrir de la famine.
Cela fit que les vivres ne purent leur être apportés sans une importante escorte de gens d'armes. Et comme c'était là souvent pour les Anglais une source de beaucoup d'ennuis et d'inconvénients, ils résolurent d'y parer. Rassemblant donc de tous côtés des troupes pour convoyer des vivres à leur camp sous Orléans, et ayant, en outre, convoqué et appelé les nobles de Normandie, ils allaient et faisaient route de Paris à travers la Beauce avec un grand nombre de voitures et de chariots, dans lesquels on transportait avec d'autres objets nécessaires à l'armée plusieurs tonneaux de harengs (22). C'était, en effet, le temps du saint jeûne de carême.
Ayant appris le fait par des déserteurs ou de toute autre manière, et pensant que ce pourrait être une aide pour les assiégés si les assiégeants étaient réduits à la famine et si les vivres leur étaient coupés, les Français rassemblèrent une troupe nombreuse, égale à trois ou quatre fois, disait-on, l'armée anglaise, et décidèrent d'attaquer lesdits Anglais et Normands dans les plaines de Beauce. Mais, voyant des formations de plusieurs milliers de chevaux et de gens de pied déployés en rase campagne, en comparaison desquels ils faisaient pauvre figure, les Anglais se servirent fort habilement de leurs voitures et chariots pour organiser et fortifier une sorte de citadelle destinée à soutenir le choc des formations françaises de chevaux et de gens de pied et préparèrent des arcs, des flèches et des armes pour recevoir l'ennemi. Cela fait, tandis que la cavalerie française, s'élançant avec impétuosité, s'efforçait de tout son pouvoir de pénétrer dans le camp des Anglais et de rompre leurs rangs en les bousculant à coups de lances et de piques, les Anglais, de leur côté, tâchaient à défendre leurs retranchements, à tendre vigoureusement leurs arcs, à lancer une pluie de flèches, à blesser les chevaux, à abattre les cavaliers et à repousser ainsi courageusement le choc de l'ennemi. Ils réussirent : beaucoup de cavaliers tombèrent, leurs chevaux s'écroulant les uns sur les autres, mortellement blessés à coups de flèches ; beaucoup de fantassins, armés à la légère, tombèrent pareillement, si bien que, le désordre et la confusion s'étant mis dans leurs rangs, les Français prirent la fuite. Les chefs de leur armée étaient alors, à ce qu'on dit, le duc de Bourbon (23) et Charles d'Anjou (24), avec plusieurs capitaines royaux. Puis, s'élançant hors de l'enceinte des chariots qui leur servaient de retranchement et se ruant impétueusement sur les ennemis, les Anglais en tuèrent un grand nombre ; et, ayant remporté une victoire honorable vu les circonstances, ils arrivèrent à leur camp sous Orléans avec leurs voitures, leurs vivres, sans compter un butin non méprisable pris à l'ennemi.
Cet événement, s'il réconforta les assiégeants, apporta grand deuil et tristesse aux assiégés. Néanmoins, n'abandonnant nullement l'espoir d'un secours divin et, résistant dans le malheur avec énergie et fermeté aux efforts de l'ennemi, ils avaient confiance que l'aide de Dieu ne leur manquerait pas, puisque, comme le chantent les hymnes saints de David, la divinité secourt toujours dans la prospérité et protège dans le malheur ceux qui mettent leur espoir en elle.
Cet espoir et cette confiance qu'ils avaient mis dans la miséricorde divine ne furent pour eux ni sans fruit, ni vains ni inutiles, et leurs désirs ne furent pas frustrés ; car, par un moyen vraiment merveilleux et dont on n'avait jamais ouï parler pendant de nombreux siècles, Dieu, dans sa clémence et sa bonté, apporta des consolations et des secours aux assiégés et par là même à tous les Français.

uit enim hiis diebus puella quedam, Johanna nomine, vixdum pubes, virgo quidem, ut ab omnibus semper estimatum fuit, orta in finibus Campanie et terre Barrensis, de villa cui nomen Vaucouleur. Que cum gregem patris sui pasceret et, nichilominus in religione Christi instructa, singularem devocionis fervorem ad Christum et gloriosam ejus genitricem, simul eciam ad a sanctas virgines Katherinam, Margaretam, Agnetem et nonnullas alias gereret, quodam die divinas revelaciones se habuisse constanter affirmabat sibique, dum in rure pascendo pecori insisteret, apparuisse predictas virgines sanctas et mandata divina ad eam detulisse.
Aiebat enim sibi preceptum factum ut ad Karolum regem accederet, sibi nonnulla clam ac secreto diceret. Que, qualia essent, ipse rex scire potuit, et si cui forsan ipse revelavit; nam occulta aliqua ex hiis fuerunt, aliqua autem omnibus palam facta, ut in sequentibus apparebit.
Acceptis igitur hujuscemodi visionibus et revelacionibus, Johanna, que vulgo per omnem Galliam « Puella » appellabatur, ad quemdam militem, dominum temporalem ville de qua oriunda erat et in qua cum suis paren-tibus morabatur, accessit, sibi asserens Dei voluntatem esse ut eam ad regem Francorum perduceret, ut sibi non-nulla divine jussionis mandata patefaceret, unde sibi, si eis pareret, et toti Francorum regno utilitates maxime essent proventure. Cum autem idem miles, ejus attendens simplicitatem, qui et ipsius parentes cognoscebat ruri colendo pascendisque animalibus operam dantes, ejus dicta pro nullo duceret et contempnenda prima facie existimaret, que poscebat, velud ab ydiota et insipiente muliercula dicta, implere recusabat.
Sed cum ipsa nichilominus perseveraret in sua assercione, comminata eciam, si mandata divina contempneret, sibi divinitus plagam aliquam non defuturam et, ut verisimile credi potest, signum aliquod sue missionis dedisset, eum ad assenciendum et ea que poscebat adimplendum adduxit. Unde ipse, paratis ad proficiscendum equis ac famulis ceterisque necessariis que suo convenirent statui, eam ex loco originis predicto ad Karolum regem Turonum usque perduxit.
Ubi, cum regem a se salutatum de adventus sui causa et dicte puelle adduccione cerciorem fecisset, rex aliquantum sollicitus super dicta rei novitate factus, puellule simplicitatem atque rusticitatem perpendens, ad colloquendum secum eam admittere recusavit, sed ad eam nonnullos de consilio et comitatu suo misit, qui ea que sibi dicere ac revelare vellet et que missionis sue signa ostenderet caucius et callidius ab ea explorando omnia percunctarentur. Atqui constanter omnibus ipsa respondit se habere divina jussione secreta quedam regi pandere, que sibi soli nullique alteri patefacere posset; missionis vero talia signa ostensuram, si ad colloquium se rex admiserit, quod de revelacione sibi a Deo facta nullatenus in ancipiti manere possit. Sed hiis nichilominus ita ab ea assertis, rex per decursum circiter trium mensium eam audire detrectavit.
Quo defluente spacio, obsessos Aurelianenses dira fames et plurium humanis usibus necessariarum rerum penuria constringebant. Ipsa vero Johanna nunc regium consilium, modo istum, modo illum ex primioribus erga regem assiduis interpellacionibus fatigabat, affirmans perseveranter, se si rex audire vellet et que sibi divinitus mandabantur adimplere, auxilia sibi obsessisque ac toti regno proventura; sin vero in sua persisteret perti-nacia, incommoda et calamitates sibi et obsessis totique regno imminere minime addubitaret.

Il y eut, en effet, en ce temps-là une pucelle, du nom de Jeanne, à peine adolescente, vierge, ainsi que tout le monde l'a toujours cru, née sur les frontières de la Champagne et du Barrois, en un village nommé Vaucouleurs. Comme elle paissait les brebis de son père et qu'instruite néanmoins dans la religion du Christ, elle portait une singulière ferveur de dévotion au Christ, à sa glorieuse Mère, ainsi qu'aux saintes Catherine, Marguerite, Agnès et à plusieurs autres, elle affirmait sans se lasser qu'elle avait eu certain jour des révélations divines et que, tandis qu'elle était aux champs, gardant son troupeau, lesdites saintes lui étaient apparues et lui avaient apporté des ordres de Dieu.
Elle disait qu'il lui avait été commandé d'aller vers le roi Charles et de lui dire certaines choses à l'oreille et en secret. Ce qu'étaient ces choses, le roi a pu le savoir, ainsi que ceux à qui peut-être il en a fait part. Certaines de ces choses furent secrètes, certaines, au contraire, furent faites au vu et au su de tous, comme il apparaîtra dans la suite.
Donc, quand elle eut reçu ces visions et ces révélations, Jeanne, qu'on appelait communément la Pucelle dans la France entière, s'en alla vers certain chevalier, seigneur temporel du village dont elle était originaire et où elle demeurait avec ses parents, lui assurant que la volonté de Dieu était qu'il la conduisît au roi de France pour qu'elle dévoilât à celui-ci certains commandements à elle faits par Dieu ; en suite de quoi, si le roi obéissait à ces ordres, le plus grand profit en adviendrait à lui et à tout le royaume de France. Mais ledit chevalier, connaissant la simplicité de cette fille, dont il savait que les parents s'adonnaient à cultiver les champs et à paître les animaux, n'attachait aucune importance à ses propos et jugeait de prime abord qu'on n'en devait pas faire cas. Aussi refusait-il d'accomplir ce qu'elle demandait, tenant ses dires pour propos de bonne femme dénuée d'intelligence et de bon sens.
Comme elle persévérait néanmoins dans ses affirmations, le menaçant, en outre, s'il méprisait les ordres de Dieu, des coups que Dieu ne manquerait pas de lui envoyer ; comme aussi, à ce qu'on peut croire avec vraisemblance, elle lui avait donné quelque signe de sa mission, elle l'amena à consentir et accomplir ce qu'elle réclamait. Aussi, ayant fait préparer pour le départ ses chevaux, ses serviteurs et tout ce que nécessitait sa condition, il la conduisit (25) dudit lieu de sa naissance au roi Charles, à Tours.
Là, ayant salué le roi et lui ayant fait savoir pourquoi il était venu et pourquoi il avait emmené avec lui ladite pucelle, le roi, un peu inquiet d'une pareille nouveauté, réfléchissant à la simplicité et rusticité de la pucelle, refusa de l'admettre à s'entretenir avec lui. Il envoya vers elle des gens de son conseil et de sa suite pour s'enquérir et s'informer auprès d'elle le plus prudemment et le plus habilement possible des choses qu'elle voulait lui dire et révéler et des signes qu'elle pouvait montrer de sa mission. Mais à tous pareillement elle fit réponse qu'elle avait, par ordre de Dieu, certaines choses secrètes à révéler au roi et qu'elle ne pouvait les faire connaître qu'à lui seul et à nul autre ; que si le roi l'admettait à converser avec lui, elle lui montrerait tels signes de sa mission qu'il ne pourrait plus douter le moins du monde de la révélation qu'elle tenait de Dieu. Mais, en dépit de ses affirmations, le roi, pendant trois mois environ (26), refusa de l'entendre.
Pendant ce temps, les assiégés d'Orléans subissaient une famine terrible et manquaient de bien des choses nécessaires aux hommes. Et ladite Jeanne fatiguait de ses demandes tantôt le conseil royal, tantôt l'un et tantôt l'autre des grands seigneurs vivant auprès du roi affirmant toujours que, si le roi voulait l'entendre et accomplir ce qui lui était commandé par Dieu il en adviendrait du secours pour lui, pour les assiégés et pour tout le royaume ; que si, au contraire, il persistait dans son obstination, désagréments et malheurs fondraient sans aucun doute sur lui, les assiégés et tout le royaume.

gitur cum talia perseverans indesinenter ingereret et de liberacione civitatis Aurelianensis obsessisque subveniendo nulla spes, sed pocius apud omnes ferme summa desperacio haberetur, ab illo Johanne, illustri comite Dunensi, quem naturalem fuisse filium ducis Aurelianensis Parisius perempti supra retulimus, nonnullisque aliis qui circa regem erant datum regi consilium fuit, que madmodum in rebus desperatis aliquando fieri assolet, quod dictam Johannam Puellam audire deberet et ex hiis que per eam audiret, prudenter animadvertere atque explorare an dicenda per eam, velud humana figmenta, repudianda, vel pocius veluti divine alicujus admonicionis seu preceptionis habencia racionem humiliter recipienda et amplectenda forent.
Eorum autem consilio rex et instancia devictus, simul et rerum tunc presencium quadam velud adactus desperacione, adquiescendum decrevit, et Johannam Puellam ad se accersiri fecit. Veniens igitur ad conspectum regis ipsa Johanna, remotis arbitris, sola cum rege ultra duarum spacium horarum colloquium habuit. Qui, auditis que dicere voluit, super multis ad rem de qua eum admonebat attinentibus eciam interrogaciones atque in-quisiciones fecit. Cujus responsis dictisque animadversis, signisque et indiciis de occultissimis rebus, quas in sue testimonium missionis ac divine preceptionis sibi detexit, in nonnullam dictorum fidem est adductus. Fertur enim dixisse rex (quod et a predicto comite Dunensi, qui sibi familiarissimus erat, audiisse meminimus), eam sibi tam secreta atque occulta, ad dictorum fidem, adduxisse, que nullus mortalium preter seipsum, nisi divinitus habita revelacione, scire potuisset.
Assensum itaque admonitis per eam prestans, contractis a undique copiis, sue milicie eam, tanquam divinitus ductricem sui exercitus datam, virili veste corpore et capite per omnia amictam, armis equisque munitam, cum aliis sue milicie ducibus ad expugnandos hostes, qui longa jam et plurium mensium obsidione dictam Aurelianensem urbem premebant, destinavit. Que profecto non uti de illius etatis puellula seu muliercula potuisset estimari; sed more virorum forcium atque in armis exercitatorum adequitabat armata, vexillo proprio, tanquam militari signo, precedente, in quo ymagines gloriose virginis Dei genitricis et aliquarum ex dictis sanctis virginibus erant depicte.

Donc, comme elle répétait inlassablement les mêmes choses, qu'il n'y avait aucun espoir de délivrer Orléans et de secourir les assiégés et que, bien au contraire, le désespoir absolu régnait chez presque tous, Jean, illustre comte de Dunois, fils naturel, comme nous l'avons dit, du duc d'Orléans assassiné à Paris, et quelques autres personnages qui étaient auprès du roi donnèrent à celui-ci le conseil, comme on a coutume de le faire quelquefois dans les situations désespérées, d'accorder audience à Jeanne la Pucelle et, parmi les choses qu'il entendrait de sa bouche, d'examiner et de s'informer avec soin s'il en était qui dussent être repoussées comme d'humaines rêveries, ou, au contraire, humblement accueillies et prises en considération comme ayant le sens de quelque avertissement ou ordre envoyé par Dieu.
Les conseils et les instances de ces seigneurs vinrent à bout de la résistance du roi, qui, poussé aussi par le sentiment que la situation présente était désespérée, décida d'acquiescer à leur demande et se fit amener Jeanne la Pucelle. Venant donc en la présence du roi, elle eut avec lui, seule et sans témoins, un entretien de plus de deux heures. Après avoir écouté ce qu'elle avait à lui dire, il lui posa des questions et l'interrogea sur beaucoup de choses touchant ce qu'elle lui remontrait. Ses réponses et les propos qu'elle lui tint, les signes et les marques qu'elle lui dévoila des choses les plus secrètes en preuve de sa mission et de son envoi par Dieu l'induisirent à attacher quelque créance à ses paroles. Le roi dit, en effet, à ce que l'on rapporte (et nous nous rappelons l'avoir entendu de la bouche du susdit comte de Dunois, qui était de ses intimes), qu'elle lui avait révélé, en preuve de ses dires, des choses si secrètes et cachées qu'aucun mortel, sauf lui-même, n'aurait pu en avoir connaissance, sinon par révélation divine.
S'inclinant donc devant ses remontrances et réunissant de toutes parts ses soldats, il l'envoya en qualité de chef d'armée désigné par Dieu, et vêtue en tout point, tête et corps, comme un homme, munie d'armes et de chevaux, avec les autres capitaines de ses troupes, combattre les ennemis qui depuis plusieurs mois déjà assiégeaient Orléans. Et assurément personne n'aurait pu la prendre pour une jeune fille d'un âge si tendre ni même pour une jeune femme ; car, à la façon des hommes robustes et exercés aux armes, elle chevauchait tout armée, précédée en guise d'enseigne de son étendard personnel, sur lequel étaient peintes les images de la glorieuse Vierge, mère de Dieu, et de quelques-unes des saintes déjà nommées.

ostes igitur qui in castris stabant, que velud munitissimas arces ad numerum usque sex aut septem circum urbem struxerant, aggredi statuit urbisque habitatores, longo jam veluti carcere asservatos et fame ac inedia confectos, incommodo obsidionis absolvere ac liberare. Parentes itaque suis jussionibus milites, veluti si divinitus sibi facte forent, et ipsa cum eis simul ducis et strennui militis exercens officium, arcem illam fortissimam in altero extremo pontis, ex opposito civitatis, aggressi, que ceteris et vallo et milicie robore municior putabatur, eam magna vi expugnavit atque, igne supposito in turri, hiis qui in superioribus propugnaculis defensioni insistebant flamma fumoque coartatis, vel saltu vel funibus ipsi deorsum se demittere coacti sunt. Inter quos ille strennuus miles Classidas, cui tocius obsidionis sarcinam a Salisberiensi comite derelictam supra retulimus, dum fumi ignisque violenciam effugere satageret, in aquis Ligeris quibus eadem turris ambitur suffocatus est. Alii vero omnes similiter vel igne, vel ferro, vel aquarum gurgite consumpti sunt.
Qua potiti victoria Franci, quod residuum erat, tanquam minus habens difficultatis, sese perficere sub ducatu et vexillo predicte Puelle, auxiliante Deo, plene confidentes, ad alia Anglorum castra bastiliasque ex alia parte civitatis et fluminis similiter expugnandas, sua agmina atque acies direxerunt.
Et mira alacritate et fortitudine, quibus paulo ante Anglorum nomen adeo formidabile fuerat, ut non modo eos aggredi, sed nec expectare quidem usquam ferme auderent, eciamsi numero viribusque longe prestarent, ita ut plene admirari liceret quod in cantico suo Moyses cecinit : Quomodo persequebatur unus mille et duo fugarent decem milia ? ita tunc sub Johanne Puelle ducatu signisque suis militaribus fortissimas Anglorum arces et municiones irruperunt atque penetrarunt, ut nullo pene negocio res tam arduas ac magnificas contra validissimos hostes gerere viderentur.
Expugnatis itaque duabus aut tribus ex ipsis bastiliis, cesis fusisque hostibus, qui in reliquis a supererant, eisdem relictis, per fugam saluti sue consulere statuerunt.
Castris autem ipsorum Anglorum direptis, arces ipse seu bastilie, que pro castris ab ipsis, instar opidorum seu castellorum, lignis lapidibusque extructe fuerant, igne omnes cremate sunt, et sic civitas, longa inedia fatigata et confecta, taliter divino nutu atque miseracione sub ducatu predicte Johanne hujuscemodi periculis atque incommodis liberata est.
Reliquie autem Anglorum diversi ad diversa opida et loca transierunt. Quos tantum nomen famaque Puelle, que tum per omnem Galliam omnium ore celebrabatur, exterritos egerat, ut nihil prope spei in defensione, sed in sola fuga presidium superesse eisdem videretur.
Ex tunc Anglicane sagitte ferri acies retusa quemadmodum per ante penetrare non potuit ; exin fortune cursus immutatus ; ex tunc Francorum res dejecte prostrateque erigi et in spem meliorem relevari, Anglorum vero, quas secundissimas hactenus habuerant, retro fluere dilabique ceperunt.
Tantus enim ex solo Puelle nomine eorum animis pavor incesserat ut sacramento magno eorum plurimi firmarent, quod, solo eo audito aut ejus conspectis signis, nec reluctandi vires animumque vel arcus extendendi et jacula in hostes torquendi seu feriendi, uti soliti per prius fuerant, ullomodo assumere possent.

Elle résolut donc de foncer contre les ennemis installés dans les bastilles qu'ils avaient construites comme des citadelles bien fortifiées, au nombre de six ou sept, autour de la ville, et de délivrer des misères du siège les habitants enfermés depuis longtemps comme dans une prison et accablés par la disette. Obéissant à ses ordres, comme s'ils venaient de Dieu, les soldats, et avec eux Jeanne elle-même, qui remplissait à la fois l'office d'un chef et celui d'un soldat valeureux, attaquèrent, à l'autre extrémité du pont, cette puissante citadelle qu'on jugeait mieux défendue que les autres à raison de ses retranchements et de la force de sa garnison. Elle l'emporta d'assaut, puis, le feu ayant été mis à la tour, ceux qui, aux étages supérieurs, étaient chargés de la défense, enveloppés de flammes et de fumée, furent obligés de se jeter dehors soit en sautant, soit en se servant de cordes. Parmi eux se trouvait ce brave chevalier Classidas, à qui le fardeau de tout le siège avait été abandonné par le comte de Salisbury. Comme il tâchait d'échapper à la violence de la fumée et du feu, il fut noyé dans la Loire dont les eaux entouraient ladite tour. Et tous les autres périrent en même temps que lui, par le feu, par le fer ou par l'eau.
En possession de cette victoire, les Français, pleinement assurés de venir à bout de ce qui restait à faire, puisque la difficulté en était moindre, envoyèrent, sous le commandement et l'étendard de ladite Pucelle, et avec l'aide de Dieu, leurs formations de combat à l'attaque des autres camps et bastilles que les Anglais tenaient de l'autre côté de la ville et du fleuve.
Et, avec une valeur et un mordant merveilleux, ces soldats qui, peu auparavant, redoutaient tellement le nom des Anglais que non seulement ils ne se risquaient pas à les attaquer, mais qu'ils n'osaient presque jamais attendre le choc de leurs troupes, même s'ils les dépassaient de beaucoup par le nombre et par les armes, ces soldats — à propos desquels on pourrait curieusement rappeler ce passage du cantique de Moïse : « Comment un seul en poursuit-il mille ? Comment deux en mettent-ils dix mille en fuite ? » — se ruèrent alors, sous le commandement et sous les enseignes guerrières de Jeanne la Pucelle, à l'attaque des plus fortes redoutes et défenses anglaises et les enfoncèrent, paraissant accomplir sans aucune peine de si difficiles et si magnifiques exploits contre de formidables ennemis.
Dès qu'eurent été prises deux ou trois de ces bastilles et que leurs occupants eurent été battus et dispersés, ceux qui restaient dans les autres les abandonnèrent et cherchèrent leur salut dans la fuite (27).
Le camp des Anglais une fois pillé, les redoutes ou bastilles qui avaient été construites par eux, en bois et en pierre, en manière de camp, comme des places fortes ou châtelets, furent toutes livrées aux flammes, et ainsi la ville, épuisée et accablée par une longue disette, fut délivrée de ses dangers et de ses soucis par la permission et la miséricorde de Dieu, sous le commandement de la susdite Jeanne.
Quant au reste des Anglais, ils se dispersèrent dans diverses places et localités. Le nom et la renommée de la Pucelle, qui volaient alors de bouche en bouche par toute la France, les plongeaient dans une telle terreur qu'ils ne conservaient à peu près aucun espoir dans la défense et ne voyaient de secours que dans la fuite.
Dès lors la pointe de fer de la flèche anglaise fut émoussée et ne pénétra plus comme auparavant ; dès lors le cours de la Fortune fut changé ; dès lors les affaires des Français, abaissées et ruinées, commencèrent à se relever et se redresser vers une meilleure espérance ; celles des Anglais, au contraire, très prospères jusque-là, commencèrent à reculer et prendre mauvaise tournure.
Telle était, en effet, la peur que leur inspirait le seul nom de la Pucelle que la plupart juraient leurs grands dieux qu'à l'entendre seulement prononcer ou à voir ses enseignes, ils perdaient du coup le moyen de rassembler leurs forces et leurs esprits, de bander leurs arcs, de lancer des traits aux ennemis ou de les frapper, comme ils le faisaient auparavant.

t quoniam plerumque, ut poeta canit, « geminat victoria vires » prosperaque animos efferunt, hac victoria vegetati Francorum animi, sub ejusdem Johanne ducatu et illustris comitis Dunensis, qui ex omni Francorum milicia tum in ducis tum eciam a in militis munere prestancior habebatur, vicina opida atque castra super flumen Ligeris eciam recuperare studuerunt. Et castrum quidem de Gergeau, in quo supra octingentos Anglici sese receperant, armis atque insultu expugnatum fuit, cesis captisque armatis qui illic inventi sunt. Captus fuit ibi comes Suffolcie et ejus germanus, dominus de Lapoule, interemptus. Quam cladem, supra priorem apud Aurelianis, cum Anglici subiissent, diffidentes posse alia opida retinere, ut Modinum et Baugensi, eis relictis et a Francis receptis, sese ut melius poterunt qui reliqui erant in unum agmen cogentes, per Belciam versus Carnotum et Normanniam iter maturare ceperunt, experti non parva sui jactura Ligeris ripas tutum eis domicilium amplius non prestare.
Cum vero id Francos minime latuisset, qui cotidie, secunda sibi arridente fortuna, audacia crescebant et viribus, rerum presencium felicitate in spem pociorem erecti, prefata puella et comite Dunensi principalibus eorum ducibus et nichilominus aliis regiis militum capitaneis multis, eosdem Anglos persequi et ad internecionem usque delere, si potestas daretur, in animum induxerunt. Anglorum enim fore simul et recidivi periculum eis imminere videbatur, si jam ab eis devictos fugitivosque et ex nimio pavore pene exsangues atque exanimes effectos per illa lata et spaciosa campestria Belcie libere abire et in sua se tuta profugia recipere ignaviter permisissent. Eos itaque insecuti et in vasta planicie invenientes, prope villam que vulgo Paste appellatur cum eisdem congressi, nullo pene negocio superarunt, pluribus eorum cesis captisque, aliis vero per fugam elapsis.
Captus ibi fuit dominus de Talbot, comes de Cherosbery, cum aliis militibus Anglorum multis. Evasit vero per fugam dominus Johannes Fascot, miles Anglicus, certi numeri sub se ducatum milicie habens; quod sibi apud Anglicos infamie atque obprobrio non parvis datum fuit.

Et parce que la plupart du temps la victoire, comme dit le poète, double les forces et que le succès donne du cœur, ragaillardis par cette prouesse, les Français, sous la conduite de Jeanne et de l'illustre comte de Dunois, qui, de toute l'armée française passait pour le meilleur, tant dans le rôle de chef que dans celui de soldat, s'employèrent à recouvrer les places voisines et les châteaux sis le long de la Loire. Celui de Jargeau, dans lequel s'étaient amassés plus de huit cents Anglais, fut enlevé d'assaut et ceux qui s'y trouvaient furent tués ou faits prisonniers. Là fut pris le comte de Suffolk et son frère, le sire de la Poule, tué. Ayant subi cette défaite, après la première, celle d'Orléans, les Anglais, doutant de pouvoir garder les autres places, Meung et Beaugency, par exemple, les abandonnèrent aux Français, qui s'en emparèrent (28). Quant à ceux qui restaient, s'étant du mieux qu'ils purent réunis en un seul corps, ils commencèrent à se hâter, par la Beauce, vers Chartres et la Normandie, persuadés qu'après leurs graves déboires les rives de la Loire ne leur fourniraient plus un asile sûr.
Les Français n'ignoraient pas cette situation ; chaque jour, la Fortune leur souriant, leur audace et leur puissance allaient croissant. Leur bonheur présent les induisant en meilleur espoir, la susdite Jeanne et le comte de Dunois, leurs principaux chefs, et aussi beaucoup d'autres capitaines royaux de gens d'armes résolurent de poursuivre les Anglais et de les détruire jusqu'au dernier, s'ils en avaient le pouvoir. Il leur semblait que les Anglais leur feraient courir un nouveau péril si ces troupes qu'ils avaient vaincues, mises en fuite, fait pâlir d'effroi et qui étaient à demi mortes de terreur, pouvaient en toute liberté, obéissant à leur lâcheté, s'échapper par ces vastes et spacieuses plaines de la Beauce et se réfugier dans de sûres retraites. Les ayant donc suivies et rejointes dans l'immense plaine, près d'un village appelé Patay (29), ils les combattirent et eurent le dessus presque sans aucune peine, ayant tué et fait prisonniers beaucoup d'ennemis et forcé les autres à fuir.
Là fut pris le sire de Talbot, comte de Shrewsbery, avec beaucoup d'autres chevaliers anglais. Jean Fascot, chevalier anglais, qui avait le commandement d'une partie de l'armée, réussit à s'enfuir, ce qui lui fut compté chez les Anglais comme un grand déshonneur et une grande honte.

iis igitur tam feliciter Francis provenientibus, et in tam diversum permutatis rebus ex adversissimis et pene desperatis in tam secundas ac prosperas, ita ut vere de tanta conversione fortune dici posset : Hec mutacio dextere Excelsi, Karolus Francorum rex, qui nundum inunctus more christianissimorum Francorum regum fuerat nec regio dyademate insignitus seu coronatus, eo quod Remorum civitas, in qua reges consecrari, et Parisiorum urbs et villa seu opidum Sancti Dyonisii, in quo coronari eos assuetum erat, sub Anglorum adhuc potestate tenerentur, contractis undique tocius regni copiis parcium que sue suberant dicioni et exercitu maximo congregato, decrevit petere Remos et illic se facere consecrari et exinde Parisiensem regiam [civitatem] atque opidum prefatum Sancti Dyonisii, in quo more majorum et progenitorum suorum celebriter se faceret coronari.
Aggressus itaque primum Trecas, Campanie urbem, consilio atque opera probatissimi et sapientissimi viri magistri Johannis Acuti, qui illius urbis episcopalem cathedram tenebat et ecclesiastica strennue ac nobiliter administrabat, in ea urbe cum pace et leticia receptus est. Exinde vero Cathalaunum et Remos petens, easdem urbes et totam pene Campaniam, facta voluntaria dedicione, recepit fuitque Remis cum magno triumpho et ingenti Francorum alacritate, oleo sacro inunctus et sacratus, comitante semper Johanna Puella, in virili veste et armis, regium exercitum cum suis ante dictis militaribus signis.
Volens autem rex et alias regni urbes atque loca et provincias que adhuc sub hostium erant potestate perlustrare, et presertim regiam illam suam insignissimam Parisiorum civitatem atque Sanctum Dyonisium, ubi dyadema sceptrumque regale suscepturus esset regnique solium conscensurus, Sanctum Dyonisium cum suo exercitu peciit. Quo loco, cum tante milicie atque potencie ad resistendum inefhcax esset, eciam in pace susceptus est, atque inibi, ut regibus novis fieri mos est, coronatus.
Cum autem illic astaret per aliquot dies, eciam Parisiorum civitas summata est et a commonita ut regem suum suscipere eique, ut legittimo principi suo, ingressum dare atque parere vellet. Sed cum illic essent Bethfordie dux et magna Anglorum Burgundionumque presidia, sprete sunt et irrise hujusmodi summaciones et moniciones. Quam rem indigne Franci ferentes, simulque non nichil spei habentes quod cives, qui numero et viribus Anglis ac Burgundionibus longe superiores erant, eis ad conatum atque desiderium suum perficiendum fierent adjutores, aggressi sunt urbem expugnare insultumque facere et vallum intrare inchoarunt, comitante eosdem ymmo et preeunte Johanna puella cum duce Alençonii multisque regiis capitaneis et ducibus militum. Quibus, cum hii qui in menibus erant confertissimi atque dempsissimi, ad defendendum et propugnandum expediti, petrariis, tormentis, balistis et aliis jaculis viriliter admodum resisterent, multis ex ipsis insultoribus peremptis vel sauciatis, ipsa eciam Johanna puella in femore jactu baliste vulnerata, frustrati inefficacesque receptui cecinerunt et non absque dampno et dedecore retro abierunt.
Que cum ita, temere satis intentata, in irritum cessissent et in Sancto Dyonisio pene circumquaque inter hostes conclusi, qui civitates et castella vicina detinebant, victualium ceterarumque rerum necessariarum inopia Franci premerentur, circa Silvanectum, quam Anglici occupabant, abscessit rex cum suo exercitu.
Ad quam defendendam civitatem statim, Anglorum contractis undique copiis, occurrit dux Bethfordie, castraque metatus est, que ex quibusdam stagnis paludibusque adjacentibus municiora et non nisi cum difficultate atque periculo accessibilia reddebantur. In quibus cum aliquot permansisset diebus et a Francorum exercitu esset quasi obsessus nec pugnandi copiam facere tutum ullatenus esse a existimaret, noctu cum suis Anglicis Parisius versus repedavit.
Comme les choses tournaient si bien pour les Français et, de très fâcheuses et presque désespérées se changeaient, au contraire, en favorables et prospères, au point qu'on pouvait dire à bon droit d'un tel changement de fortune : « ce revirement vient de la main de Dieu », le roi Charles — qui n'avait encore été ni sacré à la manière des très chrétiens rois de France, ni décoré et couronné du diadème royal, parce que Reims, où la tradition veut que les rois soient consacrés, Paris et Saint-Denis, où elle veut qu'on les couronne, étaient encore sous la domination anglaise — Charles, donc, rassembla des troupes dans toutes les parties du royaume qui se trouvaient sous sa puissance, et, ayant réuni une grande armée, résolut de gagner Reims, de s'y faire sacrer et de se rendre ensuite à Paris et à Saint-Denis, pour s'y faire couronner solennellement, à l'exemple de ses pères et de ses aïeux.
Ayant donc attaqué d'abord Troyes en Champagne, sur les conseils et avec l'aide de très prudente et sage personne maître Jean Laiguisé, qui en occupait le siège épiscopal et y administrait vaillamment et noblement les biens de l'Église, il fut accueilli dans la ville avec paix et liesse (30). Puis, gagnant Châlons et Reims, il reçut en sa main ces deux villes, ainsi que presque toute la Champagne, qui se donna volontairement à lui. A Reims, il fut oint de l'huile sainte et sacré au milieu d'un grand triomphe et dans la grande joie des Français, et toujours Jeanne la Pucelle, en vêtements masculins et en armes, accompagnait l'armée royale avec ses enseignes guerrières.
Mais, voulant visiter les autres villes du royaume, ainsi que les localités et les provinces qui étaient encore au pouvoir des ennemis, surtout Paris, sa très insigne cité, et Saint-Denis, où il devait recevoir le diadème, prendre en main le sceptre royal et monter sur le trône, le roi se dirigea sur Saint-Denis avec toute son armée. Là, comme il était impossible de résister à un tel déploiement de troupes et à une telle puissance, il fut aussi accueilli pacifiquement et couronné comme il est d'usage pour les nouveaux rois (31).
Comme il restait quelques jours dans ces parages, la ville de Paris fut, elle aussi, sommée et mise en demeure d'accueillir son roi, de lui ouvrir ses portes et de lui obéir comme à son légitime seigneur. Mais, comme il y avait là le duc de Bedford et une nombreuse garnison d'Anglais et de Bourguignons, ces sommations et mises en demeure furent reçues avec mépris et tournées en dérision. Les Français en furent indignés ; et, se berçant d'ailleurs de l'espoir que les habitants, infiniment plus nombreux et plus forts que les Anglais et les Bourguignons, les aideraient à venir à bout de leur tentative et à combler leurs désirs, ils se prirent à attaquer la ville et commencèrent à donner l'assaut et à pénétrer dans le fossé, en compagnie, voire sous la conduite de Jeanne la Pucelle, ainsi qu'avec le duc d'Alençon et beaucoup d'autres capitaines royaux et chefs de gens d'armes. Ceux qui étaient sur les murs, en troupe serrée, décidés en outre à se défendre et à repousser les assaillants, résistèrent en gens de cœur à l'aide de perrières, de bombardes, d'arbalètes et de projectiles de tout genre ; de nombreux assaillants furent tués ou blessés, et Jeanne la Pucelle elle-même fut atteinte à la cuisse par un trait d'arbalète. Aussi, découragés, sonnèrent-ils la retraite et se retirèrent-ils, non sans dommage et déshonneur.
Ces tentatives assez téméraires se trouvant donc inutiles et les Français dans Saint-Denis étant presque entièrement cernés d'ennemis, tandis que ceux qui tenaient les villes et châteaux voisins souffraient gravement du manque de vivres et d'autres choses nécessaires, le roi s'en alla avec son armée du côté de Senlis, que les Anglais occupaient.
A la défense de cette ville, ayant partout rassemblé des troupes, accourut aussitôt le duc de Bedford. Il dressa son camp au voisinage d'étangs et de marais qui en facilitaient la défense et en rendaient l'accès malaisé et périlleux. Il y resta quelques jours et, comme l'armée française l'encerclait presque et qu'il ne jugeait pas prudent d'accepter le combat, il repartit pour Paris nuitamment avec ses Anglais.

uo abeunte, civitas Silvanectum dedicionem fecit, quod et similiter Compendium, Belvacum, Laudunum, Suessio, Senonis paulo post pluraque alia opida et castella fecerunt, in quibus nulla militum presidia vel civium et incolarum numero ac viribus imparia atque inferiora extiterunt.
Carnotum eciam vaframento satis callido receptum est. Nam cum illuc sepe ingrediatur curruum quadrigarumque multitudo, contigit quodam die ut quidam milites, habitu plebeyo et rusticano, armis obtectis, currum onustum aurigantes, supra pontem levaticium et infra portam cum sisterent detectisque gladiis custodes porte jugularent, signo denique cum clangore tube vel cornu dato, armatorum copiam, que juxta portam in speluncis et cavernis latitabat (erat enim mane et nocturnis illic tenebris sese occuluerant), illico advocarunt. Qui propero gressu irruentes, eo modo civitatem occupaverunt. Cujus rei rumore illico pervolante, cum civitatis episcopus, qui satis ferventer partibus Anglorum et Burgundionum adherebat, adhuc hostes eiciendi spem habens, in armis deprehensus fuisset, furore seviente, peremptus est civitasque tota, nemini parcito, in rapinam direpcionemque militibus permissa. Erat enim fama loci incolas Anglorum partes atque Burgundionum satis pertinaciter defendisse. Quod plurium ex ipsis cede bonorumque jactura et perdicione ita eis d extitit repensatum.
Occuparunt eciam ipsi Franci per nocturna silencia opidum quod Locusveris dicitur, a Rothomago viitem tantummodo leucis distans, et in eo validam armatorum municionem locaverunt, unde agros Normannie assidue incursantes, provincie dampna plurima atque ipsis Anglicis intulerunt. Sepe enim usque ad portam pontis Rothomagi adequitabant, et si quos Anglos obvios e habuissent, vel trucidabant vel captos abducebant.
Fuit tum Rothomagi Henricus juvenis, Anglorum rex, illius Henrici de quo supra multa retulimus et Katherine sororis Karoli Francorum regis filius. Quem sibi regnum Francorum ex legittima successione asserentem spectare seque Francorum Anglorumque regem attitulantem Angli trans fretum adventare fecerant, ut ex ejus presencia rebus suis multum nutantibus dilapsisque in Francia remedium afferretur.
Post cujus adventum, videntes Anglici Parisiensem urbem vicinis circumquaque opidis ac municionibus, que ad Francos defecerant vel armis aut insidiis ad eos pervenerant, graviter opprimi (nam et Latiniacum supra Maternam et Sanctum Dyonisium optinuerant cum aliis plurimis fortaliciis et fame, peste ac variis calamitatibus urbs ipsa miserabiliter conficiebatur et vastabatur), obsidionibus et armis plurima parva castella recuperarunt.

Après son départ, Senlis fit sa reddition, ainsi que Compiègne, Beauvais, Laon, Soissons, Sens peu après, et plusieurs autres places et châteaux dépourvus de garnisons ou dont les garnisons étaient insuffisantes pour le nombre et l'importance des bourgeois ou des habitants.
Chartres aussi fut recouvré par un stratagème fort habile (32). Comme, en effet, il y entre quotidiennement une foule de voitures et d'attelages, il arriva certain jour que des hommes d'armes, cachant leur fourniment guerrier sous des vêtements de paysan et conduisant un pesant véhicule, l'arrêtèrent sur un pont-levis, en deçà d'une porte, et, tirant leurs épées, égorgèrent les sentinelles ; puis, à grand fracas de trompette ou de cor, ils alertèrent une compagnie de gens d'armes cachée près de la porte dans des fossés et des trous, car il était de grand matin et les ombres de la nuit les dérobaient aux regards. Ceux-ci, se précipitant au pas de course, occupèrent la ville. Le bruit de cet événement se répandit aussitôt, et l'évêque du diocèse (33), qui tenait avec assez de chaleur le parti des Anglais et des Bourguignons, espérant encore chasser les ennemis, fut pris les armes à la main et tué, parmi la fureur grandissante, tandis que toute la ville, sans que personne fût épargné, était livrée au pillage et aux voleries des gens de guerre. Le bruit courait, en effet, que les habitants avaient défendu avec assez d'obstination le parti des Anglais et des Bourguignons : ils en furent payés par la mort, le dommage ou la perte des biens dont furent frappés beaucoup d'entre eux.
Les Français occupèrent aussi, nuitamment, la place de Louviers (34), distante de Rouen de sept lieues seulement, et ils y logèrent une forte garnison, partant de là pour courir sans cesse les campagnes de Normandie, faisant subir à la province et aux Anglais de nombreux dommages. Souvent, en effet, ces hommes d'armes chevauchaient jusqu'à la porte du pont de Rouen et massacraient ou emmenaient prisonniers les Anglais qu'ils rencontraient.
Alors se trouvait à Rouen Henri le Jeune, roi d'Angleterre, fils de cet Henri dont nous avons beaucoup parlé ci-dessus et de Catherine, sœur de Charles, roi de France. Comme il affirmait que le royaume de France lui appartenait par voie de succession légitime et qu'il s'intitulait d'ailleurs roi de France et d'Angleterre, les Anglais lui avaient fait traverser le détroit pour que sa présence portât remède à ses affaires de France qui prenaient très mauvaise tournure.
Après son arrivée, les Anglais, voyant que Paris était gravement menacé par les places et forteresses des alentours qui étaient passées aux Français ou que les armes ou la ruse avaient fait tomber en leurs mains (car les Français avaient gagné Lagny-sur-Marne et Saint-Denis, ainsi que plusieurs autres places fortes, et Paris se trouvait en proie à la peste et à beaucoup d'autres calamités qui l'accablaient), les Anglais donc recouvrèrent soit par des sièges, soit d'assaut un certain nombre de petits châteaux.

um autem Compendium supra Ysaram flumen cum Burgundionibus eciam diu obsedissent essetque in opido cum multis strennuis Francorum ducibus atque militibus Johanna Puella, eidem Johanne infaustum omen atque infelix valde contigit. Nam, cum certo die cum multis armatis opidum exiens in hostes impetum faceret, ab uno milite Burgundione capta fuit et ab Anglicis, qui ejus perdicionem atque extinccionem magnopere exoptabant, multo auro redempta. De quare Anglici, qui tociens ejus nominis solius terrore cesi fugatique fuerant, valde letificati et exhylarati fuerunt. Duxerunt autem eam ad urbem Rothomagensem, in qua dictus Henricus juvenis tunc erat cum suo comitatu et consilio. Ubi, postquam quidnam de ea statueretur diu consiliatum fuisset, in ea sentencia resederunt ut, ea studiosissime in quodam satis aspero carcere arcis Rothomagensis asservata, coram domino Petro Cauchon, Belvacensi episcopo (qui ex consiliariis regis Anglie unus de primioribus erat), eo quod infra limites sue diocesis apprehensa fuisset, contra eam inquisicio et negocium fidei ageretur.
Quod diu deductum agitatumque fuit, et per multorum mensium decursum, variis diebus ac vicibus, assidentibus inquisitoribus heretice pravitatis et multis sacre theologie et divini atque humani juris professoribus, propter hujuscemodi causam ex Parisius accersitis, mul-tipliciter interrogata fuit. Fueruntque interrogaciones eidem facte, cum suis singulis responsionibus, per publicos tabelliones diligentissime excepte et in publica munimenta redacte. Mirabantur omnes ferme quod ad inter-rogaciones de fide et fidei capitulis, eciam doctis et litteratis viris satis difficiles, talis rusticana juvencula tam prudenter et caute responderet. Et cum assessorum, qui acrius atque fervencius Anglorum querele fautores atque defensores existebant, tota ad hoc versaretur intencio, ut callidis et capciosis interrogacionibus capta, criminis hereseos adjudicaretur rea et per hoc de medio tolleretur, nichil tamen validum aut efhcax ad hoc ex ipsius dictis aut assercionibus extrahere potuerunt.
Fuerat enim revera, ut ab hiis qui ejus conversacionem et mores cognoverant testabatur, priusquam ad regem accessisset atque eciam postquam inter armatorum cohortes obversata fuit, multum devota, quociens poterat, ecclesias et oratoria Deo sacrata frequentans. Ubi autem in rure pascendo pecori insisteret, si audiret campane sonum pro elevacione corporis Dominici et sanguinis vel pro salutacione beate Marie, cum magno devocionis fervore solita erat genua flectere et Deum exorare.
Sed et Deo se suam virginitatem vovisse affirmabat. De cujus violacione, licet diu inter armatorum greges et impudicorum ac moribus perditissimorum virorum fuisset conversata, nunquam tamen aliquam infamiam pertulit. Quinymmo, cum eciam per mulieres expertas, inter Anglorum existens manus, super sua integritate examinata inspectaque fuisset, non aliud de ea experiri potuerunt nec referre, nisi quod intemerata virginalia claustra servaret. Excusabat ipsa virilis vestis habitum atque tegumentum, preceptum de assumendo et utendo eo atque armis divinitus sibi factum asserens, ne viros, inter quos die noctuque in expedicionibus bellicis obversari haberet, ad illicitam sui illiceret concupiscenciam, quod si amictum muliebrem portasset, quod vix profecto inhiberi potuisset. Sed certe, cujuscumque in ea seu simulachrum seu specimen virtutis elucere potuisset, vix erat ut apud quos tenebatur se potuisset justificare, cum nichil ferventius aut propensius quam ipsam perditum iri et extingui affectarent atque prosequerentur. Una enim omnium Anglorum sentencia voxque communis erat se nunquam posse cum Francis feliciter dimicare, aut de eis reportare victoriam, quamdiu illa Puella, quam sortilegam ac maleficam diffamabant, vitam ageret in humanis. Atqui quomodo innocencia secura evadere posset, quidve prodesse, inter tot acerbissimorum inimicorum et calumpniatorum manus, quales eidem puelie ipsi Anglici erant atque alii permulti qui animosius eorum partes defensabant et judicio assidebant, qui eam toto annisu quacumque via perditum iri cupiebant ?
Cum autem super hiis, quas asserebat sibi sanctarum virginum appariciones factas, in una eademque confessione perseveranter maneret, diuque et multociens iteratis examinacionibus fatigata, simul eciam squalore et media diutini carceris macerata et confecta fuisset (in quo quidem ab Anglicis militibus, tam intus carcerem quam a foris, juxta hostium jugiter excubantibus asservabatur), ferunt, judicibus sibi, si id faceret, impunitatem liberacionemque pollicentibus, aliquando eam abnegasse se habuisse veras hujusmodi appariciones aut divinas reve-laciones ad hocque tandem inductam ut coram assidentibus in judicio ea ulterius se dicturam asserturamve abjuraret. Quod cum ita factum fuisset nec minus propter hoc a duricia et asperitate carceris laxaretur, aliquot post decursis diebus, vulgatum extitit eam dixisse graviter se propterea fuisse correptam quod hujusmodi appariciones et revelaciones se abnegasset habuisse denuoque sanctas easdem sibi in carcere apparuisse, que de hoc ipsam dire increparant.
Or Compiègne, sur la rivière d'Oise, était assiégé depuis déjà longtemps par les Anglais et par les Bourguignons, et Jeanne la Pucelle, avec beaucoup d'autres vaillants capitaines et gens d'armes français, se trouvait dans la place. Et voici le fâcheux et malheureux accident qui lui arriva certain jour : comme elle faisait avec un grand nombre de gens d'armes une sortie contre les ennemis, elle fut prise par un homme d'armes bourguignon et rachetée à prix d'or par les Anglais, qui désiraient ardemment sa perte et sa disparition. De quoi les Anglais, qui tant de fois, par l'effroi de son seul nom, avaient été battus et mis en fuite, furent grandement heureux et réjouis. Ils l'emmenèrent à Rouen, où Henri le Jeune se trouvait avec sa suite et son conseil. Là, après avoir longuement discuté sur ce que l'on ferait d'elle, ils s'arrêtèrent à cet avis qu'après l'avoir gardée avec la plus grande vigilance dans une prison très rude de la citadelle de Rouen, on ferait contre elle information et procès en matière de foi par-devant messire Pierre Cauchon, évêque de Beauvais (35) et l'un des principaux conseillers du roi d'Angleterre, pour cette raison qu'elle avait été prise dans les limites de son diocèse.
Il y eut là-dessus de nombreuses discussions, et, pendant des mois, à différents jours et séances, devant les inquisiteurs de l'hérésie, devant plusieurs professeurs de théologie et de droit divin et humain mandés de Paris à cet effet, elle fut interrogée à maintes reprises. Les questions qui lui étaient posées, ainsi que les réponses qu'elle faisait à chacune, furent recueillies avec le plus grand soin par des notaires et rédigées en forme d'actes publics. Et l'on s'émerveillait presque unanimement de ce que, à des questions sur la foi ou des articles de foi, ardues même pour des hommes doctes et lettrés, cette petite paysanne répondît avec tant de sagesse et d'à-propos. Les assesseurs, chauds et vifs promoteurs et défenseurs du parti anglais, ne songeaient qu'à s'arranger de telle sorte que, prise au piège d'interrogations habiles et captieuses, elle fût mise en accusation comme coupable d'hérésie. Mais de ses propos et assertions ils ne purent rien tirer dans ce sens de sérieux ni de valable.
Elle avait été en fait (comme en témoignaient ceux qui connaissaient sa vie et ses mœurs avant qu'elle fût venue vers le roi et même après qu'elle eut vécu parmi les hommes d'armes) pleine de piété, fréquentant autant qu'elle le pouvait les églises et les oratoires consacrés à Dieu. Et quand, se trouvant aux champs et gardant son troupeau, elle entendait les cloches sonner, à l'élévation du corps et du sang du Seigneur ou à la salutation de la bienheureuse Marie, elle avait coutume de s'agenouiller et de prier Dieu avec grande dévotion et ferveur.
Mais elle affirmait avoir consacré à Dieu sa virginité. Et qu'elle eût transgressé son vœu, bien qu'elle eût vécu longtemps au milieu de soldats et d'hommes dissolus et perdus de mœurs, jamais on n'a pu lui en faire reproche. Bien plus, des matrones l'examinèrent et l'inspectèrent sur son intégrité, quand elle était aux mains des Anglais ; elles ne purent reconnaître ni rapporter autre chose, sinon qu'elle était restée absolument intacte. Elle excusait le port de l'habit masculin en disant que Dieu lui avait commandé d'y recourir et de revêtir une armure, de peur d'inciter à de coupables désirs les hommes avec qui elle serait obligée de demeurer jour et nuit au cours des expéditions guerrières, ce qu'elle aurait pu malaisément éviter si elle eût porté un vêtement de femme. Mais évidemment, quelle que fût la vertu dont l'image ou le portrait pût briller en elle, il était bien difficile qu'elle pût se justifier auprès de ceux qui la tenaient prisonnière, alors qu'ils ne cherchaient et ne poursuivaient rien avec plus de chaleur et d'inclination que son malheur et sa perte. Car les Anglais pensaient d'un même avis et proclamaient d'une seule voix qu'ils ne pourraient jamais combattre heureusement les Français ni remporter sur eux la victoire tant que la Pucelle, qu'ils traitaient de sorcière et de malfaisante, serait en vie. Et comment son innocence pouvait-elle triompher, à quoi même pouvait-elle lui servir entre les mains de tant d'ennemis acharnés et de calomniateurs comme étaient vis-à-vis d'elle les Anglais et tant d'autres qui prenaient leur parti avec zèle et siégeaient au tribunal, de tant d'autres qui, de tout leur effort et par tous les moyens, ne cherchaient qu'à la perdre ?
Comme, touchant l'apparition des saintes dont elle assurait avoir été témoin, elle s'en tenait avec persévérance à une seule et même déclaration et que, déjà fatiguée par les interrogatoires répétés et prolongés qu'on lui faisait subir, elle était en même temps affaiblie et accablée par la malpropreté et la mauvaise nourriture dont elle avait eu à souffrir au cours de son long emprisonnement (elle était gardée dans sa prison par des soldats anglais veillant continuellement tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, près de la porte), on dit que, les juges lui ayant promis l'impunité et la mise en liberté si elle faisait ce qu'ils demandaient, elle nia un moment qu'elle eût eu de véritables apparitions ou révélations divines. On rapporte enfin qu'elle aurait été induite à abjurer devant les personnes siégeant au tribunal ce qu'elle pourrait dire ou affirmer par la suite. Mais après cela, comme aucun adoucissement n'avait été néanmoins apporté à la dureté et à la rigueur de sa prison, le bruit se répandit quelques jours plus tard qu'on l'avait maltraitée pour la pousser à démentir la réalité de ces apparitions et révélations et que de nouveau les saintes lui étaient apparues dans sa prison, lui reprochant sévèrement sa faiblesse.

um autem ad judices ea res perlata fuisset, ipsa iterum ad judicium publice exhibita, tanquam in abjuratam heresim relapsa judicata extitit et relicta, ut talis, brachio secularis potestatis.
Quam illico rapientes executores totaque Anglorum manus, qui in magno numero cum Henrico rege suo tum erant Rothomagi, spectante innumera pene populorum multitudine, tam de civitate ipsa quam de agris et vicinis opidis (nam plurimi velud ad spectaculum publicum propterea ad eandem urbem connuxerant), ipsa Johanna, Deum semper invocans auxiliatorem et gloriosam domini nostri Jhesu Christi genitricem, igne consumpta extino taque extitit. Collecti eciam fuerunt universi cineres, quos illic ignis tam de lignis quam de ipsius corpore et ossibus reliquerat, et de ponte in Secanam projecti, ne quid reliquiarum ejusdem aliqua posset forsan supersticione tolli et servari. Et talis quidem finis hujus transitorie vite Johanne fuit.
Expectabit forte hujus hystorie lector nostrum de hujus puelle gestis judicium, de qua per omnem Galliam ea tempestate celiberrima fama fuit. Nos vero, sicut temere asserere non presumimus quod appariciones et revelaciones, quas habuisse aiebat, a Deo fuerint, qui missionis sue signa (que soli dicitur regi Karolo detexisse) minime agnovimus, ita audenter dicimus et affirmamus quod, ex processu facto contra eam (quem ipsi vidimus atque exa-minavimus postquam, ejectis Anglicis, Normannia sub Karoli dicionem, velud postliminio, redierat) non sufficienter constabat ipsam de alicujus erronei dogmatis, contra veritatem doctrine catholice, assercione convictam vel in jure confessam et per hoc heresis atque relapsus satis manifeste defuisse fundamenta. Quanquam eciam, preter hoc, poterat processus hujusmodi ex multis capitibus argui viciosus, coram capitalibus inimicis sepe per eam recusatis, denegato sibi eciam omni consilio, que simplex puellula erat, factus et habitus : quemadmodum ex libello quem desuper, ab eodem Karolo expetito a nobis consilio, edidimus, si cui ad cujus venerit manus eum legere vacaverit, lacius poterit apparere. Pulsis enim de Normannia Anglicis, idem Karolus per plures regni sui prelatos et divini atque humani juris doctos homines, diligenter processum predictum examinari et discuti fecit; et de ea materia plures ad eum libellos conscripserunt. Quibus, coram certis a sede apostolica ad cognoscendum et judicandum de hujusmodi materia judicibus delegatis, exhibitis et mature perspectis, per eosdem judices in sentenciam, quam prediximus, extitit condescensum et sentencia contra eam data sub Anglorum imperio cassata et revocata.
Mirabitur forsan aliquis, si a Deo missa erat, quomodo sic capi et supplicio affici potuerit. Sed nullus admirari racionabiliter poterit, qui sine ulla hesitacione credit sanctum sanctorum Dominum ac salvatorem nostrum, sanctos prophetas et apostolos a Deo missos ob doctrinam salutis et fidei Deique voluntatem hominibus insinuandam et evangelizandam, variis cruciatibus et suppliciis affectos, triumphali martirio hanc vitam finisse mortalem; cum eciam legamus in veteri Testamento populum israheliticum, a Deo jussum Cananeorum gentes exterminare et contra suos hostes et ydolatras pugnare, tamen propter sua peccata aut alicujus eciam ex eis, aliquando prevalentibus eis hostibus, cecidisse et corruisse. Quis enim cognovit sensum Domini, aut quis consiliarius ejus fuit ?
Non tamen ita hoc dicimus, quod eandem Johannam, modo quem diximus ex hac misera vita prereptam, apostolorum aut sanctorum martirum velimus meritis coequare; sed quod minime repugnancia aut inter se incompatibilia e reputamus et quod a Deo, ad subveniendum regno et genti Francorum adversus hostes suos Anglicos, qui tum regnum ipsum gravissime opprimebant, ad ipsorum Francorum Anglorumque conterendam superbiam et ut ne quis ponat carnem brachium suum, seu non in Deo sed in seipso solo de suisque viribus glorietur dicta Johanna a Deo missa fuerit et nichilominus quod eam Deus, vel ob regis vel gentis Francorum demerita, utpote quod tantorum beneficiorum, quanta Deus per eam ipsis mirabiliter contulerat, ingrati, non proinde debitas egerint gracias divinitati aut victorias eis concessas non gracie Dei, sed suis meritis aut viribus attribuerent (que merita profecto nulla nisi mala tunc erant, cum moribus corruptissimi essent), seu alia causa aliqua, justa quidem, quoniam non est apud Deum iniquitas, licet a nobis minime cognita ab hostibus capi et supplicio sic eam affici permiserit, graciam quam gratis nec merentibus dederat, ab ingratis velud ab indignis subtrahendo. Sepe enim quod divina pietas dedit gratis tulit ingratis.
Quod autem per feminas interdum cum armis, interdum et sine armis, suis subvencionum et victoriarum solacia de hostibus Deus contulerit, testes sunt hystorie de Debbora, Judith et Hester, que canoni divinarum scripturarum inseruntur.
Talibus itaque de Johanna, dicta Puella, recensitis, de cujus missione et apparicionibus ac revelacionibus per eam assertis, nulli pro suo captu et arbitrio, quod voluerit, sic vel aliter senciendi adimimus libertatem, ad narracionis nostre seriem prosequendam revertamur.

La chose fut portée devant les juges et Jeanne, passant de nouveau publiquement en jugement, fut condamnée comme relapse, après avoir abjuré l'hérésie une première fois, et livrée comme telle au bras séculier.
Aussitôt les bourreaux s'emparèrent d'elle, ainsi que toute la troupe ces Anglais qui alors étaient en grand nombre à Rouen avec leur roi henri ; puis, en présence d'une foule presque innombrable de spectateurs, tant de cette ville que des campagnes et des places voisines (car beaucoup s'étaient rendus à Rouen à cet effet comme à un spectacle public), ladite Jeanne, invoquant toujours Dieu secourable et la glorieuse mère de Notre-Seigneur Jésus Christ, fut anéantie et dévorée par les flammes. On rassembla ensuite toutes les cendres que le feu avait laissées sur le bûcher, tant celles qui provenaient du bois que celles qu'avaient produites sa chair et ses os, et, du haut du pont, elles furent lancées dans la Seine, afin que rien venant d'elle ne pût être pris et gardé comme reliques, peut-être par quelque sentiment de superstition. Ainsi finit la courte vie de Jeanne.
Peut-être le lecteur de cette histoire attend-il notre sentiment sur les faits et gestes de cette Pucelle, dont en ce temps la renommée fut immense dans toute la France. Mais si nous ne prenons pas sur nous d'affirmer témérairement que les apparitions et les révélations qu'elle disait avoir eues venaient de Dieu, nous qui n'avons eu aucune connaissance des signes de sa mission qu'elle découvrit, prétend-on, au seul roi Charles, nous pouvons dire et affirmer hardiment que, d'après le procès qui lui fut fait — procès dont nous avons nous-même vu et examiné les pièces lorsque, les Anglais chassés, la Normandie fut revenue, comme en son premier état, au pouvoir du roi Charles, — il n'apparaissait pas suffisamment qu'elle eût été convaincue d'être tombée dans quelque erreur de dogme contraire à la vérité de la doctrine catholique ou qu'elle en eût fait un aveu valable en droit. Et ainsi l'accusation d'hérésie et de relaps manquait clairement de base. En outre, on pouvait sur plusieurs chefs tenir pour vicié un procès introduit et poursuivi devant ses ennemis capitaux souvent récusés par elle, alors surtout qu'on lui avait refusé tout conseil, à elle jeune fille inexpérimentée, ainsi qu'il apparaîtra plus au long à ceux qui auraient l'occasion de rencontrer et le temps de lire un mémoire écrit par nous à la demande du roi Charles, qui avait voulu avoir notre avis à ce sujet. Une fois les Anglais chassés de la Normandie, ledit roi Charles fit, en effet, soigneusement examiner et discuter le susdit procès par plusieurs prélats de son royaume et par des personnes versées dans la connaissance des lois divines et humaines. Sur ce sujet, ils lui adressèrent plusieurs mémoires qui furent produits et mûrement étudiés devant certains juges délégués par le Saint-Siège à la connaissance et au jugement de cette matière. Ces juges furent d'accord pour homologuer l'avis dont il a été parlé plus haut, et la sentence qui avait été prononcée contre elle sous la domination anglaise fut cassée et révoquée.
Certains s'étonneront peut-être de ce que, si elle fut envoyée par Dieu, elle ait pu être prise ainsi et conduite au supplice. Mais ne pourront raisonnablement en être surpris ceux qui croient sans hésitation aucune que le Seigneur, saint entre tous les saints et notre sauveur, que les saints prophètes et les apôtres envoyés par Dieu pour évangéliser les hommes et leur inculquer la doctrine du salut, de la foi, et la volonté de Dieu, ont été frappés de divers tourments et supplices et ont terminé leur existence mortelle par le triomphe du martyre. Et ne lisons-nous pas dans le Vieux Testament que le peuple d'Israël extermina sur l'ordre de Dieu la nation chananéenne et combattit ses ennemis et les idolâtres, puis que cependant, soit à cause de ses péchés ou de quelqu'un des siens, ses ennemis prirent le pas sur lui, le renversèrent et lui firent mordre la poussière ? Car « qui a pu pénétrer les intentions du Seigneur ? Qui a été son conseiller ? » (36)
Ce n'est pas cependant que, pour avoir quitté cette misérable vie de la manière que nous avons dite, les mérites de Jeanne doivent, dans notre pensée, être comparés à ceux des apôtres ou des saints martyrs. Mais nous ne répugnons nullement à croire (et nous ne jugeons pas ces choses incompatibles les unes avec les autres) que ladite Jeanne ait été envoyée par Dieu pour secourir le royaume et le peuple de France contre ses ennemis les Anglais, qui alors opprimaient gravement ledit royaume ; pour abaisser l'orgueil des Français et des Anglais ; pour empêcher qu'aucun d'eux « ne prît la chair pour son appui » (37) et ne se glorifiât en Dieu, et non en soi seul et de sa propre puissance. Nous admettons que Dieu ait permis qu'elle fût prise par les ennemis et conduite au supplice à cause des démérites du roi ou du peuple de France, attendu que, dans leur ingratitude de tant de bienfaits que Dieu leur avait envoyés merveilleusement par son intermédiaire, ils ne rendaient pas à la divinité les grâces qu'ils lui devaient ou qu'ils attribuaient les victoires à eux accordées, non pas à la grâce de Dieu, mais à leurs mérites ou à leur puissance (mérites qui, à la vérité, étaient alors nuls ou de mauvais aloi, car ils étaient de mœurs très corrompues). Nous admettons aussi que Dieu l'ait permis pour toute autre cause, juste assurément (car Dieu ne connaît pas l'iniquité), mais de nous totalement inconnue, sa grâce ayant été donnée pour rien à certains qui ne la méritaient pas et enlevée, au contraire, à des ingrats qui s'en montraient indignes. Car il arrive souvent que ce que la divine miséricorde donne pour rien, elle le reprenne à regret.
Qu'enfin Dieu se soit servi de l'intermédiaire de femmes, tantôt armées et tantôt non, pour apporter aux siens la consolation des secours et des victoires qu'il leur donnait sur leurs ennemis, les histoires l'attestent de Débora, de Judith et d'Esther, comprises au canon des saintes Écritures.
Voilà donc racontée la vie de Jeanne, dite la Pucelle. Sur sa mission, sur les apparitions et révélations affirmées par elle, nous laissons à chacun la liberté de penser ce qu'il voudra, ainsi ou autrement, selon sa capacité et son jugement. Et maintenant poursuivons notre récit.

gitur post longam obsidionem Compendii, in qua eciam aliquando personaliter adfuit Philippus Burgundionum dux illustris cum Anglorum copiis, Francorum duces, contractis undique suis militibus, obsessores expugnare aggressi sunt; et impetu valido cum in multis armatorum agminibus Burgundionum, Anglorumque castra strennue invaderent, cesis ex eis plurimis fugatisque ceteris castrisque exutis, opidum diutina jam obsidione fatigatum et lassum in suam restituerunt libertatem. Hac autem ignominia jacturaque suscepta, cum urbs regia Parisius vicinia Latiniaci, opidi supra Maternam flumen siti, multis afliceretur maleficiis, ex morte Johanne dicte Puelle, que tantum eos exterruerat, Anglici, viribus utcumque animisque receptis, decreverunt urbem infestacione dicti opidi liberare. Contra quod castra methantes, ipsum valida obsidione cinxerunt. Eratque presens in eadem Bethfordie dux, qui regens seu vicerex Francie pro Anglorum partibus dicebatur.
Sategerunt autem Anglici variis modis ac machinamentis ut ipsum opidum vi armisque expugnarent, saxis, petrariis et tormentis menibus, turribus propugnaculisque dejectis ac dirutis. Sed hec omnia in irritum eisdem ces-serunt. Quanquam enim opidum menibus et vallo satis tenuiter et exiliter munitum foret, erant tamen intus fortissimorum ex Francis et Scotis virorum valida presidia, qui, cum rerum bellicarum et tutandarum arcium ac defendendarum periti essent, contra Anglorum aggressuras et molimina vigilantissime remedia opponebant. Unde factum est ut Anglici, licet illic cum valido exercitu diu satis castra tenuissent, ipsum tamen opidum expu-gnare minime potuerunt. Porro cum obsessis nulla de foris victualium et rerum necessariarum solacia provenirent, dira tandem fame ex temporis diuturnitate constricti sunt.
Quod non nescientes Franci, gravissimam jacturam reputantes, si opidum ipsum, quod ad venandam capiendamque aliquando seu recuperandam Parisiensem urbem instrumentum eis efficax esse poterat, simul eciam si et illam strennuissimam miliciam, que illic erat, perditum iri per ignaviam aut torporem permitterent, duce illustri comite Dunensi, de quo supra jam multociens meminimus, obsessis succursum auxiliumque tulerunt. Irrum-pentes enim Anglorum munitissima castra, per que sola ad opidum patebat ingressus, cesis fugatisque Anglicis ferro et armis, pervium sibi iter ad obsessos fecerunt, annone et rerum quibus maxime inopiam paterentur secum ad eosdem solacia deferentes. Cum autem dux Bethfordie, non absque magna animi mesticia, res sibi infeliciter procedere videret et talia obsessis provenisse subsidia, metuens ne sibi deterius res succederent, so-luta obsidione infra paucos dies discessit et Parisius se recepit.
Contigit eciam ut circa eadem pene tempora opidum prope Rothomagum, quod Locusveris dicitur, Anglici obsiderent, quod cum arietibus et gruibus talibusque belli machinamentis vi magna oppugnare temptassent, omnes tamen hujusce eorum conatus frustrati sunt, nec vi, quod vehementer optaverant, ipsum optinere potuerunt. Erat enim locus satis bene munitus et magna vegetorum militum civiumque numerositate refertus. Quod verisimiliter nec indefensum ad hostes pervenisset si eorum qui in eo obsessi erant precipuus capitaneus et inter Francorum duces milicie illius temporis valde famosus, cognomento Lahire, minime ad hostium manus pervenisset. Exiens enim furtim opidum jam obsessum, ut clausis succursum adduceret, cum castra obsidencium noctu pertransisset et jam per dietam et amplius ab opido elongasset, fortuitu contigit ut ab uno milite Burgundione agnitus caperetur.
Quo infortunio effectum est ut, cum pluribus mensibus decursis fames et omnium rerum penuria obsessos affligeret nec tum a eis ut auxilium preberetur spes ulla esset, dedicionem facerent. Qua facta, statim Anglici muros et portas opidi dejecerunt vallumque ex materiis ruderibusque inde dilapsis aliisque terris e proximo illuc comportatis complanarunt.
Donc, après le long siège de Compiègne, auquel assista quelque temps en personne Philippe, illustre duc de Bourgogne, avec les troupes anglaises, les capitaines français, ayant ramassé un peu partout leurs soldats, résolurent d'attaquer les assiégeants. D'un élan vigoureux ils tombèrent courageusement, en nombreuses formations, dans le camp des Bourguignons et des Anglais, en tuèrent un bon nombre, mirent les autres en fuite, balayèrent le camp et restituèrent à son ancienne liberté la place, fatiguée d'un siège déjà long. Cet affront et cet accident subis, comme la ville royale de Paris souffrait de beaucoup de méfaits par suite du voisinage de Lagny, place située sur la rivière de Marne, les Anglais qui depuis la mort de Jeanne la Pucelle, dont ils avaient été si effrayés, avaient recouvré force et courage, résolurent de délivrer la capitale de la crainte que cette place lui occasionnait. Dressant leur camp contre elle, ils l'assiégèrent fortement de tous côtés, en présence du duc de Bedford, régent ou vice-roi de France au nom des Anglais.
Ceux-ci usèrent de divers moyens et engins pour venir à bout de la ville par la force des armes. A coups de pierres, de perrières et de bombardes, ils en entamèrent et renversèrent les murs, les tours et autres défenses, mais le tout en vain. Car, bien qu'elle fût assez petitement et chichement défendue de murs et de fossés, il y avait à l'intérieur une solide garnison d'hommes d'une grande vaillance, Français et Écossais, qui, très experts au fait de la guerre et en l'art de protéger et de défendre les places fortes, savaient opposer avec beaucoup de vigilance les remèdes convenables aux attaques et aux entreprises des Anglais. D'où il advint que ceux-ci, après avoir campé assez longtemps devant la ville avec une forte armée, ne purent cependant réussir à s'en emparer. Enfin, comme les assiégés ne pouvaient recevoir aucun secours du dehors en fait de vivres et d'objets nécessaires, une dure famine les étreignit.
Les Français ne l'ignoraient pas ; ils pensaient que ce serait un très grave malheur s'ils permettaient que cette place, d'où ils pouvaient commodément épier, puis prendre ou recouvrer Paris, vînt à être perdue par lâcheté ou négligence, ainsi que la vaillante troupe qui s'y trouvait. Aussi, sous la conduite de l'illustre comte de Dunois, dont nous avons si souvent parlé ci-dessus, portèrent-ils aide et secours aux assiégés. Ils s'élancèrent contre les solides défenses du camp ennemi, qu'il fallait nécessairement traverser pour entrer dans la place, battirent et chassèrent les Anglais les armes à la main et se firent un chemin praticable vers les assiégés, à qui ils apportaient des secours en vivres et tout ce dont ceux-ci étaient le plus privés. Le duc de Bedford, voyant, non sans grande tristesse, les choses tourner mal pour lui et de tels secours arriver aux assiégés, se prit à craindre que les choses n'empirassent encore, leva le siège, partit quelques jours après et regagna Paris.
Il arriva aussi que, vers la même époque, les Anglais assiégeaient, non loin de Rouen, une place appelée Louviers, dont ils s'efforçaient de tout leur pouvoir de s'emparer au moyen de béliers, de grues et d'autres machines de guerre. Mais toutes leurs tentatives restèrent vaines et ils ne purent prendre la place de force, ce qu'ils souhaitaient pourtant grandement, car c'était un lieu bien fortifié et garni d'une quantité d'hommes d'armes et de bourgeois courageux. Et vraisemblablement Louviers n'aurait point passé sans défense aux Anglais, si le plus grand capitaine de ceux qui y étaient enfermés, illustre entre les chefs de guerre français de ce temps, nommé Lahire, n'était tombé aux mains des ennemis. Sortant, en effet, furtivement de la place déjà assiégée pour amener du secours à ceux qui s'y trouvaient enfermés, il avait traversé de nuit le camp des assiégeants et se trouvait à une journée de marche et plus de la place, lorsqu'il fut par hasard reconnu et pris par un homme d'armes bourguignon. Cet incident fut cause que, comme la faim et la disette de toutes choses pressaient depuis plusieurs mois les assiégés et qu'aucun espoir de secours ne leur restait, ils se rendirent. Après quoi, les Anglais démolirent aussitôt les murs et les portes de la ville et comblèrent le fossé avec les matériaux, les décombres et de la terre apportée là du voisinage.
Source :
- "Histoire de Charles VII" par Thomas Basin - éd. et traduction Ch.Samaran - 1933.
- Présentation de la chronique par J.-B.J. Ayroles - t.I & III de "La vraie Jeanne d'Arc".
Notes :
1 Henri V meurt au Bois-de-Vincennes, le 31 août 1422. Charles VI, meurt à l'hôtel Saint-Paul, le 21 octobre 1422.
2 Le 2 juin 1420.
3 Le 10 septembre 1419.
4 Arnaud-Guilhem, seigneur de Barbazan, fut accusé d'avoir trempé dans l'assassinat de Montereau.
5 Philippe le Bon, fils de Jean Sans-Peur, est né le 13 juin 1396.
6 Meaux se rend au roi d'Angleterre le 2 mai 1422. La prise de Melun, du 17 novembre 1420, est antérieure.
7 Thomas de Lancastre, duc de Clarence.
8 Malgré le ton littéraire de tout ce passage, il est aisé d'y reconnaître des souvenirs personnels de l'auteur. Basin a eu certainement l'occasion de traverser ces régions dévastées qu'il décrit avec tant de vigueur et de précision.
9 Ce tableau de la misère du menu peuple en France peint par un témoin oculaire est remarquable.
10 Henri VI est né à Windsor le 6 décembre 1421.
11 Homfroy, duc de Gloucester.
12 Ce mariage a lieu à Troyes le 14 juin 1423.
13 Anne, duchesse de Bedford, mourut à Paris, le 13 novembre 1432.
14 Archibald, comte de Douglas, était l'un des chefs du contingent écossais et le beau-père de John Stuart.
15 Jean d'Harcourt.
16 17 août 1424.
17 Le bâtard d'Orléans était né entre 1400 et 1402, Charles VII en février 1403.
18 Le comté de Dunois lui fut donné en 1439 par son frère le duc d'Orléans. Quant au comté de Longueville, il le reçut effectivement du roi en 1443.
19 Thomas Montacute, l'un des meilleurs lieutenants de Henri V. Quicherat remarque, se fondant sur le Journal du siège d'Orléans, que la destruction des faubourgs n'eut lieu qu'après la mort du comte de Salisbury.
20 24 octobre 1428. Il mourut le 3 novembre 1428.
21 William Glasdale.
22 D'où le nom de "journée des harengs".
23 Son fils, le duc était prisonnier en Angleterre.
24 Le beau-frère du roi.
25 Elle partit de Vaucouleurs le 13 février 1429.
26 Peut-être Basin avait-il écrit dies au lieu de menses (jours au lieu de mois), mais le manuscrit de Göttingen ne porte à cet endroit aucune correction.
27 Quicherat n'a pas manqué de relever tout ce que ce récit de l'attaque et de la prise des bastilles de l'autre côté de la Loire a d'approximatif et même d'erroné. La ville fut délivrée dès que les positions de la rive gauche eurent été forcées (Ch. Samaran).
28 La prise de Jargeau est du 12 juin I429. Meung fut pris le 15, Baugency le 19 juin.
29 La bataille de Patay eut lieu le 18 juin 1429.
30 Le 4 juillet 1429.
31 Le 26 août, Jeanne d'Arc était à Saint-Denis. Le roi l'y suivit bientôt ; mais les autres historiens ne parlent pas de son couronnement dans la basilique (Samaran).
32 Basin anticipe, le recouvrement de Chartres est du 2 avril 1432.
33 Jean de Festigny.
34 La surprise de Louviers par La Hire est du 8 décembre 1429.
35 Thomas Basin ne mentionne pas que Pierre Cauchon fut son prédécesseur sur le siège de Lisieux.
36 Rom., XI, 34.
37 Jérémie, XVII, 5.
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